Faisant suite à une lettre de dénonciation, le ministre des finances Louis Paul Motaze vient de signer une lettre de mission désignant les inspecteurs généraux de son département ministériel à l’effet de procéder à la vérification de la fraude douanière sur toute l’étendue du territoire national. Cette mission durera 75 jours. Aucun esprit rationnel ne saurait aller à l’encontre de ce combat contre la fraude douanière qui, comme plusieurs autres fraudes enregistrées, a fait tant de mal à l’économie nationale avec tout ce que cela comporte comme déchirement de notre tissu social. Des centaines de milliers de familles continuent de porter les stigmates des détournements à grande échelle de deniers publics. Insuffisance d’infrastructures scolaires, scolarité payante dans les universités et grandes écoles, manque criard d’équipements de qualité dans les hôpitaux pouvant garantir l’éducation et la santé de nos compatriotes, chômage endémique. Bref un horizon profondément obstrué pour l’immense majorité de camerounais. Pendant ce temps une infinitésimale minorité se “sucre” sur le dos du contribuable. Il convient toutefois de relever que cette initiative louable d’inspection de la fraude douanière à travers le territoire national ne peut être efficace à long terme que si cette opération est menée avec toute la transparence nécessaire. Au terme de la mission, les noms des coupables ainsi que les montants détournés doivent être rendus publics. Les ordres de recettes servis à ces criminels. Le ministre Louis Paul Motaze qui serait un homme à poigne, nous dit-on, ira-t-il jusqu’au bout une fois les résultats des différentes missions portées à sa connaissance? Rien n’est moins sûr. Pendant qu’on y est, où est-on avec l’opération d’assainissement du fichier solde de l’État? Plusieurs opérations d’assainissement ont été effectuées. De 1987 à 2006, près de 100 millards de fcfa ont été siphonnés chaque année du Trésor public au seul titre des salaires fictifs soit près de 2000 milliards -pratiquement 40% du budget actuel de l’État- durant les 20 dernières années. La dernière opération de comptage physique de fonctionnaires a été lancée il y a à peine trois mois. Les résultats ont été rendus publics. De façon sommaire. Sur 25.000 dossiers suspects, 9.000 ont été effectivement examinés et 2.500 fonctionnaires ont été retenus. Ce qui fait un total de 22.500 fonctionnaires fictifs. Dans un pays normal, à défaut de les condamner à la prison ferme avec remboursement du corps du délit, on aurait pu tout au moins prendre des dispositions au niveau du ministère des finances. Qu’attendent les parquets de la République pour se saisir de cette ténébreuse affaire qui “est capable de faire trembler 20 fois la République “, pour reprendre exactement les propos de l’ex-ministre des finances Essimi Menye qui répondait à une question orale de l’Honorable Jean Michel Nintcheu? Qu’attend le ministre des finances pour rendre publics les noms et les numéros de matricule de ces fonctionnaires fictifs ainsi que la période et les montants détournés par chacun de ces prévaricateurs de la fortune publique? A-t-on déjà servi des ordres de recette à ces criminels à col blanc bien identifiables puisque ces salaires “noirs” atterissaient dans des comptes bien domiciliés au sein des établissements bancaires? Une chose est d’annoncer le lancement d’une opération salutaire de salubrité publique, une autre et de loin la plus importante et la plus utile est de communiquer au peuple les résultats détaillés de l’enquête et surtout de récupérer l’argent détourné. Toute opération d’assainissement d’un quelconque segment de la vie publique nimbé de prévaricateurs qui n’obéit pas à cette exigence républicaine de transparence sera toujours revêtue du sceau de la suspicion et de la complicité permanentes. Les camerounais ne veulent plus d’opérations d’enfumage à grands renforts de publicité. Les camerounais ont besoin des opérations qui aboutissent à des résultats concrets et positifs à savoir récupérer l’argent détourné et punir sévèrement les coupables, conformément à la loi. Ils ont le droit de savoir jusqu’au moindre détail ceux qui pillent la fortune publique ainsi que leur mode operatoire. Afin que nul n’en ignore. Le droit à l’information est un droit constitutionnel consacré dans notre République qui, faut-il le rappeler avec force, est notre propriété commune.
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