Plaidoyer : ‹‹ il faut sauver la presse la presse pour la démocratie ››

C’est une exhortation de Parfait Nicolas Siki Awono, l’actuel responsable de la communication de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Un autre 3-Mai. Une autre journée mondiale de la liberté de la presse. Comme un patient Covid-19 en détresse respiratoire, la presse camerounaise est sous assistance. Mais elle ne dispose d’aucun réanimateur à ses côtés, son assistance est constituée d’une horde de professionnels aux abois, courbés sur le grand malade dont la situation empire année après année. La presse camerounaise est malade, d’un mal si profond que son pronostic vital est engagé depuis longtemps. En tout cas, la plupart de ses enfants chéris, ses filles et fils parmi les plus valeureux l’ont abandonnée au point où elle ne tient à la vie que grâce à la témérité de quelques rares chevaliers, des héros tragiques, des Pyrrhus victorieux. Ils sont honorables, mais les balafres de la bataille quotidienne qu’ils livrent sont ostensibles. Les entreprises sont structurellement déficitaires, elles accumulent des arriérés de salaire, limogent à tout vent, se créent et se ferment au gré des combats gagnés ou perdus, se livrent au mieux offrant, expression pudique pour éviter de dire qu’elles se prostituent. En fait, Dieu ne veut pas de la presse au ciel, c’est sans doute la raison de la survivance de ce secteur. La presse apparaît comme le dindon de la farce d’un processus de construction socio-politique, économique, culturelle et sportive. Elle crie à la liberté, mais c’est du pain qu’elle a vraiment besoin. Les opérateurs politiques que la presse a révélés et accompagnés s’aménagent un statut économique et social confortable à travers les milliers de postes électifs qu’ils se partagent élections après élections. Les acteurs économiques, dont les médias portent les combats pour un meilleur environnement des affaires, se disputent l’entrée du classement de Forbes. Les sportifs, dont elles content les exploits, peuvent admirer les belles infrastructures construites en cinq ans à travers le pays, et qui annoncent un âge d’or. La culture est une fausse jumelle de la presse, car elle a trouvé un second souffle à travers les « vues », les « likes » et les « téléchargements », qui génèrent notoriété et, quelques fois, fortune. La presse n’a pas réussi à trouver son chemin de Damas. Pas encore. Le cherche-t-elle ? Passons sur le fait qu’elle n’ait pas encore réalisé l’aggiornamento nécessaire pour la transition numérique. On verra plus loin que ses conditions économiques retardent voire annihilent toute velléité d’essor. Notre presse, la presse écrite surtout, la mère de la presse, s’est progressivement appauvrie du fait de l’absence d’appui de l’Etat comme cela aurait dû être le cas. Si la presse d’Etat bénéficie des subventions continues du gouvernement, la manière dont la presse privée est traitée est une atteinte à nos valeurs démocratiques bien plus qu’à la viabilité de centaines d’entreprises de presse qui emploient de milliers de jeunes. En affaiblissant la presse par étranglement économique, en refusant de l’oxygéner, on travaille à provoquer à la longue l’asphyxie de la démocratie. Le quatrième pouvoir est un élément central de toute démocratie, autant que les autres pouvoirs connus. Pourquoi serait-il le seul qui ne bénéficie d’aucun appui des pouvoirs publics ? La conséquence est que la presse s’est débarrassée de ses armes les plus efficaces, comme les enquêtes ou les grands reportages. Elle est aujourd’hui la version imprimée des infos des réseaux sociaux, avec peu de valeur ajoutée. Et quand le pouvoir s’est rendu compte de la capacité de nuisance encore plus corrosive des réseaux sociaux, il en appelle au patriotisme de la presse. Elle est appelée à la rescousse pour réguler la circulation de l’information, mais c’est tard. Car les réseaux sociaux ont pris le pas même sur les médias traditionnels. Il n’est pas tard pour sauver la presse. Il faut pour la première fois mettre en place un système de subvention assis sur le professionnalisme et la crédibilité des titres. L’Etat peut financer les projets de transition numérique, qui veut que la presse a de plus en plus de lecteurs digitaux et peu de lecteurs papier. Le gouvernement peut souscrire des abonnements importants pour les ministères et organismes publics. Des solutions existent pour réhabiliter un des piliers de notre démocratie et un important pourvoyeurs d’emplois. On ne peut faire plus mal à la presse que maintenant. Elle est à plat ventre. Elle ne peut que se relever. Il faut l’aider à se relever, comme elle aide l’Etat à construire une citoyenneté de progrès.


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