Jugée lente, opaque, laxiste, voire sous les ordres de l’exécutif, la magistrature camerounaise semble avoir plusieurs trains de retard. La réunion cette semaine des chefs des cours d’appel et les délégués régionaux de l’administration pénitentiaire, met à nouveau en question et au centre des débats le rôle et la place de la justice telle qu’elle s’exerce sur le territoire national. Sans préjuger du fond des dossiers ni de leur crédibilité – tout citoyen est un justiciable -, il est clair que le feuilleton judiciaire de plusieurs affaires impliquant des hauts commis de l’Etat ne se déroule pas dans les meilleures conditions de sérénité. Il suffit d’écouter la rue camerounaise pour s’en apercevoir : une majorité des Camerounais estime qu’il est urgent de faire rendre gorge à plusieurs anciens ministres et directeurs généraux, une minorité qu’il s’agit dans plusieurs affaires de règlements de comptes orchestrés par le pouvoir de Yaoundé. Dans un cas comme dans l’autre, la justice, à tout le moins l’image et l’idée qu’en ont les citoyens, est perdante. « Précipitation, préméditation, inélégance ! C’est le triste constat qu’on est obligé de faire dans les différentes affaires impliquant les hauts commis de l’Etat incarcérés », résume un observateur de l’environnement politique du pays. Selon lui, tout laisse croire que la Justice camerounaise est instrumentalisée. Et tout cela conforte ceux qui ont toujours eu une appréciation très négative sur notre justice. En fait, « c’est un tout qui excède les Camerounais », souligne un substitut du procureur de la République sous le couvert de l’anonymat. Et, ajoute le magistrat, la corruption ou la proximité de certains juges avec le pouvoir éclabousse l’ensemble du corps judiciaire. Défi de la crédibilité Au ministère de la Justice, l’on estime que plusieurs critiques sont faites par ignorance du « mode de fonctionnement ». Ce qui fait dire au ministre de la Justice Laurent Esso qu’il ne faut pas s’attendre à ce que « un justiciable qui a perdu, porte la juridiction en triomphe ou félicite le magistrat qui a rendu la décision ». Et cela donne, ajoute le Grade des Sceaux, inopportunément lieu à des critiques qui, en dehors du cadre judiciaire des voies de recours, se retrouvent largement diffusées dans les réseaux sociaux. Sans volonté politique de la part de l’exécutif, les textes garantissant l’indépendance des magistrats restent lettre morte, c’est une évidence. Mais tant que ces derniers n’auront pas opéré leur propre révolution culturelle, ces textes n’ont aucune chance de s’imposer. Trop souvent, en effet, les juges demeurent prisonniers d’une triple culture : celle de la dépendance vis-à-vis du pouvoir en place, celle de la corruption et celle de la peur. Au Cameroun, rares sont les procès sensibles à connotation politique de ces dernières années où les principes d’équité des débats, de protection des témoins et d’équilibre des sentences ont été appliqués. Pour les juges de la cour, le défi à relever est celui de la crédibilité.
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