Il y a trois ans que les deux régions du Noso sont un champ de ruines et de dévastations. Une partie du territoire national gangrenée par la misère et de la souffrance humaine. Le silence de l’Assemblée nationale questionne les appréhensions du parti au pouvoir. 1-Entre sujet tabou et aveu de culpabilité De quoi peut avoir peur le Rdpc dans un débat en pleine plénière au sein de l’Assemblée nationale au sujet de la crise anglophone ? Question a priori surannée mais qui révèle toute la complexité du conflit dans les deux régions du pays à dominance linguistique anglophone. On aurait pu penser que le parti protège ou craint que le dilettantisme de ses élites dans les deux régions soit exposé sur la place publique. Et précisément on aurait été alors abusé de penser que profitant de leur position dans les sphères de l’Etat, ils freinent des quatre fers pour rendre ce débat impossible. La curiosité de l’affaire est que le mal a atteint des proportions où l’intérêt politique personnel, la carte individuelle s’efface naturellement aujourd’hui pour faire face à toute option qui s’invite pour la paix. Il n’y a qu’à voir avec quelle euphorie l’opinion publique a accueilli l’offre annoncée d’un dialogue inclusif par le missionnaire du président de la République en tournée dans les deux régions. Ce dialogue inclusif où on devrait parler de tout sauf de la sécession et de la partition du pays, a révélé cette grande attente et cette soif intense de parler de ces choses qui ont poussé les fils d’un même pays à s’entretuer. Pourquoi le débat à l’hémicycle semble-t-il donc pour le moins si impossible ? Les cadres du parti approchés sont méfiants de s’ouvrir et rappellent pour ceux qui sont gentils, qu’ils sont au mode silence. Le point de vue donné par Jean-Baptiste Martin Amvouna Atemengue vice-président section Rdpc de Ngoumou, traduit la justesse de cette situation ambivalente où d’une part il y a le refus du débat au sein de la Chambre et de l’autre la désapprobation d’expliciter ce refus. « Depuis que cette crise a commencé, il n’y a jamais eu une session sans de longues discussions et interventions sur cette situation, comme peuvent l’attester les différents comptes rendus. Les députés de l’opposition interviennent à chaque fois sur cette crise. Au-delà de ces discussions, la loi relève de la majorité parlementaire. Le débat à l’Assemblée ne réglera rien dans le fond à mon avis. Ce sont toutes les élites politiques et surtout administratives qui doivent se mobiliser pour reprendre en main leurs populations et leur territoire. L’État seul ne saurait réussir sans les élites. Toutes les élites, pas seulement les parlementaires », confie-t-il. 2-La colère de Chief Mukete Cette analyse a au moins le mérite de trahir l’évangile du Rdpc sur la question qui croit que le règlement de cette crise n’est pas l’apanage des députés. Où donc situer les élites anglophones du Noso ? Quel rôle, quelle proposition pour un retour à la paix ? Qu’on ne l’oublie pas. L’acte quasi désespéré, « démentiel », une crise de colère du vénérable et très considéré et écouté Chief Mukete ne doit pas être occulté. Il disait bien que sa population meurt et les parlementaires sont en train de jouer, de se distraire, de s’occuper des broutilles, à son sens. Il disait en clair toute sa désapprobation d’être au Sénat et de ne pas être en mesure d’influer sur le cours des choses. Pourquoi le Rdpc ne l’a pas suivi, lui le fidèle centenaire, convaincu à la doctrine du parti depuis des lustres ? A côté de ceci, on peut accoler les différentes manifestations du Sdf au sein de l’Assemblée. Si les élus du parti de la balance ont récidivé à la deuxième session de cette année en faisant du bruit à l’hémicycle pour attirer l’attention de l’opinion sur le refus du parti majoritaire d’inscrire la question à l’ordre jour, c’est précisément parce qu’ils sont conscients que leurs collègues voudraient bien que l’Assemblée nationale ouvre un débat franc sur cette interminable crise. Cette fois, ces députés du Sdf sont allés un peu plus loin dans leur stratégie de susciter un débat en séance plénière de l’Assemblé en proposant un une résolution conforme aux dispositions des articles 57 et suivants des Règlements de l’Assemblée nationale. On verra si un jour la part de vérité du parlement camerounais sur ka crise anglophone naîtra d’un débat ou s’il accompagnera toujours la position du le pouvoir. 3-Le Parlement comme le perroquet de l’exécutif Au cours des deux premières sessions de cette année à l’Assemblée nationale tout comme au Sénat, le très honorable Cavaye Yeguie Djibril ou le très vénérable Marcel Niât Njifendi, ont largement parlé de la crise anglophone. Bien entendu qu’ils en ont parlé à la clôture des sessions devant les médias. C’est pour le protocole, comme dirait l’autre. Ce message-là, est la position du gouvernement. Cavaye,Yaguie Djibril, le président de la chambre.pour prendre seulement son cas, est passé maître dans l’art d’encenser les pouvoirs publics dans leurs actions, de tirer à boulets rouges sur les Ong qui critiquent la gestion gouvernementale de la crise anglophone. Le 10 avril 2019, à la clôture de la 1ère session de l’Assemblée nationale, il déclarait. : « la situation sécuritaire reste une grande préoccupation dans notre pays notamment, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Je tiens d’ailleurs à saluer du haut cette tribune, les premières actions du Comité nationale de désarmement, de démobilisation et de réintégration. Certes beaucoup reste à faire mais les récentes actions nous donnent de penser que l’avenir est prometteur tant l’espoir de paix dans les zones en conflit demeure.» En clôturant la deuxième session de juin, il va récidiver. « Ce régime a su prendre le taureau par les cornes afin de gérer les crises dans les Régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Je saisis cette présente occasion pour saluer les avancées notées dans la mise en œuvre de certaines mesures et initiatives décidées dans ce cadre, par le chef de l’Etat…Soyez rassuré. La Représentation nationale salue fortement ces initiatives », encensait-il le 9 juillet 2019 derniers. La crise dans les régions du pays à dominance linguistique anglophone est dans l’esprit de tous les élus du pays à l’Assemblée nationale. Si cette question semble préoccuper davantage le Sdf de Ni John Fru Ndi, il n’en demeure pas moins vrai pour autant que les députés des autres partis politiques y pensent aussi. Pris en aparté individuellement, tous crient leur volonté de voir cette saignée s’arrêter au plus vite. La discipline au sein du parti à la flamme ardente ou l’empiétement de l’exécutif seraient-ils les goulots d’étranglements à l’inscription de la crise anglophone à l’ordre du jour d’une séance plénière du parlement? « Nous avons une majorité d’élus dans ces deux régions et nous sommes aussi soucieux du retour au calme au Nord-Ouest et au Sud-Ouest que tous de l’opposition constructive. Le Rdpc est le plus intéressé par ce retour à la paix », conclut un militant convaincu du parti présidentiel sur la question.
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