Après la campagne électorale la plus tiède de l’histoire du Cameroun, le pays a connu hier, dimanche 9 février, les élections les plus mornes, marquées par une abstention qui fera date. Le bilan de la journée électorale du 9 février 2020 amène l’observateur honnête à filer la métaphore sportive du match nul entre les partisans de la participation et ceux du boycott. Mais au risque d’un énorme contresens, il s’agit d’un match nul en faveur du camp du boycott, car si le régime, en sa qualité de chef de file des partisans de la participation, a réussi par le moyen de l’intimidation militaro-policière à préserver un calme armé qui n’était nullement menacé –les tenants du boycott n’ayant prévu aucune entreprise susceptible de contrarier ceux qui avaient opté de voter-, le camp du boycott a réussi sans bouger le petit doigt, juste en faisant comprendre l’inanité d’un scrutin gagné à l’avance par l’arbitre-joueur, à obtenir des électeurs que plus de ¾ de ceux-ci restent chez eux. Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote au Cameroun, un seul constat peut être fait : celui du succès total des deux camps qui s’affrontaient à fleurets mouchetés et à distance considérable ce dimanche, pour le contrôle de l’électorat, donc des urnes : d’une part, le camp de la participation à ces élections, dont la figure tutélaire est le régime du président Biya et qui était représenté dans l’arène électorale par le parti-Etat Rdpc au pouvoir et les partis dits de l’opposition qui ont accepté de lui tenir compagnie dans cette course aux sièges de députés et de conseillers municipaux, et d’autre part, du boycott de ce rendez-vous politique jugé “inutile” conduit par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC de Maurice Kamto) et vivement soutenu par le Cameroon People Party de la femme politique camerounaise Edith Kah Walla, par ailleurs leader du Mouvement citoyen Stand Up Cameroun, et la branche légitimiste du parti nationaliste historique UPC, qu’est l’UPC-MANIDEM d’Albert Moutoudou. La campagne électorale illégale de Paul Biya en plein scrutin n’y a rien fait En journée, dimanche, on a non seulement noté l’ouverture tardive de nombreux bureaux de vote dans les grandes villes dont certains cas ont attiré négativement l’attention de la plateforme « Femmes camerounaises pour des élections pacifiques et l’éducation à la paix », qui sous l’égide de ‘ONG WILPF Cameroon, avait installé une salle de veille pour recenser les irrégularités susceptibles d’entacher le double scrutin. Mais lorsque les bureaux étaient ouverts à temps, les électeurs ont trainé le pas pour s’y rendre. Ou ne s’y sont pas du tout rendus.Sur le terrain, notre reporter Ndam Njoya Nzoméné, explique, amusé par la situation : « Dans les établissements scolaires qui servent de centres de votes, on a souvent l’impression, les jours d’élections, d’une belle pagaille ou d’une récréation géante avec des adultes plus délurés, plus bruyants que les occupants ordinaires des lieux, parce que certains ne trouvent pas leurs noms sur les listes électorales, ou sur le registre tenu par le bureau de vote ou parce que même inscrits, ils ne sont pas en possession de leurs cartes d’électeurs et exigent de voter avec leur seule carte d’identité. Mais aujourd’hui, les électeurs que nous avons vus étaient d’un calme studieux. La raison, ils étaient si peu nombreux, donnaient l’impression d’être tous des partisans d’un seul et même parti, et d’être intimidés par la forte présence des policiers et gendarmes, que c’est à peine s’ils s’autorisaient à respirer pleinement ».La situation en journée s’est reproduite en soirée où les résultats dans les bureaux et centres de vote, à Douala et Yaoundé, par exemple, ont été proclamés dans un calme absolu d’Etat d’urgence, et avec une rapidité dénotant la volonté d’en finir au plus vite avec une situation malaisée. La raison se trouvait pourtant ailleurs, le nombre d’électeurs était tellement insignifiant que quelques minutes avant le scrutin, des représentants de partis faisaient communiquer à l’extérieur, via leurs relations, des chiffres sur le taux de participation marqués par leur faiblesse, pour ne pas dire marqués par l’abstention. « Nous devons le faire parce qu’il y a des consignes qui courent que ceux qui ont pris part aux élections doivent être solidaires et communiquer un taux de participation important, afin de casser ceux qui ont boycotté. Mais le problème c’est que nous n’avons aucune garantie que ce stratagème ne va pas se retourner contre nous » a confié un scrutateur du PCRN de Cabral Libih Li Ngué Ngué.Une confidence corroborée après la fin des opérations électorales par les chiffres sortis des bureaux de vote qui, dans l’ensemble, et contrairement aux déclarations du ministre de l’Administration territoriale Peter (Paul ?) Atanga Nji laissaient voir sous réserve de consolidation définitive après comptabilisation des résultats de l’arrière-pays généralement différents de ceux des grandes villes, un taux de participation frôlant à peine les 20%. Pourtant, dans la journée, le président Biya n’avait pas hésité à se lancer dans une campagne électorale illégale en plein déroulement du scrutin, en appelant publiquement les Camerounais à aller voter, alors que les appels en lien avec le double scrutin du 9 février 2020 ont pris fin dimanche à 00 heures pile. Il n’en demeure pas moins que l’appel du président, même s’il avait une chance de trouver une oreille attentive dans les régions francophones, ne pouvait nullement modifier la donne dans les régions anglophones en guerre du Nord-ouest et du Sud-ouest où seuls des milliers de militaires, gendarmes et policiers transportés sur les lieux par charters pour suppléer les électeurs… autochtones, ont réussi, entre affrontements ce jour d’élections avec les séparatistes armés (à Kumba dans le Sud-ouest, Bafut et Bali Nyongha dans le Nord-ouest) et accomplissement de la mission qui leur a été confiée de voter en lieu et place des populations, ont réussi quand même à bourrer les urnes en faveur du parti au pouvoir.
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