Quand la beac exige le départ d'un avocat de la zone cemac

La Banque centrale multiplie des manœuvres depuis quatorze mois pour empêcher le transfert en France de l’argent issu de la vente de deux immeubles à Yaoundé. A l’origine des ordres de virement contestés, Me Jacques Pierre Fouletier invité à quitter le pays. Enquête. Maître Fouletier Jacques Pierre, l’un des doyens des avocats inscrits au Barreau du Cameroun, doit peut-être quitter le pays, voire l’espace de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), s’il entend jouir comme il le désire de la part de l’héritage issue de la vente de deux immeubles appartenant jadis à la succession de sa défunte mère, Mme Fouletier Cathérine née Zogo Fouda. C’est ce qui ressort d’une injonction du directeur national de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Béac) adressée le 29 juillet 2020 à Union Bank of Cameroon (UBC), la banque du vieil avocat. Depuis octobre 2019, soit 14 mois aujourd’hui, l’homme de droit est bloqué dans sa volonté d’obtenir le virement dans son compte bancaire, en France, du produit d’une partie de sa quote-part de l’héritage de sa défunte mère. L’opération est bloquée du fait des conditions insolites successivement exprimées par la Béac à l’attention de UBC au point de laisser penser à un appel à la corruption. L’argent dont il est question provient de la vente, en 2019, de deux immeubles bâtis à Nkoldongo, quartier de Yaoundé, au profit de la société AHD Yaoundé (promotrice d’une chaine hôtelière Onomo) au prix global d’un milliard quatre cent soixante-quinze milles de francs (1.475 millions). La transaction s’était déroulée devant Me Babale Hatidja, notaire à Yaoundé, après une autorisation du ministre dès Domaines et des Affaires foncières et du Cadastre. Elle fut conduite par Me Fouletier Jacques Pierre, représentant de la succession Zogo Fouda Catherine veuve Fouletier, au nom de tous les héritiers de sa défunte mère ou de leurs ayants-droit. Sur la foi des mandats en sa possession, l’avocat essaie depuis plus d’un an de mettre à leur disposition la part qui revient à chacun. Sans succès pour ce qui concerne ceux qui sont à l’étranger. En fait, depuis octobre 2019, l’avocat avait ordonné à la banque UBC, où est logé son compte au Cameroun, de procéder au virement au profit de chacun des ayants-droit de la succession de sa mère. II se trouve que certains des virements, destinés à des comptes bancaires basés à l’extérieur du pays, sont subordonnés à un agrément de la Beac. C’est la procédure de délivrance de cet agrément qui coince. Le 31 octobre 2019 par exemple, les ordres de virement de Maître Fouletier Jacques Pierre avaient fait l’objet d’un premier rejet, la Beac exigeant que la preuve du paiement des taxes liées à la vente des deux immeubles de la succession Zogo Fouda Catherine lui soient fournies. Qu’elle reçoive aussi la preuve de la non-résidence au Cameroun des destinataires des virements. Chef de centre des Impôts Le cas de l’avocat ordonnateur des virements faisait l’objet d’un traitement particulier. La Beac estimait qu’il ne faisait partie «des ayants-droit mentionnés dans l’acte de vente notarié», en le cantonnant dans son rôle de mandataire. Il lui était également demandé de prouver sa non-résidence au Cameroun ou, s’il est au Cameroun, de «fournir une preuve de la déclaration à la Beac de son compte bancaire à l’étranger (en devises)» Bien que certaines des précisions attendues par la Beac pour s’exécuter soient contenues dans le dossier présenté à UBC au moment d’ordonner les transferts querellés, notamment le contrat de vente, l’avocat s’organisait pour satisfaire aux renseignements exigés par la Banque centrale. La nouvelle série des ordres de virement transmise à la Beac via UBC essuyait un nouveau rejet le 12 décembre 2019. Cette fois, il est fait grief au donneur d’ordres de n’avoir pas justifié la propriété des d eux immeubles vendus en dépit de toutes les pièces (titres fonciers, certificats de propriété, attestation de vente du notaire, etc.) déjà soumises à la banque. Cette exigence était de nouveau satisfaite, la Banque centrale va encore rejeter les ordres de virements en prétextant désormais qu’elle n’a toujours pas reçu la preuve du paiement des taxes et impôts relatifs à la vente des deux immeubles. Il faudra alors une correspondance du chef de centre régional des impôts du Centre I pour convaincre la Beac de la légalité de la transaction immobilière, un doute ayant été jeté sur la fiabilité de la «quittance de non redevance» présentée par Me Jacques Pierre Fouletier. Dans la correspondance du fisc en réponse aux démarches de l’avocat datée du 15 avril 2020, il est écrit que «la quittance délivrée vaut attestation». Auparavant, le chef du centre des impôts aura précisé que des vérifications effectuées auprès de ses services ont permis de constater que le notaire, Babale Hatidja avait régulièrement acquitté les impôts et taxes conformément aux lois en vigueur ce qui n’empêche pas d’autres rejets de la Beac avec de nouvelles exigences, notamment le renseignement d’une «déclaration préalable conforme» des virements le 28 avril 2020, puis la présentation des copies des cartes nationales d’identité des bénéficiaires des virements non résident au Cameroun. La correspondance du DG de la Beac à la banque de l’avocat le 29 juillet 2020 couronnera les tergiversations et le caractère presque farfelu des exigences de l’autorité monétaire. Dans ce document, il est demandé à UBC pas moins de 11 catégories de pièces au soutien de la déclaration préalable faite en avril 2020. «Par ailleurs, écrit M. Biaise Eugene Nsom, signataire de la correspondance, il apparait que «le transfert de 716.629 euros (470 millions de francs) doit être effectué sur le compte de Jacques Pierre Fouletier domicilié à la Société Générale en France. Or, ce transport ne pourra être exécuté que si Jacques Pierre Fouletier prouve sa non-résidence au Cameroun en joignant au dossier des transferts, tout document attestant de sa radiation du conseil de l’ordre des avocats au Cameroun ainsi que de tout élément attestant de son départ de la Cemac». Rédigé presque un an après la signature des premiers ordres de virement par l’avocat, la demande de la Beac s’apparente à une exigence d’expulsion de cet avocat du Cameroun. Intrigues internes… Approché il y a quelques semaines par Kalara pour être édifié au sujet des conditions de l’octroi par la Beac de l’agrément pour le transfert des fonds en dehors de l’espace Cemac et sur les délais de signatures d’un tel agrément au regard des multiples rejets essuyés par la banque de Me Jacques Pierre Fouletier, M. Azafack Kemtio Philippe, responsable de la communication de la Béac, avait spontanément salué la démarche de votre journal en promettant une réaction- d’un très haut responsable de la Banque centrale. Depuis, il répond aux abonnés absents, ce dossier étant au centre d’une forte polémique au sein de l’organisme monétaire, selon les informations de Kalara. D’après les indiscrétions non recoupées, le blocage serait dû aux «intrigues internes organisées par quelques cousins de M. Fouletier avec l’assentiment de certains responsables». La Béac n’est pas loin d’être perçue à travers ce dossier comme une épicerie… Pour rappel, Me Jacques Pierre Fouletier fut membre du conseil de l’ordre des avocats pour un mandant de deux ans démarrés en 1982. Il n’occupe plus donc cette fonction. De nationalité française, il exerce comme avocat au Cameroun sur la base d’un décret présidentiel. Il réside depuis de nombreuses décennies dans le pays et a déjà prêté ses performances professionnelles dans de nombreux dossiers sensibles, notamment pour le compte de l’Etat. Certains de ses confrères informés du sort de ses ordres de virement à la Beac, sont étonnés de l’amalgame entretenue entre l’avocat professionnel et l’héritier et mandataire d’une succession, dont les activités privées n’ont aucun rapport avec l’exercice de l’avocature. En attendant que la Beac clarifie les choses un de ces jour


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