Dans un nouveau rapport publié il y a deux jours, l’Ong Amnesty International, fait de nouveau l’économie des exactions commises par les combattants séparatistes et les soldats de l’armée régulière qui s’affrontent dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Cette fois, elle met surtout le doigt sur un conflit sous-jacent qui oppose ces militants indépendantistes à la communauté Mbororo. En l’absence de chiffres officiels, Amnesty International indique que «30 éleveurs Mbororos ont été tués par des “Ambas” dans le département de la Menchum entre 2018 et 2020, 35 dans l’arrondissement de Ndu (département de Donga-Mantung) entre 2018 et 2020 et plus de 50 dans l’arrondissement de Nwa (département de Donga-Mantung) entre octobre 2018 et mars 2021»,
Pour lever toute équivoque, Amnesty international a tout de même tenu à préciser que cet état des choses est loin de signifier que la communauté Mbororo est une cible privilégiée des séparatistes, qui se font appelés ambazoniens. Un nom tiré de l’appellation de la nation fantoche qu’il souhaite établir dans le Nord-Ouest jusqu’au Sud-Ouest. L’ONG précise cependant que les «Peuls Mbororos en tant que communauté sont visés par des discours discriminatoires et incendiaires de la part de porte-parole, de membres et de sympathisants de groupes séparatistes, d’après les documents vidéo, audio et écrits qu’Amnesty International a recueillis et examinés. (…) Les victimes Peuls Mbororos ont souvent signalé que des propos racistes et xénophobes avaient été prononcés lors des attaques lancées contre elles par des séparatistes armés» peut-on lire dans ce rapport.
Des discours de haine, qui d’après Amnesty International, se sont accentués après la participation de milices peules au massacre de Ngarbuh en 2020. «Les discours discriminatoires à l’encontre des Peuls Mbororos se sont intensifiés après la tuerie de Ngarbuh, le 14 février 2020, lorsqu’il est apparu évident que l’armée camerounaise était accompagnée de membres d’un “groupe d’autodéfense”, Peuls pour la plupart», précise le rapport.Une exaction parmi tant d’autres, perpétrées par les Mbororos. «Des milices composées principalement de Peuls Mbororos armés ont commis de nombreuses infractions à l’encontre de la population dans la région du Nord-Ouest, notamment des meurtres et des incendies de logements, qui ont conduit à des déplacements de personnes?», rapporte Amnesty international qui s’est ensuite attelé à en lister près d’une dizaine de ces raids meurtriers.
Pour mémoire les régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun sont en proie à une crise sécuritaire qui a débuté par des revendications corporatistes. En clair, les protestataires réclamaient de meilleures conditions de travail pour les enseignants et les avocats anglophones. Malgré des mesures palliatives prises par le gouvernement, contraint de rompre avec l’intransigeance adoptée dès le départ, les manifestations ont viré aux émeutes. Les émeutes ont ensuite laissé la place à un conflit séparatiste en 2017. «?Plusieurs ONG ont estimé le bilan à plus de 6?000 victimes, sans toutefois pouvoir étayer ce chiffre. Un décompte non officiel des pertes militaires a été réalisé par un militant actif sur les réseaux sociaux, qui a estimé que 1?434 militaires avaient été tués dans le contexte de la violence armée au 26 juin 2023?», peut-on lire dans le rapport d’Amnesty Internationale.