CULTURE : DÉSERT CINÉMATOGRAPHIQUE ET CAPHARNAÜM DANS LES SOCIÉTÉS DE GESTION DES DROITS D’AUTEUR Alors que les films camerounais font bonne figure sur les chaînes internationales, et que le Cameroun a l’un des festivals cinématographiques les mieux côtés du continent à savoir les Écrans Noirs, le pays de Paul Biya est un désert en matière de salles de cinéma. Les projets de Bolloré de création de deux salles de cinéma à Douala et Yaoundé se sont avérés tout simplement être fallacieux malgré leurs inaugurations en grande pompe. L’autre dossier qui semble insoluble depuis près de sept ans est celui du droit d’auteur au Cameroun. Après la tragédie sous forme de mélodrame judiciaire durant le règne d’Ama Tutu Muna au ministère des Arts et de la Culture, les mois de juillet et d’août 2017 ont été marqués par une floraison épistolaire entre la primature et le secrétariat général de la présidence de la république à propos de la gestion des droits d’auteur et plus particulièrement dans le domaine de l’art musical. L’arrivée du professeur Narcisse Mouelle Kombi, brillant juriste et ancien conseiller spécial du président Paul Biya, qui se livre lui-même à la production des œuvres littéraires avait Suscité d’énormes espoirs de voir une fois pour toutes la sérénité restaurée dans la gestion collective des droits d’auteur. Mais l’enthousiasme a été de très courte durée car très tôt, les vieux démons de l’indécision ont refait surface. Désormais, entre ceux qui prônent la fusion avec la Cameroon music Corporation (CMC) de Sam Mbendè, la SOCAM ou encore la SOCACIM, les sons de cloches sont plus que discordants. Et la sortie du ministre de la justice Laurent Esso, et dans laquelle il affirmait que le CMC avait été dissoute alors que celle-ci bénéficie de plusieurs décisions de la cour suprême en sa faveur et qui la rétabli comme société de droits d’auteurs, n’a rien fait pour arranger les choses. Bien au contraire. Depuis lors, c’est le retour à l’invective. La mise sur pied d’une nouvelle société de droits d’auteurs, la société nationale de l’art musical, dans un contexte de totale confusion n’a pas ramené le calme Entre temps, ce sont les artistes qui continuent de subir une misère exécrable, tandis que les réseaux de pirates des œuvres de l’esprit se frottent les mains. EDUCATION : CORRUPTION, BAISSE DRASTIQUE DES RÉSULTATS, MAUVAISE QUALITÉ DES MANUELS SCOLAIRES, EFFECTIFS PLÉTHORIQUES, NOMINATIONS CONTROVERSÉES ET MISÈRE DU CORPS ENSEIGNANT Au lendemain de la rentrée scolaire, l’Association camerounaise pour la défense des intérêts collectifs (ACDIC) bien connue pour son activisme dans le domaine agricole, et qui a été à la base de la révélation de moult scandales, a publié un classement des proviseurs les plus corrompus de la ville de Yaoundé/avec chiffres et preuves à l’appui. Ce ranking a permis de se rendre compte à quel point on était loin du visage reluisant de l’éducation nationale qu’avait voulu présenter le nouveau ministre des enseignements secondaires, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe. L’on s’est aisément rendu compte que le monnayage des places dans les établissements secondaire bat son plein, même en plein Yaoundé. A cela, il faut ajouter l’exigence par les chefs d’établissements des frais supplémentaires, pour des motifs les plus fallacieux comme l’achat des sacs de ciment par chaque élève, l’achat d’un banc, reversement des frais d’association des parents d’élèves exorbitants, des frais d’informatique pour des cours inexistants, et bien d’autres encore. Au finish, les parents sont appelés à débourser souvent plus de 50.000 francs Cfa pour pouvoir inscrire un enfant dans un établissement d’enseignement secondaire public ! Et gare s’il s’agit semblent s’être empirées. La corruption semble également être la justification des nominations plus que controversées que l’on observe dans le secteur éducatif, surtout au niveau des enseignements secondaires. Plusieurs personnes avaient espéré voir les choses changer avec l’arrivée du nouveau ministre, mais les fruits sont loin de tenir la promesse des fleurs. Les récentes nominations, où l’on voit des aller-retour de certains responsables à leurs postes en l’intervalle d’un an, des proviseurs être nommés à deux postes, des établissements attribués à deux responsables, ou encore des censeurs promus directement délégués départementaux, en toute contradiction du profil de carrière exigés,1 démontrent à suffisance que la machine administrative quant aux ressources humaines est plus que grippée que jamais dans ce ministère. C’est ce désordre dans la gestion des ressources humaines qui a engendré en mars 2017, une grève inédite de 22.000 enseignants du secondaire qui ont envahi les rues de Yaoundé. La plupart d’entre eux revendiquaient jusqu’à soixante mois de salaires impayés, tandis que les arriérés d’avancements et de primes atteignaient un montant total de 33 milliards de francs par an ! Après divers échanges, on a constaté que le goulot d’étranglement se trouvait au ministère des enseignements secondaires qui est réputé pour par l’agglutination des centaines d’enseignants tous les jours devant ses locaux. Obtenir le moindre document de carrière dans ce ministère est un véritable parcours du combattant. On demande à un enseignant de partir de son lieu d’affectation (Koza, Mindourou, Makary, Ndom, Mouanguel, etc.) pour venir déposer une attestation de présence effective au poste au ministère pourtant, il existe bel et bien des délégations départementales et régionales censées servir de liaisons entre les services centraux et le terrain. On note même une véritable crise de confiance entre le ministre et les services déconcentrés. Son prédécesseur feu Louis Bapès Bapès, dans l’optique d’implémenter la politique de décentralisation, avait confié l’affectation dans les établissements des lauréats nouvellement sortis des écoles normales aux délégués régionaux, auprès de qui ils avaient été affectés par le ministère. Monsieur Ngalle Bibehe, dès sa prise de fonctions, a opté pour un retour à la centralisation des affections dans les établissements. L’office du baccalauréat, qui est une structure importante chargée de l’organisation des examens officiels, présente, aussi de nombreuses défaillances notamment au niveau procédures mises sur pied pour le bon déroulement des examens. Comment comprendre, en effet, qu’à l’ère du numérique, un candidat doive débourser 150 francs CFÀ/SMS pour avoir son résultat et 250 francs CFA pour transmettre une requête ? Pourtant cet office dispose d’un site web (d’ailleurs pas régulièrement mis à jour), qui pouvait fournir les mêmes services gratuitement. Tout cela contribue à la misère de l’enseignant qui bénéficie pourtant d’un des salaires les plus élevés de la fonction publique et d’un statut particulier depuis 2000. L’on observe alors dans ce corps une forte démotivation du personnel qui ne rate pas une seule occasion pour demander le détachement dans les autres départements ministériels où les conditions de travail sont plus avantageuses. Les cas d’abandon de poste pour cause de précarité aggravée sont nombreux et sont, dans la plupart des cas, compréhensibles. Dans cette ambiance de misérabilisme de l’enseignant, le mercantilisme s’est installé, et touche même les aspects les plus sensibles tel que le manuel scolaire. Malgré l’Arrêté N° 001 PM/CAB/DU 04 JAN. 2002 du Premier Ministre portant création, organisation et fonctionnement du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques, qui fixe à trois au maximum le nombre de livres scolaires au programme par matière et par niveau d’étude, l’on a parfois jusqu’à six ouvrages par matière et par niveau. Les éditeurs et auteurs, en contradiction avec la législation en vigueur et la déontologie professionnelle, envahissent les établissements pour négocier avec les chefs d’établissements la programmation de leurs ouvrages, contre espèces sonnantes et trébuchantes. Mais ce qu’il y a de plus déplorable, c’est la qualité des ouvrages qui sont souvent truffés de fautes, de contre-vérités scientifiques et d’approximations scandaleuses. Ceci étant dû à la mise à l’écart des inspections pédagogiques lors de l’accréditation des ouvrages à inscrire au programme. On note aussi la prolifération des établissements privés qui devraient remplir certaines conditions minimales afin de bénéficier d’une autorisation d’ouverture, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, car on a des établissements privés détenteurs d’autorisation qui ne disposent ni de la superficie minimale requise (1 ha), ni des infrastructures de base (salles de classe normés, cantine, aire de jeux, toilettes, etc.). Ces différentes tares conduisent à une formation au rabais des apprenants sur qui représentent le fer de lance. Dès son arrivée, le ministre Ngalle Bibehe, avait promis d’importantes reformes dans ce secteur hautement sensible, suscitant beaucoup d’espoirs. Mais, jusqu’à présent, aucune réforme de fond n’a été observée. Les états généraux de l’éducation, annoncés pour le mois d’aout 2017, ne sont plus d’actualité car aucune communication n’a été faite pour sa tenue. Le système pédagogique piloté par le Minesec, notamment l’APC (Approche Par Compétence), est resté un pur slogan, car ce mode de pédagogie est inadapté et inapproprié. L’État camerounais doit se doter d’un model pédagogique proche des réalités du terrain (effectifs pléthoriques, déficit infrastructure!, personnel non qualifié et pas recyclé). Le malheur des parents est au comble lorsqu’on observe la chute drastique des taux de réussite aux examens officiels d’année en année, et surtout la baisse vertigineuse du niveau d’apprentissage des élèves. Il n’est plus rare au Cameroun, jadis réputé en Afrique et dans le monde pour la qualité de son système éducatif, de voir un élève obtenir le baccalauréat sans savoir vraiment lire et écrire. Les enseignants d’université sont de plus en plus scandalisés par la qualité des produits du secondaire. COMMUNICATION : PAS DE TNT ET PRESSE EN DANGER Le 14 juillet 2015, le ministre de la communication, l’époque Issa Tchiroma Bakary, annonçait pompeusement le basculement du Cameroun à la télévision numérique terrestre, qui devait améliorer qualitativement et surtout quantitativement l’accès des populations à l’offre télévisuelle. Ainsi, pour un départ, les téléspectateurs de Douala, de Yaoundé et de leurs environs, pour commencer, devaient, au-delà des offres habituelles, recevoir gratuitement en mode numérique par voie hertzienne, un bouquet de douze chaînes nationales et étrangères. Dans le même sillage, la chaîne publique nationale, la Crtv devait mettre sur pieds plusieurs chaînes générales et spécialisées en culture, sport, informations, etc. Mais depuis lors, rien de concret n’a été fait, tandis que des milliards de francs Cfa ont été engloutis dans le cadre du comité de pilotage de ce basculement à la TNT, Camdtv. Pendant que le monde télévisuel stagne, la presse écrite sombre. Malgré une volonté de Paul Biya, dès 1990, de favoriser une floraison des titres au Cameroun, la misère de la presse est palpable d’année en année. L’aide à la presse est modique, se chiffrant à 250 millions de francs, dans un contexte où les coûts de production s’alourdissent de jour en jour, et où les ventes sont évanescentes. Mais le plus grand danger qui guette la presse est la distribution. En effet, au Cameroun, la distribution de l’ensemble de la presse est confiée de manière monopolistique à une société, Messapresse, du groupe français Presstalis, qui menace de manière récurrente de ne plus distribuer la presse nationale, au prétexte du nombre très élevé des invendus qui s’élèverait à 80%. Le manque à gagner aurait atteint 270 millions francs CFA que les bonnes ventes de la presse étrangère et des livres ne couvrent pas. Depuis quelque temps, le groupe Presstalis cherche en vain un repreneur pour Messapresse, sa filiale camerounaise, comme il l’a fait au Sénégal et en Côte d’ivoire. Pour couvrir ses pertes, la société française exige des efforts de la Fédération des éditeurs de presse du Cameroun (Fedipresse), d’une part, et du gouvernement camerounais, d’autre part. A l’Etat, il est demandé une subvention sur la distribution des journaux et un allègement fiscal, notamment une imposition sur le bénéfice et non sur le chiffre d’affaires. Aux éditeurs de presse, Messapresse réclame désormais 50% sur la vente d’un journal, au lieu de 40%. Proposition qui n’a pas été acceptée par la Fedipresse par la voix de son président, Haman Mana. La distribution de la presse nationale est alors très défaillante, même pour ceux qui ont accepté ces conditions, et près de 80% du territoire national ne reçoit pas les journaux, tandis que la couverture des grandes villes comme Douala et Yaoundé est largement déficitaire. Ce qui expose cette presse nationale tout simplement à la disparition si rien n’est fait, surtout face à la diffusion incontrôlée des versions électroniques des journaux sur la toile.
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