Accusations de tentative d'insurrection : bagarre gouvernementale autour du mrc
Les autorités divisées sur la dissolution du parti, de l’arrestation et de la (lourde) condamnation de son leader, Maurice Kamto et de ses principaux au Cameroun. Ce lundi, cela fait 15 jours que le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, opposition), Maurice Kamto, est maintenu en séquestration intégrale à son domicile, sis au quartier Santa Barbara à Yaoundé. Ladite résidence, jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse, restait encerclée par un imposant cordon de forces de sécurité, après son mot d’ordre de manifestations nationales visant à provoquer le départ du président Paul Biya. Pour le concerné, il s’agit d’«une assignation à résidence surveillée de fait». «Je ne sais pas quel est mon statut à l’heure actuelle : est-ce que ma maison est devenue un nouveau lieu de détention ?» s’est-il interrogé sur une radio internationale; Pendant la même période, et moins «chanceux», quelques-uns des cadres de la formation, mais aussi des partisans du mouvement Stand up for Cameroon, ont été interpellés et restent maintenus en garde à vue, sans jugement, à travers le pays. «On ne peut prétendre avoir apporté la démocratie dans un pays où l’on réprime en permanence l’expression des libertés, et notamment celle des opinions, où s’exercent l’arbitraire et un usage abusif de la force contre ces libertés. Ce n’est plus une démocratie c’est une barbarie», a perfidement glosé son conseiller spécial, Christian Penda Ekoka. Et d’évoquer «un État de non droit», «une dictature de la pire espèce». Il y a plus de deux semaines en effet, l’atmosphère était au bannissement du MRC, à l’arrestation de son leader, puis à la mise en jugement de tous ceux de son bord. Ministre de la Communication (Mincom), René Emmanuel Sadi avait déclaré que «la situation du leader du MRC fait l’objet d’un examen attentif, par les autorités judiciaires compétentes». Précisant que son parti «fait également l’objet d’un examen attentif par le ministère de l’Administration territoriale», en charge des partis politiques et associations, il avait reconnu que des activistes présumés du «projet insurrectionnel» étaient aux arrêts. Faisant état de «certaines velléités d’ingérences étrangères détectées depuis un certain temps (et qui) font l’objet d’un suivi conséquent des services spécialisés», il a précisé que quelques-uns des partisans de M. Kamto avaient été relâchés, et que «d’autres le seront, le cas échéant, au fur et à mesure de l’évolution de l’enquête judiciaire en cours». Impondérables Davantage, le Mincom a évoqué, s’agissant de l’initiative tendant à envoyer Paul Biya à la retraite, «un mouvement insurrectionnel», créé «dans le but affirmé de renverser les institutions de la République». Il a condamné des «agissements criminels d’une poignée d’aventuriers aveuglés par une ambition dévorante». Pour une majeure partie de l’opinion publique, le sort de Maurice Kamto et des siens était scellé. Déjà, de sources proches du régime, un texte de dissolution du MRC, préparé par le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, dont on connaît par ailleurs l’acrimonie vis-à-vis de Ipdite formation, annonçaient la publication imminente d’un arrêté portant bannissement de la formation en application de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 portant sur la création des partis politiques. Sauf que, entretemps, des impondérables ont fait évoluer la situation. Au sein du système, deux camps, diamétralement opposés sur la conduite de ce dossier, s’affrontent à fleurets mouchetés. Il y a, d’un côté, quelques radicaux décidés à en finir avec une organisation dont les méthodes dérangent et qui, par certains aspects,, ont des allures de secte tribale voilée. De l’autre, une poignée de modérés estimant qu’on n’a pas besoin d’user de la massue pour tuer une mouche. Réserves Pour commencer, et sur le plan juridique, il s’est avéré ardu de constituer un mémoire constitutif des charges d’atteinte à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale, à la forme républicaine de l’Etat, à la souveraineté nationale et à l’intégration nationale, notamment par toutes sortes de discriminations basées sur les tribus, les régions, les groupes linguistiques ou les confessions religieuses. De même, les caciques du régime semblent avoir du mal à établir, s’agissant du MRC, l’incitation au recours à la violence, la mise sur pied d’une organisation militaire ou paramilitaire, l’encaissement de subsides de l’étranger ou encore l’appel à la belligérance, entre les composantes de la nation camerounaise, etc C’est dire si un procès, dans la logique du pouvoir de Yaoundé, court vers une levée, internationale de boucliers avec des risques de mesures contraignantes de la communauté internationale à l’endroit de certaines autorités. La même réserve est observée chez les services de renseignement qui font pression pour que des mesures radicales ne soient pas prononcées contre Maurice Kamto, son parti et d’autres dirigeants du MRC. A en croire des indiscrétions, des indications, particulièrement inquiétantes, feraient état, en cas de dissolution de la formation, de la naissance d’un front de rébellion. Lequel viendrait -le conditionnel est de nous – s’ajouter à la guerre contre la secte islamiste Boko Haram dans l’Extrême-Nord, la gestion des réfugiés centrafricains à l’Est, et surtout la crise sécessionniste anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. «Des puissances étrangères sont sur les dents, contrôlant la première initiative répressive sur ce qu’elles considèrent comme le dernier verrou contre les libertés politiques, pour frapper avec vigueur sur certains princes du régime Biya, un dirigeant dont ils ont par ailleurs du mal à cerner la posture en ce moment», signale, sous le sceau de l’anonymat, un très haut commis de l’Etat. Aux dernières nouvelles, les choses pourraient soit porter sur la levée du blocus autour de la résidence de Maurice Kamto et la libération de toutes les personnes détenues, dans le cadre de la «révolution des abeilles», soit se radicaliser et précipiter les événements à l’encontre du MRC.