Selon Mouliom Mazou, le président de l’Association camerounaise pour la défense des droits des contribuables, la réforme de la procédure de taxation des téléphones et terminaux numériques est pourtant nécessaire pour permettre aux pouvoirs publics d’avoir les moyens pour faire face à ses nombreux défis. Comment appréciez- vous la réforme sur la taxe douanière applicable aux téléphones portables, tablettes et applications ? Vu les statistiques liées à la chute ries revenus douaniers à l’importation des téléphones portables entre les années 2000 et 2019 présentées par l’administration douanière, une solution innovante et révolutionnaire était nécessaire. Cette administration dit être partie d’une recette de près de 2 milliards dans les années 2000 par mois à moins de 100 millions à nos jours. Il s’agit-là de la conséquence des comportements irresponsables de certains importateurs véreux qui veulent un maximum de profit au détriment des recettes du Trésor Public. Les pertes sont estimées à près de 12 milliards par an car d’après les estimations de la douane Camerounaise, environ 4 millions de téléphones sont importés par an avec un potentiel de 13 milliards si l’on considère une recette de 10 000 FCFA minimum par téléphone. Je trouve qu’avec le contexte économique que traverse notre pays et tous les défis à surmonter, les échéances à venir, l’Etat est en droit de maximiser et sécuriser ses recettes pour pouvoir y faire face. Comment comprendre le tollé observé autour de cette réforme ? Le tollé est normal et peut s’expliquer. La méthode n’a pas été bonne, parce que très brute. Même si la reforme peut être acceptée par les spécialistes. Il y a eu un manque de communication de la part du gouvernement. Beaucoup de reformes sur le plan fiscalo douanier sont passées inaperçues bien qu’étant parfois plus rigoureuses que celle-ci. Par contre celle-ci a un impact direct sur toute la population. 11 était nécessaire de préparer les populations à travers une bonne sensibilisation. Le Cameroun traverse en cette période beaucoup de crises et il faut qu’on évite de prêter le flanc à ceux qui font feu de tout bois. Le contribuable qui sait que c’est à l’importateur de payer la douane conçoit mal que pour une raison ou pour une autre on lui transfert cette charge. Mais il ne se fait pas tard. Quelle appréciation faites-vous de l’argument du gouvernement selon lequel, cette taxe va booster les recettes douanières ? Je pense qu’en dehors des fraudes dans le secteur des importations des téléphones, les recettes douanières depuis l’entrée en vigueur des APE étaient en baisse. Ayant mis à nu certaines niches et trouver des solutions appropriées, leur recette logiquement devraient s’améliorer. Tout comme à la Direction générale des Impôts, des réformes sont entreprises à la Direction générale de la Douane depuis quelques années afin d’optimiser les recettes de l’Etat et nous-n’espérons que des meilleurs résultats. Et si le gouvernement le dit ça veut dire que des études ont été faites. Quel est votre analyse face aux mécontentements de ceux qui pensent que ce n’est pas aux usagers d’aider la douane à collecter cette taxe ? Leur mécontentement est légitime car en réalité ce n’est pas aux populations de supporter les droits de douanes, même si sans le savoir, indirectement ils le supportaient déjà. Cette taxe supportée par l’importateur, au final faisait partie du prix de revient de la marchandise. Maintenant que le gouvernement a décidé de faire payer directement par les consommateurs, il a l’obligation de les rassurer, en garantissant leur sécurité afin qu’ils ne soient pas arnaqués. Et là j’en appelle à la responsabilité du ministère du Commerce. Cette taxe que les consommateurs vont supporter devra venir en diminution du coût des appareils. Il faut que ce mécanisme soit bien expliqué et que l’Etat sauvegarde les intérêts du consommateur. Si rien n’est fait dans ce sens nous seront tous abusés par les commerçants véreux et les populations vont chercher les voies de contournements, ce qui est dangereux pour le Trésor Public. Les intérêts des contribuables vous semblent-ils protégés ? Pour le moment non. Dans le mécanisme, tout est fait pour traquer auprès de l’acquéreur final le téléphone ou la tablette non dédouané et faire payer les droits exigibles. Aucune disposition ne prévoit le recours contre un importateur qui a traversé la douane bien qu’en suspension de ces droits, sans déclarer la marchandise. L’article 6 de la DECISION CONJOINTE N°00000247/MINFI-DGD/MINPOSTEL-IGT DU 13 MARS 2020 a certes prévu une amende de 50% du montant de la transaction pour le vendeur qui n’informe pas le client du non dédouanement de la marchandise. Mais les voies de recours ne sont pas définies. En plus c’est lourd pour le Camerounais lambda qui achète son téléphone dans un coin reculé du pays. Avez-vous l’impression que cette réforme est appliquée efficacement ? Pourquoi ? Pour le moment la réforme n’est pas appliquée efficacement car ceux qui l’ont pensé n’ont pas tenu compte de son environnement social. Mais comme je l’ai déjà dit, il ne se fait pas tard. A travers les critiques et les différentes contributions en cours l’administration peut la rendre efficace. Mais que les opérateurs de la téléphonie qui gagnent beaucoup d’argent dans notre pays accompagnent l’Etat et arrêtent de dire que la législation ne permet pas la conversion du crédit de communication en argent. S’ils peuvent transformer notre argent en crédit de communication, qu’ils transforment aussi notre crédit en argent et ils remettent au Trésor Public. Quelles sont vos suggestions pour une meilleure application de cette réforme ? Association Camerounaise pour la Défense des Droits des Contribuables’ (ACDC) propose une vaste campagne dé sensibilisation et d’information sur le processus. Comment se comporter quand on veut acheter un téléphone chez un opérateur qui n’a pas encore payé la douane. Ceci mettra les populations à l’abri des arnaques et permettra au vendeur aussi de connaître les barèmes de paiement en fonction de la gamme, du modèle du téléphone etc. C’est dans ce sens que nous avons saisi vendredi dernier le 16 Octobre, le MINFI et le MINPOSTEL en leur demandant la mise sur pied d’une campagne de sensibilisation et de communication qui intégrera les média conventionnels et sociaux, les associations que nous sommes. D’ailleurs un guide du contribuable à ce sujet a été rédigé par l’ACDC et soumis à l’approbation de la Direction générale des Douanes afin de servir pour cette campagne de sensibilisation des contribuables. C’est déjà une première contribution, nous attendons la validation du document par l’administration technique en charge des prélèvements des droits des douanes. Mais aussi la réponse favorable du gouvernement pour une campagne de sensibilisation sur toute l’étendue du territoire national.
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