Crise anglophone : yaoundé entre prudence et désir de souveraineté

Après avoir longtemps clamé qu’il ne négocie pas avec les terroristes, le gouvernement a révisé sa position, mais tient à agir dans l’arrière-cour. Dans un communiqué de presse publié ce 6 juillet 2020, le ministre de la Communication (Mincom), fait savoir que «l’information diffusée sur les réseaux sociaux, sur la tenue le 2 juillet 2020, de négociations entre une délégation gouvernementale et des sécessionnistes en instance de jugement, n’est pas conforme a la réalité ». Une sortie pour le moins ambigüe, tant elle ne dément pas formellement la tenue de cette rencontre. Mais il est clair qu’« il a confirmé l’existence de négociations mais dément la forme telle que présentée par Sisiku », analyse le Dr Raoul Sumo Tayo, chercheur en défense et sécurité. Pour le pensionnaire de l’institut d’études politiques de l’université de Lausanne en suisse, « RenéSadia un passif en termes de dénégations des faits qui se sont avérés etre fondés par la suite». De quoi déduire que « sa parole n’est pas crédible ». Mais au-delà de sa posture de porte-parole du gouvernement, « tes membres du gouvernement n’ont pas le même niveau d’information sur la question », assure Raoul Sumo. De quoi accorder le bénéfice du doute au Mincom. Quoi qu’il en soit, depuis fin 2018, Yaoundé manie le baton et la carotte. Après avoir échoué dans son option du « te gouvernement ne négocie pas avec les terroristes», Paul Biya a plusieurs fois appelé les combattants à déposer les armes sans condition. En leur proposant le programme « Désarmement Démobilisation Réinsertion ». Et René Sadi maintient la porte entrouverte pa r Paul Biya : « le gouvernement réaffirme sa disponibilité à rechercher des solutions pacifiques à ia crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, notamment par le dialogue», indique-t-il. Non sans renouveler l’appel du gouvernement aux combattants et à toute personne intéressée, « dans le respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale du Cameroun». La Suisse vomie Les séparatistes, eux, ne se voient pas astreints à la discrétion. Il faut prendre à témoin l’opinion publique : « Nous avons en mémoire les fausses promesses passées de la République du Cameroun et ses échecs à respecter le pacte politique originel depuis 1961, lequel permettrait aux citoyens du Southern Cameroon de gérer eux-mêmes leur territoire », rappelle le Southern Ca-meroons Civil Society Consortium (Consortium), ex Cameroon Anglophone. Alors, « le Consortium souligne qu’un cessez-le-feu durable entre les combattants de la liberté dans le Southern Cameroon et l’armée de la République du Cameroun n’est possible que s’il est fait dans la bonne foi et admet le monitoring et l’implémentation par des forces armées internationales », pose comme préalable l’organisation présidée par John Mbah Akuroh. Selon des sources introduites, ce ne serait pas la première fois que le gouvernement tente de prendre langue avec les leaders séparatistes. Notamment ceux gui résident à l’étranger. Par le passé, des chefs militaires camerounais seraient entrés en contact avec certains partisans de Julius Ayuk Tabe planqués en Europe et aux Etats-Unis. Objectif de l’opération, convaincre les leaders séparatistes de la diaspora à amener ceux qui mènent la lutte dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest à déposer les armes. Même si les résultats semblent mitigés, les efforts pour mettre un terme à cette crise demeurent intacts. Le 27 juin 2019 déjà, le Département fédéral des affaires étrangères (Dfae) de la Suisse avait annoncé que le pays européen avait obtenu de toutes les parties l’accord pour abriter les pourparlers. Le Centre pour le dialogue humanitaire (HD), une organisation non gouvernementale qui a la réputation d’avoir favorisé le retour à la paix dans une quarantaine de pays à travers le monde, est désigne pour conduire les pourparlers. Un choix redouté par nombre de leaders séparatistes pour la relation ombilicale qui lie Paul Biya à la Confédération helvétique. Du coup, les pourparlers n’avanceront pas. Quelques mois plus tard, c’est Yaoundé même qui tourne le dos à la Confédération helvétique. Le régime organise une campagne médiatique pour justifier son option interne. Soutenue dans cette option par la France. Les armes recommenceront à donner de la voix. Depuis plusieurs mois. C’est dans ce contexte que Yaoundé a décidé de relancer les négociations avec les leaders sécessionnistes. Autant les Nations unies que les Etats-Unis réclament un dialogue inclusif.


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