De sources bien introduites, l’absence du président de la République au forum économique Russie-Afrique aurait des liens sous-jacents avec le séjour du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, venu rassurer l’homme du 6 novembre, de l’inconditionnel soutien de la France dans le cadre de la résolution des crises multiformes qui minent le pays. Paul Biya, le pas alerte, a une mine hilare au sortir du tête à tête avec Emmanuel Macron ce jeudi 11 octobre 2019. Fait inhabituel, il va même jusqu’à échanger quelques mots avec Manaouda Malachie, le ministre de la Santé publique qui l’écoute avec une attention des plus soutenues. Et comme pour faire le plein de la coupe, le président de la République dont on sait la phobie pour des interviews, va même se prêter au jeu des questions-réponses avec des journalistes postés dans le couloir de la salle attenante où il vient de deviser avec son homologue français en marge de la 6è Conférence de reconstitution des ressources du Fonds Mondial pour la lutte contre le Vih/Sida, le paludisme et la tuberculose. Une entrevue que des éléments de la Brigade anti-sardinards (Bas), ont tenté de perturber, en vain. Pour inédits, ces clichés suscitent moult interrogations dans les rangs des observateurs et même les spécialistes de l’homme du 06 novembre 1982. Quelle mouche a bien pu piquer celui qu’on surnomme le sphinx pour qu’il se montre aussi jovial qu’un gamin de douze ans ? La roulette russe Pour comprendre le pourquoi de cette attitude, il faut plonger dans le secret des échanges entre les deux dirigeants. S’il est établi qu’ils ont inéluctablement abordé la situation de crise que traverse le Cameroun dans ses régions anglophones, et les efforts entrepris pour en sortir, il y’a aussi que Biya a donné certaines garanties à la France pour bénéficier de son total soutien dans la perspective du retour de la paix dans le NoSo mais aussi dans l’optique de la redynamisation des rapports qui lient les deux pays « frères et amis » pour reprendre l’expression consacrée. Le Quai d’Orsay qui n’entend pas se faire voler sa « colonie », a visiblement joué la carte de la prudence en exigeant de Biya qu’il boude cet important conclave quoique le Kremlin ait adressé une invitation formelle au Chef de l’Etat, convaincu qu’une entrevue avec le dirigeant de 84 ans serait une occasion pour lui exprimer son vœu de renforcer ses relations avec Etoudi. En effet, après presque trois décennies en retrait, Moscou veut revenir en Afrique. Pour marteler cette ambition face à l’Occident mais aussi la Chine, Vladimir Poutine qui a lui-même présidé son premier grand sommet africain, mène une guerre froide contre les français. Et en bon élève de la France, Biya a préféré jouer à la roulette russe en boudant ledit sommet. Une grande victoire pour la France qui a là, une preuve de la bonne foi du chef de l’Etat camerounais. Sauver le NoSo Autre fait marquant à inscrire dans le prolongement du rendez-vous de Lyon, la présence du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian à Yaoundé depuis mardi dernier. Emissaire de Macron, le chef de la diplomatie française souhaite ainsi « prendre acte et encourager la poursuite de la dynamique enclenchée là », observe son entourage à la veille du départ. Alors qu’un conflit séparatiste déchire les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest (plus de 3 000 victimes et des dizaines de milliers de déplacés Ndlr), la France a accueilli l’organisation du grand dialogue national comme « une étape importante, attendue, mais qui doit se poursuivre ».ll y’a quelques mois pourtant, le ton était bien différent. Auditionné le 28 mai par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, Le Drian n’avait pas caché son inquiétude pour « les zones anglophones » où « la situation continue de se dégrader » et où « les pertes humaines sont de plus en plus lourdes ». Le casse-tête du Franc CFA Outre ce volet politique, le déplacement de l’émissaire français aura une visée économique – avec la rencontre de chefs d’entreprises français et camerounais à Douala – et un objectif sécuritaire. Si l’homme devrait rappeler que les projecteurs braqués sur le Sahel ne doivent pas faire oublier la menace terroriste qui sévit autour du lac Tchad, il y’a aussi et surtout la question du Fcfa qui préoccupe. Entre le refus par l’Occident de décoloniser et de freiner le développement de quatorze pays africains, ex-colonies françaises, par l’instrument qu’est le franc Cfa et la curieuse volonté constante des officiels français, d’accompagner les africains dans les réformes qu’ils voudront engager vis-à-vis de cette monnaie, le débat enfle et le Quai d’Orsay veut conserver le monopole.
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