La démocratie confisquée

Le constat est fait. Les formes instituées de la démocratie ne permettent plus aux revendications populaires de s’exprimer, sans passer par la violence. Le libéralisme communautaire, depuis son lancement, s’est penché sur le concept du développement bien orienté et loin de satisfaire les attentes. L’idéologie portée par le Rdpc a eu pour effet majeur, d’approfondir un sentiment de confiscation de la démocratie qui atteint aujourd’hui des proportions vicieuses. Dans ses multiples adresses à la nation, le président de la République a toujours indiqué vouloir mettre le Cameroun sur le chemin de la démocratie émergente, en rappelant chaque fois l’impérative nécessité de valoriser l’image du Cameroun à l’extérieur. «Je m’étais engagé également à consolider notre démocratie, notamment en garantissant une meilleure participation des citoyens à la vie publique. Le vote des lois de décentralisation permettra d’atteindre cet objectif. De même, les nouvelles institutions, désormais à pied d’œuvre, assureront un contrôle impartial du fonctionnement de nôtre système démocratique.. .nous allons poursuivre la modernisation de notre système démocratique. Nous bénéficions déjà des avantages essentiels de la démocratie institutions représentatives et exercice des droits et libertés fondamentaux. Grâce à la décentralisation, je le répète, nos populations seront mieux associées à la vie publique», avait-il déclaré le 1er octobre 2004 à Monatélé dans son discours comme candidat à la présidentielle. D’année en année, Paul Biya a chanté la démocratie au point de promettre de mettre tout son engagement à s’y mettre: «Je me suis personnellement attaché à la restauration de nos libertés et à rétablissement d’une démocratie pluraliste », avait-il encore dit à Bertoua le 8 octobre 1997, non sans parier d’une action collective « Ensemble, noué avons mis en marche un . processus d’évolution vers une société démocratique organisée selon les normes universellement -reconnues», extrait dans sa profession de foi du .5 Octobre 1992. Des extraits on peut en prendre des milliers pour ce qui est des discours de Paul Biya qui joue parfois sur les mots et moins claire sa pensée sur la question, «Il est temps peut-être maintenant de parler de notre démocratie. Je la considère comme un acquis du peuple Camerounais. Nous devons jalousement préserver cet acquis….Personne n’a le droit de compromettre nos libertés fondamentales. Et, quoi qu’en pensent certains esprits chagrins, nos prisons ne sont pleines, ni d’opposants, ni . de journalistes…», le ton est donné pour cerner les grandes orientations d’une démocratie à la Camerounaise avec ses contradictions. Et ceci traduit à souhait la volonté de conduire ce processus avec une seule vision: La preuve, il y a un appel lancé par certains leaders politiques, la modification par consensus du code électoral qui selon les acteurs politiques «semble indispensable pour la mise en œuvre d’une véritable démocratie». Un avis rejeté carrément par le parti au pouvoir qui a choisi la répression et la brimade comme seul outil de dialogue.-Au moment même où le sentiment, d’une confiscation de la démocratie apparait déjà .profond, à- la veille comme au lendemain d’un processus électoral, l’actuel gouvernement n’a donc pas trouvé meilleure solution que celle de s’appuyer sur un mot d’ordre . d’interdiction de •l’expression des libertés pourtant fondamentales avec comme rajout, le grand sentiment d’un mépris, exercé à l’encontre des masses populaires. Désormais donc, aucune manifestation n’est plus possible, et Paul Biya ne peut plus dire que « nos populations sont mieux associées à la vie publique au Cameroun.» Le paradoxe de l’actuel gouvernement est que l’invocation du dialogue inclusif disparaît entièrement lorsqu’il s’agit de discuter l’effet réel des politiques menées par le président Paul Biya. Ainsi le gouvernement n’accepte-t-il pas que l’on discute des crises que traverse le pays. Il n’accepte pas qu’on parle de la mauvaise conduite des affaires, des libertés publiques bafouées, de la confiscation des instruments de l’Etat. Bref il faut .se taire et regarder comme Te pays marche, sinon vous êtes dans «l’insurrection» et Paul Biya ne répond plus. La démocratie confisquée La justification de l’efficacité cède alors le pas à une constante réaffirmation de la légitimé tirée des élections toujours contestées. Plus un mois ne s’écoule, plus une crise ne survient – et elles se font nombreuses – sans que le gouvernement ne reproche à l’un ou l’autre des partis d’opposition de ne pas accepter «le résultat des urnes» et «d’entretenir la haine et le tribalisme». De façon également inquiétante, de nombreux militants se font le relai de ce biyaisme de fortune. Ainsi n’est-il pas rare qu’un militant du Rdpc et ses alliés demandent au nom de quoi tel ou tel opposant ose encore s’opposer, alors que l’élection a déjà eu lieus La pratique actuelle des institutions du gouvernement . de Paul Biya se présente ainsi comme l’attelage de . deux phénomènes entre lesquels la contradiction n’est qu’apparenté. Face à un discours si profondément confiscatoire, la survenance des crises actuelles était une question de semaines ou de mois. La crise sociale rencontre ici la crise démocratique et institutionnelle: elle l’alimente et s’en nourrit. Aucun ajustement n’est envisagé pour s’en sortit. Alors questions: sommes-nous actuellement en démocratie ? Notre régime politique, est-il celui d’une démocratie ? Ces questions semblent, à – première vue, bien éloignée des débats qui animent l’actualité politique. Pourtant, à y regarder de plus près, elle conditionne fortement la maniéré dont ces débats sont posés. Le discburs politique en ce moment côté pouvoir, s’appuie sur le postulat selon lequel les institutions actuelles seraient démocratiques. Ce qui est tout le contraire de l’opposition politique qui pense qu’«Il ne sert à rien d’apporter de bonnes solutions à de mauvaises questions. A partir du moment où on ne peut se mettre d’accord sur le contexte dans lequel ces problèmes se posent. Pour vous dire la vérité, le pouvoir politique n’est pas, démocratiquement réparti entre tous les citoyens», laisse entendre Alexis Kimbi, politologue qui fait constater que «nous sommes en oligarchie et non en démocratie et c’est ce que les suppôts du régime refusent d’admettre. Le Cameroun aujourd’hui est entré dans la phase de ‘ confiscation de la démocratie avec toutes les interdictions que l’on observe. Les gouverneurs ont reçu l’ordre d’interdire toutes les manifestations publiques. Et aucun sous-préfet ne pourra tenter donner un récépissé de : déclaration à qui ce soit en ce moment. Et quand les sentences sont connues pour les marcheurs que l’on menace de condamner à vie », explique-t-il encore. Pour Max Elolombé «Le régime actuel est. une oligarchie qui joue la libérale parce qu’il autorise au choix, certains citoyens à se réunir mais avec toutes les limites et les remises en scène que nous connaissons tous. Le pays va mal», dit cet enseignant d’histoire.


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