Xavier Messe ressuscite son éditorial sur Chantal Biya qui donne raison à Jeune Afrique.
L'histoire lointaine et proche nous enseigne toujours. Elle nous rappelle et nous colle aussi au visage, des faits qui se sont produits dans des continents proches ou loin de nous par la géographie et par la culture: là bas, des femmes ont régné, parfois pendant plusieurs décennies. Marie de Médicis par exemple. Cette digne épouse du fringant et séducteur roi Henri IV, remplaça son époux défaillant. Elle fut ainsi couronnée reine de France le 13 mai 1610, ayant assuré auparavant la régence de la monarchie pendant 7 ans. Les Argentins chantent et pleurent encore de ces jours, Isabella Péron, charmante danseuse du folklore local. Elle sera la première femme présidente d'une république de l'histoire mondiale. Elle succéda avec brio à son mari Juan Domingo Péron à la tête de l'Etat de 1974 à 1976, avant d'être renversée par un coup d'Etat mené par les colonels dans ce pays. Si l'histoire de notre continent était souvent plus écrite qu'orale, nous apprendrions sûrement que dans certains royaumes avant l'époque coloniale de notre Afrique, des femmes avaient quelque part été à la tête de certains royaumes africains. En politique, rien n'est gratuit. Rien ne se fait au hasard non plus. Tout est calcul. Tout est stratégie, pour exister, pour gagner. Si l'université de Yaoundé II Soa a organisé la semaine dernière en son sein un colloque scientifique où les universitaires de bon calibre étaient conviés à débattre librement " du prisme politique de l'action sociale de la première dame du Cameroun", Chantal Biya, il faudrait être un naïf de la première catégorie pour croire que les initiateurs de ces échanges hautement médiatisés, n'étaient que vulgaires désœuvrés, cherchant à plaire en chantant les bonnes œuvres de l'épouse du président de la République, ou alors, revendiquant pour elle, un strapontin dans les dispositions légales et constitutionnelles de l'Etat. Le colloque de Yaoundé II Soa fut un ballon d'essai lancé dans le ciel politique du Cameroun afin de regarder voir, la perception des publics nationaux, pour un éventuel destin national de l'actuelle première dame. En réunissant déjà dans le même panel des intellectuels idéologiquement et politiquement aux antipodes comme Jacques Fame Ndongo et Éric Mathias Owona Nguini, ce colloque avait par avance marqué son succès. Il n'y a pas eu, au sortir de ces débats, une jauge d'observation pour mesurer l'impact de la thématique décortiquée par les universitaires pour l'opinion publique. On peut tout au moins retenir quelques éléments visibles qui témoignent que le sujet n'avait laissé personne indifférent: - il a été traité dans toutes les formes par les journalistes et les bloggers, donnant ainsi à cette manifestation un écho international; - il a permis de revisiter les actions sociales et sportives qui portent l'estampille de Chantal Biya, font la réputation du Cameroun, et qui ont fini par installer la première dame dans les cœurs et les pensées de ses compatriotes. Paul Biya est un homme froid, distant et discret. L'exercice du pouvoir n'a pas réussi à le changer. C'est lui par contre qui a développé une autre manière de diriger un pays, cette manière là adaptée à son tempérament. En revanche, son épouse est vraie, spontanée et très proche des populations. Elle est sensible aux besoins des gens, elle y consent selon les moyens et les limites de l'action dus à une première dame. Ne ferait-elle pas plus si elle avait la plénitude de ses moyens et un pouvoir que lui conférerait la constitution ? En nous interrogeant ainsi, nous avons osé nous donner une liberté, celle de poser cette question qui taraudait dans les pensées des initiateurs du colloque de Sao, car personne parmi eux ne se serait permis de franchir le rubicon en posant cette question: pourquoi pas Chantal pour remplacer Paul ? Cela se fit en France, puis en Argentine, pour ne citer que ces deux cas. Par Xavier Messe A Tiati 10 novembre 2016 (Mutations)