Franck essi : ‹‹ les droits de l'homme et les libertés sont en péril au cameroun ! ››
Le Secrétaire général du Cpp estime qu’en ce jour de célébration de la Journée internationale des droits de l’homme, force est de reconnaître que notre pays, depuis plusieurs années maintenant, a accéléré sa régression en matière de droits de l’homme. Pourquoi dites-vous que nous vivons dans une société de terreur? Que ce soit dans les zones traversées par de violents conflits tels que l’Extrême-Nord, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest que dans tous les autres centres urbains, on observe une recrudescence des atteintes graves aux droits de l’homme. Dans les zones en conflit, ces atteintes se manifestent par des arrestations arbitraires, des actes de torture, des détentions illégales et au secret ainsi que des actes de violences qui causent dans bien des cas des blessés graves et des morts. Ces violences sont l’œuvre aussi bien des groupes armés terroristes et séparatistes que des forces de sécurité et de défense nationale. Ce qui est fortement regrettable car ces injustices atteintes aux droits de l’homme et violences entretiennent un cercle vicieux qui crée une société de terreur. Quel rapport avec la surabondance dans les milieux carcéraux au pays ? Dans les autres centres urbains, on le voit bien, les citoyens ordinaires ne sont pas à l’abri eux aussi de violations graves de droits de l’homme. Nombreux sont les citoyens qui se retrouvent arrêtés et enfermés en violation complète du code de procédure pénal. Nombreux sont-ils qui, pour s’en sortir, se retrouvent obligés de payer des frais indus, ce qui relève tout simplement de la corruption. Nombreux sont-ils qui sont, dans les prisons, détenus depuis des années sans n’avoir été ni jugés ni condamnés. Faut-il le rappeler, l’immense majorité des personnes aujourd’hui dans les prisons sont des prévenus en attente de jugement. Que ce soit sur les questions civiles autant que celles qui relèvent du domaine pénal, les citoyens camerounais, à travers l’instrumentalisation et la corruption existant dans les services de police, la gendarmerie, l’administration et la justice, connaissent des violations graves de leurs droits et libertés fondamentales. En tant qu’homme politique, vous dites avoir déjà été arrêté plus de sept fois ces trois dernières années… Par ailleurs, les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile connaissent régulièrement des atteintes très graves à leurs droits et libertés. Ceci se manifeste par des interdictions systématiques de toutes réunions ou manifestations publiques. Ceci se manifeste par des arrestations aussi bien dans leurs sièges, qui sont des espaces privés, que par des interpellations et des arrestations lorsque ces organisations se déploient sur l’espace public soit pour rencontrer des populations soit pour exprimer une position. Parfois, à l’annonce de leurs conférences, leurs sièges se retrouvent encerclés par diverses unités des forces de sécurité. Personnellement, j’ai déjà été arrêté plus de sept fois ces trois dernières années. Certains camarades l’ont été plusieurs fois parfois avec, en plus, des violences. Pourquoi pointer un doigt accusateur sur l’actuel Ministre de l’Administration ? Ces restrictions et cette volonté de bâillonnement se manifeste parfois par de grossières ingérences dans le fonctionnement de nos organisations. C’est ainsi que depuis juillet 2018, la bêtise a été poussée par l’actuel Ministre de l’Administration à un niveau sans pareil. Elle a consisté, en foulant aux pieds les statuts du CPP et les résolutions de son congrès, à vouloir imposer à sa tête un individu qui ne serait’plus une menace pour le pouvoir. Ce sont autant d’atteintes aux droits et libertés fondamentales qui ont conduit récemment l’ordre des avocats du Cameroun à engager, du 16 au 20 septembre 2019, un mouvement de débrayage pour protester contre: les multiples violations des droits humains des personnes en détention et en prison par les autorités judiciaires. -Les violations et abus, y compris le recours à la violence par les autorités judiciaires et sécuritaires empêchant les avocats d’exercer leur profession, comme le stipule la loi et divers instruments internationaux. -Le recours à la violence et à la torture sur les personnes en détention et en prison. A l’heure où nous parlons, vous dites être particulièrement préoccupés par certains types de détenus. Lesquels ? -Les dizaines d’innocents arrêtés dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. De nombreuses personnes injustement arrêtées il y a 3 à 5 ans sont toujours en prison. Beaucoup ont été victimes de diverses violations de la loi et de diverses formes de violence. Il est important de reconnaître cette injustice et de les libérer immédiatement. -Les prisonniers et détenus arrêtés dans le cadre de la crise anglophone. La majorité d’entre eux ont été arrêtés au début de 2017, plusieurs mois avant que des activistes anglophones prennent les armes. Il est inconcevable de garder en prison les personnes qui se sont battues pour leurs droits sans violence. Les garder aux arrêts est une injustice qui continue à radicaliser une partie de la population anglophone et à perpétuer la crise dans ces régions. -Les prisonniers arrêtés dans le cadre de la crise post électorale présidentielle. Le Mouvement de la Renaissance camerounaise (MRC) a organisé des manifestations non violentes depuis l’élection présidentielle d’octobre 2018 pour contester les résultats. Plus de 200 membres du MRC ont été arrêtés et détenus en janvier et en juin 2019. Beaucoup ont été torturés et dans chaque cas la loi a été violée à de multiples reprises. Certains ont été libérés mais beaucoup, à l’image de Mamadou Mota, demeurent en prison. -Les milliers d’autres prisonniers qui sont maintenus en prison sans avoir été jugés et condamnés. Ils ne savent pas quand leur jugement aura lieu et vivent sans aucune idée de la date de la fin de la procédure judiciaire. Ceci est inacceptable. Nous en sommes convaincus, le régime actuel est de plus en plus liberticide. Et c’est la raison pour laquelle, plus que jamais, nous avons décidé d’agir ‘ pour réaffirmer notre liberté, sans permission ni consentement de ce dernier. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous travaillons pour que survienne une transition politique dans ce pays, transition qui consacrera le démantèlement de ce régime aux pratiques autoritaires.