Ses militants et apparentés tiennent tous les leviers du pouvoir étatique, ne concédant que quelques accessits à l’opposition et à la société civile. Décryptage d’un règne presque sans partage. Pour beaucoup, c’est un secret de polichinelle : le Cameroun est sous le contrôle exclusif du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Ses militants et apparentés tiennent toutes les manettes du pouvoir. Contrôlent presque Sans partage toutes les institutions républicaines. A commencer par son président national, Paul Biya, qui préside aux destinées du pays depuis bientôt 39 ans. Le gouvernement, son émanation, est sous la coupe de ses militants, y compris ceux de la 25è heure, à l’exception de quelques rares leaders de l’opposition et autres nommés davantage par élégance républicaine ou par calcul cynique. Deux autres apparatchiks du parti au pouvoir tiennent le pouvoir législatif : Marcel Niât Njifenji est président du Sénat depuis sa mise en place en 2013 tandis que Cavaye Yeguié Djibril trôle à l’Assemblée nationale depuis…1992. Le Conseil constitutionnel et la Cour suprême, autres institutions clé, sont dirigés par deux personnalités apparentées au parti du flambeau ardent. En effet, si elles ne revendiquent pas ouvertement pour des convenances démocratiques leur appartenance au RDPC, en revanche elles ne feraient rien pour contrarier son président national. Une formalité pour les caciques Les institutions électives n’échappent pas au contrôle du RDPC. A l’issue des premières élections régionales organisées le 6 décembre 2020, le RDPC s’est adjugé 9 régions sur dix, ne laissant que l’Adamaoua à l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP). Déjà au terme des élections municipales du 9 février, le parti présidentiel a remporté une écrasante majorité de conseillers municipaux, consacrant ainsi sa suprématie dans 316 sur les 360 communes que compte le pays. Dès lors, la prise de 13 communautés urbaines sur 14 n’était qu’une formalité pour ses caciques. Dans le même temps, le RDPC prenait le contrôle de l’Assemblée nationale avec 152 députés sur 180. Auparavant, le parti né des cendres dp parti unique (UNC) le 24 mars 1985 à Bamenda a raflé 87 sénateurs sur 100 à la Chambre haute du Parlement. Autant dire que la formation politique présidée par Paul Biya contrôle sans partage toutes les institutions du Cameroun. Et cette domination ne date pas d’aujourd’hui. La dernière fois que le contrôle d’une institution constitutionnelle a failli échapper au RDPC remonte à 1992. Cette année-là, il ne remporte que 88 députés sur 180, et donc obligé de former une coalition avec des partis d’opposition pour maintenir sa mainmise sur l’Assemblée nationale. Implantation territoriale D’après Moussa Njoya, politologue, cette écrasante domination s’explique avant tout par « l’antériorité historique du RDPC qui, pendant longtemps, a été parti unique et a ainsi pu travailler son implantation sur l’ensemble du territoire national ». De plus, soutient-il, « le RDPC a, quoi qu’on dise, pu s’adapter au retour du multipartisme dans notre pays en retravaillant son sommier politique, en retravaillant la stratégie de recrutement de ses militants et de ses responsables, et en procédant à un important renouvellement de ses organes de base en 1996, 2002 et 2007 qui ont permis chaque fois à ce parti d’avoir un nouveau souffle». Le RDPC règne sans partage d’autant plus qu’en face, l’opposition brille par une faible implantation, avec le confinement de la vingtaine de partis politiques vraiment actifs dans leurs principaux fiefs ou tout au plus dans quelques grands centres urbains. Du coup, en plus d’être l’unique formation politique pouvant présenter des candidats partout, le RDPC se retrouve très souvent seul candidat en lice dans de très nombreuses de circonscriptions. Comme aux régionales où il n’avait pas de concurrent dans 34 départements sur 58. Déficit d’ancrage idéologique Outre leur faible implantation, Moussa Njoya note le déficit de structuration interne des partis d’opposition. « En dehors du président et du secrétaire général, c’est le vide. Ce qu’on appelle la dialectique du noyau dur et de la case vide. En outre, la plupart des partis politiques disposent de peu de ressources humaines et surtout matérielles pour pouvoir faire face au RDPC qui dispose d’énormes ressources officielles et officieuses. Il a au moins un milliard de financement par an à côté des contributions des élites de tous les coins à chaque événement », note le politologue? Une manière bien subtile de ne pas balayer d’un revers de la main une certaine opinion qui veut que les positions privilégiées de ses militants au sein de l’appareil de l’Etat assurent d’importants subsides au parti présidentiel. Moussa Njoya pointe aussi « le déficit d’ancrage idéologique et de propositions programmatiques des partis d’opposition. Au-delà des slogans tels « Paul Biya doit partir’’ « Il faut le changement”, ces partis ne proposent pas quelque chose de concret, visible et lisible». Un acteur politique proche de l’opposition fait aussi observer que les choix parfois très discutables de ses leaders ressemblent fort à une passe au RDPC. « Si le MRC n’avait pas opté pour le boycott des dernières législatives et municipales, sans doute la carte communale ne serait pas la même et l’As-semblée nationale présenterait un autre visage », se convainc-t-il. Pour Moussa Njoya, le contrôle sans partage du Cameroun par le RDPC « n’est naturellement pas une bonne chose pour la démocratie, ce d’autant que c’est de la contradiction que nait l’évolution ». Le politologue explique que quiconque se retrouve dans une telle posture a tendance à dormir sur ses lauriers ou à ne pas faire montre de beaucoup d’imagination. Car, conclut-il, en l’absence de toute concurrence, les gens sont enclins à ne pas trop s’investir.
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