Le 18 mars 1981, le Président Ahidjo inaugurait en grandes pompes et le faste républicain, le complexe industriel de la Cellulose(Cellucam) mais après seulement 2 ans d’activités cette entreprise qui était au cœur de la maîtrise technologique du Cameroun et un important gisement d’emplois, va fermer ses portes. Retour sur l’histoire de ce pôle industriel dont la faillite est symbolique de l’échec de la stratégie d’industrialisation nationale. Des murmures sourdaient dans les chaumières à Edea sur la situation de la Cellucam dont la situation serait alarmante au point où le dépôt de bilan serait même envisageable. La double explosion qui avait frappé l’entreprise en 1982 laissait craindre des jours difficiles pour la Cellucam. Comme un malheur ne vient jamais seul en Afrique, la maladie subite du Directeur general Horst Melzer et son décès inattendu à Linz, en Autriche, de lavis de certains cassandres était un signe suffisamment annonciateur des difficultés de l’entreprise. Faillite de la Cellucam. En effet, Horst Melzer, premier DG de l’histoire de Cellucam. réputé affable était au cœur de la Cellucam grave à son leadership remarquable qui a grandement contribué à la maturation du projet. Puis, le communiqué laconique du top management de l’entreprise de pâte à papier faisant état de sa fermeture va plonger la « ville lumière » dans l’émoi considérable. Personne n’en croyait ses yeux. L’on supputait dans les conversations’ sur les liéns entre le-double incendié qui avait ravagé les installations de la Cellucam et le dépôt de bilan de l’entreprise. Et pourtant que l’on nous assurait dès l’inauguration, que tout avait été mis en œuvre pour que le projet soit réussi. Un chef d’œuvre de maîtrise technologique, symbole de l’indépendance du Cameroun A l’origine, c’est en Côte d’ivoire que la France voulait créer une usine de cellulose mais les avantages comparatifs suggérés par le site d’Edéa’ ont fait pencher la balance en faveur du Cameroun. La proximité de la forêt riche en bois de qualité propice estimée à 340m3/ha, l’agglomération était suffisamment peuplée pour faciliter les problèmes de main d’œuvre, l’eau douce disponible toute année à un débit suffisant pour minimiser les problèmes d’effluents, la liaison rail-route était satisfaisante avec la proximité du port d’évacuation de Douala, une bonne disponibilité de l’énergie électrique à bas prix, la place économique majeure de l’Afrique centrale pour les économies d’échelle… Tous ces arguments majeurs pour le succès de l’exploitation seront déterminants pour le choix en faveur du site Camerounais. Après une relative hibernation, il faudra attendre 1974 pour que le projet soit relancé avec la signature d’un accord entre le ministère de l’Economie et du Plan et la multinationale autrichienne Voest-Alpine qui va conseiller le gouvernement camerounais de se concentrer sur la production de pâte, de type kraft blanchi, en adéquation avec les besoins du marché local au lieu d’embrasser le segment peu compétitif des papiers et cartons à grande échelle. C’est sur cette base que le 25 juin 1977 que fut mis sur pied le conseil d’administration de la Cellucam, qui comprenaitson président Youssoufa Daouda, Ministre Camerounais de l’économie et du plan représentant un conglomérat majoritaire dans le capital (Cnps, Csph, Finances, Sni), et la société Svenka Cellulosa Aktiebolaget basée à Sundsvall, en Suède, qui apportait son savoir-faire. C’est cet attelage tracté, par un investissement majeur de près de 200 milliards de FCFA qui le 18 mars 1981, portera sur les fonts baptismaux la Cellucam le 18 mars 1981. Avec la production de plus de 1000 emplois directs et près de 5000 indirects, Cellucam était non seulement la première entreprise d’Afrique noire à produire de la pâte à papier mais davantage en tant que pôle industriel majeur, elle incarnait la stratégie d’industrialisation de l’économie nationale. La faillite de l’entreprise Les perspectives du départ étaient si alléchantes qu’une euphorie collective accompagnait la Cellucam. L’on envisageait pour la première fois- en Afrique noire la fabrication de produits chimiques de première nécessité comme l’eau de javel… En mars 1982, un double incendie ravageait le stratégique département du blanchiment de la pâte, paralysant du coup la Cellucam. Puis, comme si cela ni; suffisait pas, en décembre 1982, une panne de tuyauterie de la chaudière de récupération mettait la cellucam dans l’impossibilité d’assurer un approvisionnement régulier en produitschimiques.C’est l’hallali pour la Cellucam. Quelques jours avant de démissionner de ses fonctions, le Premier Ministre Luc Ayang prononce la faillite de la Cellucam. Soupçons de sabotage A l’origine c’est sous l’égide du Centre Technique Forestier Tropical (CTFT), que la France mène dès 1945 les études pour le montage d’une usine de production de pâte à papier. C’est la CTFT qui choisira le Cameroun et le site d’Edéa pour la construction de la future entreprise. C’est pourquoi les français vont estimer avoir un droit de préemption sur tout éventuel montage d’un projet de pâte à papier au Cameroun. Mais des années durant, malgré les appels de pied pressants des officiels camerounais en faveur de la réalisation du projet, les français vont faire la sourde oreille. Paraît-il que c’est sous la pression infernale du puissant lobby français des papeteries qui ne veut pas perdre sa clientèle d’Afrique centrale où il bénéficie d’une situation de quasi-monopole. Alors, la décision du ministre de l’économie et du Plan, Youssoufa Daouda de négocier avec les autrichiens de Voest Alpine va mettre le feu aux poudres. Les français paraît ils ne sont pas contents et selon des sources multiplient d’aussi vaines que dérisoires ambassades auprès du président Ahidjo. Peine perdue. Les français jurent selon des langues auraient juré de se venger. Et pour cause, en 1980, les autrichiens de Voest Alpine pourtant partenaire majeur décident de vendre 25% de leurs actions. L’information passe inaperçue dans le contexte des « guerres sibyllines » entre Ahidjo et Biya mais pourtant elle vaut son pesant d’or. L’on apprendra plus tard, par une chronique du quotidien français, Le Canard enchairié, que des intérêts français ont conseillé à Voest Alpine de lâcher du lest à Cellucam en échange d’un « coup de pouce » dans un marché sidérurgique en Moselle en France. Puis, la description du double incendie qui a ravagé le département de blanchiment de la pâte à papier soulève beaucoup d’interrogations. Comment peut-on parler d’explosion liée aux chaudières alors que les pouvoirs publics camerounais avaient pris le soin d’acheter les machines Lundberg de dernière génération qui ont la particularité d’avoir le système de refroidissement interne le plus performant au monde ? Intrigués les experts suédois qui avaient fait le déplacement d’t.déa à l’effet de mener les enquêtes se sont vus refoulés sans explication à l’entrée de l’usine par les policiers. L’on devine qu’à Yaoundé, consigne a été donnée de ne pas faire des vagues contre la France au moment où Paul Biya cherche des appuis en Hexagone dans sa querelle avec Ahidjo. Mais le mutisme des uns et des autres renforcent la thèse criminelle de l’acte terroriste. Au finish, la Cellucam a été fermée, le Cameroun a perdu son fleuron industriel majeur fcomplètement envahi par la broussaille’ et les espoirs d’amélioration du cadre et des conditions de vie de milliers d’individus populations sont réduits à néant.
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