Les 5 menaces au développement

Dans l’ensemble, les Camerounais aspirent au renforcement de la bonne gouvernance, de la décentralisation, des élections libres et transparentes, de la réduction de l’insécurité, de l’équité et de la juste répartition des fruits de la croissance. Cependant, le gouvernement, en élaborant le document « Cameroun Vision 2035, Cameroun émergent », a identifié cinq facteurs susceptibles d’ébranler les quelques acquis de démocratisation pour lesquels le Cameroun enregistre certaines avancées. Il s’agit de la question de la transition politique, de la gestion du double héritage francophone et anglophone, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la justice sociale et de la participation des populations à la prise des décisions. Sur la question de la transition politique, l’on note que depuis son indépendance, le pays a connu une seule transition politique à la tête de l’Etat qui s’est faite de manière pacifique. Les prochaines transitions devraient, selon la constitution, résulter d’élections. Cependant, les dérives et contestations qui ont jusqu’ici toujours suivi la tenue des élections au Cameroun ne sont pas à négliger. Le risque d’une instabilité de nature à remettre en cause la continuité des institutions républicaines au cours du processus de transition politique existe. Il pourrait constituer un point critique pour le processus démocratique et pour le développement. Sur la gestion du double héritage francophone et anglophone, les autorités relevaient déjà en 2009 que « contrairement aux autres formes de segmentations administrativement inertes, l’existence d’une communauté anglophone et d’une communauté francophone est une donnée majeure dans l’organisation de l’administration. Elle lui donne un caractère hybride. Cette dualité se traduit concrètement par un souci permanent d’ajuster les institutions et la répartition dans les hautes fonctions de l’Etat aux deux composantes du système. » En effet, cette situation donne lieu à des structures assez particulières dont l’originalité n’est pas nécessairement source de stabilité. Ce qui aboutit à des revendications d’autonomie. Par conséquent, la gestion non adéquate de cette dualité constitue une menace au développement du Cameroun. Sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, il est observé que dans un contexte où le président de la République nomme les magistrats et préside le Conseil supérieur de la magistrature, il est difficile de concilier l’aspiration d’une justice indépendante et accessible à tous exprimée par les populations avec l’organisation administrative actuelle. C’est que » les magistrats forment un corps de fonctionnaires dont les modalités de recrutement obéissent aux mêmes canons que les autres agents publics. Ils n’ont donc pas d’onction populaire et ne jouissent pas d’une légitimité identique à celle des députés ou du président de la République », indiquent les auteurs de « Cameroun Vision 2035, Cameroun émergent ». Du coup, la contradiction entre les nécessités opérationnelles et les exigences de la démocratie constituent une entrave à l’émergence, vue sous l’angle de la séparation des pouvoirs. Sur la justice sociale, l’on note que dans une nation segmenté au niveau sociologique, l’équilibre régional vise à inhiber des pulsions centrifuges des communautés qui s’appuieraient sur une faible représentativité pour justifier des comportements revendicatifs et entraîner des désordres civils. Si ce principe est accepté dans sa formulation générale, sa déclinaison opérationnelle donne souvent lieu à des interprétations différentes, car elle s’oppose de fait au principe d’égalité et va à contre-sens des exigences de performance. D’après le gouvernement, » le risque est grand de voir des revendications irrédentistes se multiplier et entraver la bonne marche du pays vers l’atteinte de son objectif de long terme. » Concernant la participation des populations à la prise des décisions, l’hégémonie administrative de l’anglais et du français, dont la maîtrise exige une formation scolaire, pose une hypothèque sur la participation de toutes les couches sociales à la gestion des affaires publiques. Elle crée ainsi une partition de la société entre une masse nombreuse et faiblement scolarisée, exclue des centres de décision et de pouvoir. La conséquence est une société duale qui crée une grave discontinuité dans la nation qu’elle sèvre d’un important sens critique. « La participation étant devenue l’une des clés de réussite de toute initiative de développement, réaliser la vision de développement du Cameroun dépendra de la manière avec laquelle les populations seront associées aux mécanismes de gestion. La nécessité d’entreprendre des stratégies pour valoriser nos langues afin de leur donner un statut de dignité, puis d’envisager des organisations même péri-administratives qui les utilisent et permettent à la population de participer aux débats sur le développement se perçoit dans cette perspective », lit-on dans « Cameroun Vision 2035, Cameroun émergent ».


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