Les populations semblent avoir fait un autre choix. L’élite du Grand Nord au Cameroun acquise au régime de Yaoundé est entre le marteau et l’enclume : d’abord réussir le pari de la reconquête d’une population définitivement lasse des promesses électorales ou électoralistes ; ensuite barrer la voie à ce qui s’apparente désormais à une rupture au regard de la montée en puissance de ceux qui revendiquent, eux aussi, le droit de porter haut les préoccupations des populations. En fait, si l’on s’en tient au document de mobilisation qui a déjà fait le tour de la toile et qui trahit cet état des choses, les tenants du pouvoir dans l’Adamaoua, dans le Nord et l’Extrême-Nord, sont en difficulté. On apprend par exemple qu’une mission y a été dépêchée afin de battre le rappel des troupes : « pendant cet intervalle de deux mois qui nous sépare de la tenue des Conférences Régionales de haut niveau, le secrétariat technique préparera les éléments de langage convaincants et élaborera un plan de communication pouvant toucher efficacement toutes les sensibilités et toutes les couches », peut-on lire. Nous sommes à quelques jours des Régionales du 06 décembre prochain. Ce déploiement est consécutif à une descente sur le terrain qui s’est étalée du 23 au 27 octobre 2020. Son objectif était de prendre le pouls et apporter des solutions et des actions urgentes aux menaces politiques qui se présentent. Ont en outre été touchés par la mission, les chefs traditionnels SM. Alhadji Mo-hamadou Abbo Ousmanou (Adamaoua) et SM. Abouba-kari Abdoulaye (Nord) tous deux chefs de délégation permanente régionale. Leur mission, « relancer l’exhortation des populations du septentrion à se remobiliser et à renforcer leur cohésion et union sacrée en fidélité en loyalisme au président de la République, Paul Biya ». Les conférences ont d’ailleurs eu lieu du 02 au 04 novembre dernier, d’après le document intitulé « la feuille de route de la mise en application des conclusions résultant de la mission dépêchée par le très honorable Cavaye Yéguié Djibril auprès de sa majesté Aboubakari Abdoulaye et Aladji Mohamadou Abbo Ousmanou respectivement chefs de la délégation permanente régionale de Rdpc du Nord et de l’Adamaoua ». En fait, les défis à surmonter sont nombreux dont faire barrage à la montée de groupes qui gagnent en popularité et qui sont devenus gênants pour la mise en œuvre des stratégies des élites qui reconnaissent néanmoins l’échec des promesses non tenues, à travers « la profondeur des frustrations et des revendications des populations liées à l’étendue des demandes sociales non satisfaites .», peut-on lire dans ce document. Elles craignent dès lors que toutes ces frustrations des populations soient « exploitées et instrumentalisées par des mouvements contestataires non violents tels que « opération 10 millions de Nordistes”, ’’communautés du grand-Nord” et autres qui pourraient amener les populations à se soulever contre le régime en place ». Surtout, comme le reconnaissent les élites, elles sont face à la « la non-maîtrise des arguments convaincants capables de retourner la situation ». Compétition politique Comment ne pas donner du crédit à l’idée selon laquelle les « amis de Paul Biya » voient le sol s’effondrer sous leurs pieds. Encore que le document des élites du septentrion précise que les populations adhèrent à ces nouveaux projets de société qui leur sont proposés. En effet, parlant par exemple de la « Communauté du grand Nord », on sait que l’organisation étend de plus en plus ses tentacules sur l’ensemble du territoire national. La preuve, la tête de file, Mohamadou Bayero Fadil et ladite association sont inscrits dans le social. L’association a par exemple accueilli Sa Majesté Issa Stilbé, Lamido du canton Guerré dans la région de l’Ex-trême-Nord, en séjour à Douala. C’était le 13 novembre 2020. A l’occasion, le Dr Mohamadou Bayero Fadil a été qualifié de « Moise » qui « travaille d’arrache-pied pour que les ressortissants du Septentrion puissent parler d’une seule et même voix dans le Littoral ». Elle a mis un accent sur sa raison d’être à savoir travailler pour le développement et l’épanouissement des filles et fils du Septentrion et ce faisant, à travers l’accès à une éducation de qualité, l’accès au logement et autres. Encore que Bayero Fadil est cet homme politique, richissime fils du Nord, qui s’est vu tailler un destin présidentiel. Il parle très ouvertement de l’après-Biya, en indiquant le rôle déterminant que sera celui du Septentrion. Mais, la plus grosse épine dans la chaussure des cadors du régime de Yaoundé dans le Nord, c’est le mouvement apolitique « 10 millions de Nordistes », qui continue de faire des émules. On l’a récemment vu en action dans la bataille pour le respect des quotas lors du concours d’entrée à l’école nationale d’administration et de magistrature (Enam), session 2020. Son coordonnateur a en effet écrit au ministre de la fonction publique et de la réforme administrative (Minfo-pra), avant de porter plainte, afin que les résultats soient réévalués. C’est également ce mouvement qui, il n’y pas longtemps a revendiqué le respect des quotas dans le cadre des nominations dans le corps judiciaire au Cameroun. Le 13 Août dernier dans une correspondance adressée au président de la République, il « constate que (…) les trois régions du Septentrion ne comptent toujours aucun ressortissant sur les 07 postes majeurs de la Cour suprême ; soit une représentation de 0% dans l’instance qui dit en définitive le Droit au Cameroun ». Bref, de quoi donner des insomnies aux cadors de la région, qui voient d’un mauvais œil ces acteurs d’un genre nouveau. Leurs préoccupations semblent avoir même été entendues par le gouvernement qui n’est pas passé par quatre chemins pour ordonner la suspension du mouvement : « 10 millions de Nordistes». Le ministre de l’administration territoriale qui a signé l’arrêt de mort de cette association, estime qu’elle n’a pas d’existence légale et qu’elle est de nature à porter un coup, à travers ses prises de position, au vivre-ensemble. Comment comprendre la peur des élites du Grand Nord face à la montée des mouvements pourtant apolitiques et qui disent défendre les intérêts des fils du septentrion ? Les élites du Grand Nord dans leur document reconnaissent le dés-amour dont ils font l’objet de la part des populations. Qu’est-ce qui peut justifier que des populations en viennent à ne plus aimer leurs élites? Est-ce qu’en interdisant les mouvements tels que celui évoqué ci-dessus, cela poussera les citoyens du septentrion à mieux se mobiliser pour le Rdpc? Est-ce qu’en réalité, l’on n’est pas face à 38 ans de promesses non tenues ?
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