Dans une tribune parvenue à notre rédaction, Me Amédée Dimitri Touko Tom, jette un regard critique sur ce qui convient actuellement d’appeler l’affaire Amougou Belin. Voici sa tribune : Penser la République, selon une optique essentiellement villageoise, est résolument la vision du monde, la weltanschauung, de ces soi-disant, dirigeants, intellectuels, hommes d’affaires, hommes de pouvoir camerounais. J’ai affirmé il y a quelques temps dans une tribune, que le régime BIYA ne s’est pas encore émancipé de la civilisation de la chasse et de la cueillette. D’aucuns ont pu pensé qu’il s’agissait d’une forme de caricature, de bavardage intellectuel… Le bilan des 40 années, de népotisme, de tribalisme, de gabegie, de favoritisme, nous révèle un État sauvage, un néant économique, un naufrage politique, un désastre social. Une politique de ségrégation ethnique Penser le Cameroun, penser l’Afrique, penser le Monde, au-delà de la tribu, n’est pas la philosophie politique du régime BIYA, qui a d’ailleurs consacré la discrimination par la tribu d’origine dans sa Constitution. On a donc deux types de camerounais installés dans un espace donné: les autochtones et les allogènes. Le modèle de développement est donc la sédentarisation forcée des peuples, comme dans la civilisation de la chasse et de la cueillette, où l’on se gardait surtout de ne pas s’éloigner des fruits et de la faune des forêts, on privilégie l’autochtonie. Ce privilège est la prime à l’immobilité et à l’immobilisme et dramatiquement, c’est l’assignation forcée à l’entre-soi. C’est le visage d’un Cameroun ratatiné, recroquevillé, un Cameroun du passif et du passé, qui refuse d’aller à la conquête du monde, d’élargir ses frontières, un Cameroun qui fige l’essence et tourne le dos à l’existence, un Cameroun qui à la démocratie, oppose un ethnicisme régressif. Un Cameroun pour lequel, l’identité a une primauté sur la vie, sur la circulation de la vie et du vivant. A vrai dire, comme ces peuples de la forêt qui avaient peur des autres habitants de la terre qui viendraient chasser sur leur terre, ou du colon qui pourrait les en déposséder, le régime BIYA construit dans l’imaginaire politique, des sous-peuples fragiles, faibles, qui ont peur des « envahisseurs ». Voilà comment a été fabriqué dans les ténèbres de l’autochtonie et de l’allogènie, un État villageois, dans lequel la tribu a une primauté sur le citoyen. Il s’agit donc d’une construction politique émotionnellement attachée à la tribu, dans laquelle la vérité, la vertu, la justice, le mérite y sont considérés comme des valeurs secondaires. C’est finalement une politique qui, inapte à proposer un projet national pertinent, a accouché de la crise anglophone et du génocide, dans la partie anglophone du Cameroun. Une économie de la chasse et de cueillette Comme chez les peuples primitifs, le régime BIYA a pour modèle économique, la rente, pervertie par la corruption, le tribalisme et le détournement des deniers publics. Cette économie repose sur la création, la protection et l’exploitation de privilèges, de faveurs ou d’opportunités d’affaires, à l’abri de la concurrence et de l’efficience économique. Comme ces peuples qui vivaient de la chasse et de la cueillette, c’est une économie basée uniquement sur l’exploitation de ressources naturelles, offertes par la position géographique du pays. Elle ne s’articule donc pas sur la création de valeur, qu’une économie industrielle par exemple, pourrait réaliser à travers des processus de fabrication, de transformation… Un désastre moral et social L’oligarchie camerounaise est coutumière de séjours princiers en occident. Mais, manifestement elle ne connait de ces démocraties que leurs quincailleries et leurs vieilles pierres… Au Cameroun, règne une culture de la pornographie morale, aux antipodes de la vertu, une culture de l’outrage, de l’outrance, de la grossièreté, de la vulgarité, de la brutalité, de l’immoralité, de la violence et de la barbarie chez les hommes dits de pouvoir et d’argent. L’impudeur de ces bouches qui « mangent » l’argent du peuple en parlant en même temps, se banalise et devient progressivement le modèle camerounais qui s’exporte désormais en RCA, Guinée Équatoriale… L’identité camerounaise sous ce prisme, apparaît comme emprunte de vanité, de futilité, d’un matérialisme réductionniste, ou tout se réduit à la matière, à l’argent, y compris dans des domaines tels que la volonté, l’amour, l’altruisme ou la moralité. Ce dispositif est le puissant ferment de la catastrophe humanitaire que représente le Cameroun de Paul BIYA en 2020. Un pays riche de ses ressources, riche de ses Hommes, mais un des pays les plus dangereux et pauvres au monde. L’instauration d’une république parallèle L’affaire AMOUGOU BELINGA est le révélateur de l’état d’avancement du processus de remplacement de la République réelle, légale du Cameroun, par un « ordre républicain » concurrent, parallèle. Cette république des ténèbres, obéit à 3 principes: opacité, puissance, violence. Elle ne se révèle à l’opinion qu’à l’occasion des divergences et scandales qui la traversent et qui obligent ses acteurs à briser l’omerta (la loi du silence) qui y est un principe cardinal. Cette république parallèle, invisible soumet les corps sociaux, les corps de défense nationale, les pouvoirs de l’État, y compris le pouvoir judiciaire, qui lui obéit au doigt et à l’œil. Elle se caractérise enfin par son obésité financière. L’argent public détourné par le truchement de marchés douteux, est transféré dans cette « laverie », pour en ressortir blanchi… Dépensé à profusion, ce nerf de la guerre, aide à corrompre massivement, ce qui ne peut être soumis autrement, à huiler les réseaux de la nébuleuse, et enfin, à récompenser les fidèles. Les adversaires de la liberté, de la démocratie et de la prospérité pour tous, se recrutent pour l’essentiel dans cette république des ténèbres. Elle existe par le pouvoir et pour le pouvoir. A son image, elle est l’artisane principale, de ces militants des ténèbres, grassement financés, qui sur les réseaux sociaux, dans les média traditionnels travaillent nuit et jour afin que rien ne change. Malheureusement pour eux, le jour s’est levé sur le Cameroun, la lumière du soleil a chassé les ténèbres et il ne se couchera pas, tant que le changement ne sera pas au rendez-vous. Me Amédée Dimitri TOUKO TOM Militant des Droits de l’Homme – Analyste Politique
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