Bafoussam : gouache aux oubliettes

Le site où s’est produite l’une des pires catastrophes du Cameroun il y a 12 mois, n’a fait l’objet d’aucune attention ce 28 octobre 2020. Un an seulement après, personne ne semble plus se rappeler cette tragédie qui avait profondément ébranlé le Cameroun, avec son lourd bilan de près de 60 morts. La Nouvelle Expression est repartie sur le terrain maudit. Il souffle un air des jours ordinaires ce mercredi 28 octobre 2020 à Gouache. Le climat tempéré qu’il fait autour de 12 heures permet plutôt aux populations de mieux s’atteler à leurs activités. Le cliché capté sur le site de la catastrophe ayant donné une triste réputation à ce quartier de l’Arrondissement’ de Bafoussam 3ème où promiscuité et pauvreté se côtoient, contraste avec celui d’il y a un an. Pas bousculades, la circulation fluide. Seuls le conservateur forestier de Bafoussam 3ème et sa stagiaire, rencontrés sur les lieux, contemplent la forêt sauvage qui s’érige progressivement sur l’espace où était bâtie une cinquantaine d’habitations dans un passé proche. Un peu plus amont, des maisons abandonnées, détruites partiellement ou totalement sont visibles. A certains endroits, ont été aménagées des petites plantations de haricot. Mais -dans la mémoire des habitants rencontrés, le 28 octobre 2019 reste frais. Ce jour-là en effet, ils ont vu plusieurs de leurs voisins quitter brutalement le monde des vivants. « C’est une date vraiment douloureuse vu que les gens sont beaucoup décédés ici à Gouache. Cet endroit est devenu complètement la brousse. A l’époque il y avait une cinquantaine de maisons à cet endroit. Beaucoup de familles ont été décimées», se souvient Albert Legrand. «J’étais assis à la maison. Aux environs de 21 heures de 30 minutes, j’ai suivi un bruit assourdissant. J’ai cru que c’était un crash d’avion. Dès que je suis sorti de ma maison située en face du site du sinistre, j’ai allumé ma lampe-torche et je n’apercevais plus de maisons. Nous sommes sortis pour aller aider ceux qui criaient sous la terre. Nous avons sortis quelques-uns, mais hélas, certains sont décédés à l’hôpital », relate-t-il. «On a perdu tous nos voisins. Autour de 22 heures, nous avons suivi un grand bruit, et quand nous sommes sortis, nous avons constaté que la terre avait enfermé tous nos voisins », poursuit Chantai après beaucoup d’hésitations, en raison de l’émotion vive qui s’empare d’elle chaque fois qu’il faut évoquer ce triste événement, cette nuit cauchemardesque. «C’est un jour qui me rappelle dé très mauvais souvenirs», confie AchiMe Kenne. Ce jeune dit avoir été traumatisé par la perte de plusieurs amis et proches de sa famille dans cette catastrophe. L’émotion est encore plus grande chez lui du fait que quelques minutes plus tôt, il avait été en contact avec certains .décédés. «J’ai perdu beaucoup de personnes dans ce drame : des amis et les membres de la famille. Nous étions ensemble le soir le soir du drame avec les membres de la famille que j’ai perdue là-bas. Le soif, nous étions avec Thomas qui est mort avec toute sa famille. Il était chez nous et a même bu du vain avec mon père. Dans la nuit, nous sommes seulement allés les retirer pour aller enterrer. Thomas et sa famille étaient quinze personnes. A Bamendou où on est allé les enterrer, dans une tombe, il y avait huit cercueils et dans l’autre, sept », se souvient-il. Au-delà des tristes souvenirs, ces habitants de Gouache s’offusquent cependant de ce qu’après les ballets de personnalités enregistrés peu après l’impitoyable éboulement de terrain, le site ayant enseveli presque 60 personnes, n’ait jusque-là’ bénéficié d’aucune attention. Après les déguerpissements des rescapés, certains pensent qu’on aurait pu, soit ériger une stèle en la mémoire des disparus, soit réaliser un projet permettant à la postérité de se remémorer de ce jour où Gouache faisait parler et pleurer le monde.


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