Dans une analyse de Célestin Biaké Difana, éditorialiste camerounais, ancien directeur de publication du Journal Dikalo, il relève le malaise de la classe politique de l’opposition au Cameroun. L’intégralité de son texte. Dans la pluralité des malaises générés par une longue gouvernance d’échecs, la confusion des priorités entre citoyenneté, identité et replis ethniques, n’est-elle pas la source de tous les dérapages ambiants? Il perdure une ambiguïté incroyable à se pencher sur le cas Cameroun, à le comprendre dans ses convulsions socio-politiques depuis qu’au tournant de la fin des années 80, se sont indubitablement installées la certitude de l’échec de la conduite des affaires de la cité sous la gouvernance dite du Renouveau, l’évidence d’une grave fracture sociale qui est allée en s’amplifiant et le désarroi certain de tous, face à l’enlisement qui se prolonge, faute de réponses adéquates. Face à tout cela, les camerounais se sentent mal à l’aise, ont même à une époque donnée (1990) bruyamment donné de la voix, exprimé leur colère et infortunes puis sans succès et à la force de la résistance sybilline du pouvoir en place, sombré dans une résignation de calcul avec l’espoir puéril que des augures plutôt favorables allaient se charger de leur prêter main forte dans la quête de l’alternance salvatrice. Rien de tel sur plus de trois décennies d’espoir ne s’est produit. Au contraire, la mal gouvernance s’est consolidée et la dictature plus qu’enhardie devant nos inactions multiples, nos reculades et nos lâchetés, s’est encroûtée véritablement. Osant l’inattendu dans tous les pans des petites libertés publiques jusque-là conquises, pour crânement aujourd’hui décider à sa guise et ce en toute rupture du contrat social, de ce qui est convenable ou faisable. Résultat des courses, nous sommes tous à quelque niveau que ce soit, gros jean comme devant. Perpétuelle fuite en avant Pour ceux qui croient faire bonne figure en mimant dans leur désespérance un soutien total à ce pouvoir moribond, l’on perçoit toujours les affres et ravages d’une lobotomisation méthodique qui a consisté à faire de la haine d’eux-mêmes et de la vérité, l’outil de la propagande du désespoir. Pour eux, puisque rien ne va, tout doit aller mal pour tout le monde. Bref, puisqu’on est tous des victimes en quelque sorte, autant assumer cette condition jusqu’à plus soif. S’en départir, c’est vouloir se sauver seul. Ce qui reste inadmissible. Ce refrain on l’a entendu aux prémices de la crise anglophone et qui se résumerait à cette sordide interrogation : pourquoi ces mal-barrés rentrent-ils en dissidence ouverte alors que toutes les autres régions du pays font face presque toutes aux mêmes problèmes et récriminations ? Le courage de la contestation bruyante est devenue une offense, un crime de non patriotisme. Pour ceux qui se révoltent ou interrogent leur condition, l’adhésion populaire souhaitée n’est point au rendez-vous. Les petits calculs d’intérêts égoïstes ou de groupe prévalent, anesthésiant toute harmonie pour le combat. Mais au fait, comment en est-on arrivé là, à cette grave anomie sociale apparemment inexplicable pour un État qui compte avec toutes ses ethnies confondues, plus de soixante années de cheminement commun et de partage d’un même destin? La mayonnaise d’une communauté de destin n’a-t-elle pas pris pour qu’elle raison? Au point où comble de la régression, c’est plutôt à des replis identitaires farouches que l’on fait face maintenant dans le débat public. Sans doute faudrait-il reconnaître en toute lucidité que les pouvoirs qui se sont succédé jusqu’à lors à la tête du pays, n’ont pas su à défaut de créer une identité camerounaise forte, consolider la petite notion de citoyenneté qui se mettait en place et que nous avions en partage. Ce sentiment d’appartenance à une terre commune pour laquelle il nous est imparti comme devoir premier, de la modeler, la rendre conviviale et prospère. La furie actuelle des replis identitaires qui indécemment s’expriment et se manifestent dans l’espace public, nous jette au visage, les échecs cumulés des doctrines et pratiques politiques qui ont eu cours depuis lors. Le pouvoir, qui aurait bien des années après l’indépendance, dû être l’instrument de l’harmonisation sociale, de sa régulation et de sa cohésion, a curieusement emprunté les chemins de traverse. Il a dans sa pratique hier comme aujourd’hui beaucoup plus en pire, laissé trainer dans l’opinion, le sentiment diffus d’un apanage, d’un privilège. Déplorable confusion qui installe et sème les graines de la déchirure et partant du chaos. Au nom de quoi peut-on penser dans cette mosaïque qu’est le Cameroun, que le pouvoir est réservé à des ethnies ou groupe d’ethnies précis et que son exercice, emporte relais des autres au second plan et promotion sans vergogne et tous azimuts des frères du village ? Cette conception abjecte du pouvoir explique aussi pour beaucoup les manichéismes ambiants et les échecs répétés des combats de l’opposition. Dans le soupçon des suprémacismes ethniques qui fusent de toutes parts, les choix et faveurs politiques ne sont plus guidés par la pertinence du propos ou du projet de société mis en avant, l’aura ou la transversalité du candidat postulant. Mais la proximité ou l’affinité villageoise qui garantirait on ne sait trop quoi pour la suite. A l’heure où logiquement et compte tenu de quelques avancées notables en terme de brassage des populations, on se serait attendu à entendre parler d’identité camerounaise et des moyens de la parfaire, d’obscurs bigots du tribalisme viscéral, planifient des retopurs vers l’obscurantisme et rêvent à défaut d’un fédéralisme vraiment fédérateur, de ce qu’ils appellent fédéralisme communautaire. Entendu comme des cloisonnements territoriaux étanches où ne s’expriment que la préférence et la stigmatisation. Curieuse perspective d’avenir pour un pays qui refuse de se libérer de la dictature de la médiocrité. Célestin Biaké Difana
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