[Politique]Laurent Esso plombé par les mutineries

La critique n’épargne pas le Minjustice dans les récents évènements survenus à Yaoundé et Buea. Une tâche sur une chemise blanche. Voilà à quoi peuvent se résumer pour le ministre d’Etat Laurent Esso, ministre de la Justice, les mutineries survenues les 22 et 23 juillet 2019 respectivement à la prison centrale de Yaoundé et de Buea. Homme jadis discret que la’ lumière a fini par séduire, au point où lui sont prêtées de nombreuses ambitions, voici Laurent Esso sur la sellette. «Il travaille ces dernières années à soigner son image, quitte à susciter des interrogations, transformant en opportunité médiatique le moindre évènement professionnel ou politique. Les mutineries de Yaoundé et de Buea plombent incontestablement sa stratégie, celle-là même qui doit le présenter comme un homme intègre et compétent, pour séduire l’opinion. Ma crainte est que ces mutineries ne jouent le rôle de curseur de son incompétence», analyse un politologue. Certes, deux correspondances dont L’œil du Sahel a pris connaissance éclairent d’un nouveau regard les évènements de ces derniers jours, notamment à la prison de Yaoundé. La première, datée du 16 juillet 2019, attire l’attention du ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense, sur une menace d’insurrection dans la prison centrale de Yaoundé, et lui suggère des mesures conséquentes à prendre, dont le transfèrement de quelques prévenus relevant du tribunal militaire dans d’autres prisons. La seconde correspondance, adressée au secrétaire général de la présidence de la République le 26 juin 2019, en sus de rappeler l’objet de sa lettre adressée à son collègue de la Défense, est un véritable plaidoyer pour le renforcement des effectifs de l’Administration pénitentiaire par de nouveaux recrutements. Responsabilité Pour autant, le ministre d’Etat Laurent Esso peut-il dégager sa responsabilité des évènements survenus à Yaoundé et à Buea ? «Des détenus interpellés dans le cadre de la crise anglophone, des militants du MRC et quelques grands braqueurs sont accusés d’être derrière la mutinerie de Yaoundé. En attendant les conclusions de l’enquête, je me demande combien sont-ils sur une population carcérale de plus de 4000 détenus pour réussir un coup de force comme celui du 22 juillet dernier ? Pour ma part, cette mutinerie est d’abord et avant tout le procès du système judiciaire et carcéral de notre pays, dont Laurent Esso a la charge », affirme Zeinabou Acha, une diplômée en droit privé. La surpopulation de la prison centrale de Yaoundé illustre bien la situation. Construite pour accueillir 800 personnes, elle héberge aujourd’hui plus de 4000 détenus dont près de 70% sont en attente de jugement. « La détention en matière correctionnelle est l’exception. Or, cette règle n’est pas respectée et, est en grande partie à l’origine de la surpopulation carcérale. A ceci, si l’on ajoute le fait que les délais moyens de traitement d’une procédure du tribunal de première instance à la Cour d’appel sont de trois à quatre ans dans le meilleur des cas, il y a de quoi n’être pas surpris par la tournure actuelle des évènements », murmure un magistrat à la retraite. Et ce n’est pas tout. Quelques langues bien fourchues mettent en cause la gestion du Garde des sceaux dans l’administration de la justice et des prisons. «Le ministre Laurent Esso, parce que c’est lui qui a la charge de ce département ministériel, est le premier responsable de la crise actuelle dans les prisons. Comme ministre, sa responsabilité est de veiller à ce que les affaires soient rapidement jugées, que le nombre de détentions provisoires ne dépasse pas les 30% de la population carcérale, que les juridictions importantes soient pourvues en nombre suffisant de magistrats… Cela tient parfois davantage de la répartition que des effectifs », affirme Jacob Degle, militant des droits de l’Homme et habitué des couloirs des tribunaux de Garoua. Va pour la justice. Pour ce qui est de l’administration des prisons, le militant des droits de l’Homme trouve également des griefs à mettre sur le compte du ministre de la Justice. Il regrette l’absence de volonté politique pour décongestionner les prisons, l’absence d’un système permanent de contrôle des prisons par les juridictions, l’insuffisance de la ration quotidienne du prisonnier qui plafonne à moins de 300 Fcfa… Sous les projecteurs de l’actualité et malgré une «défense solide» de ses partisans, Laurent Esso doit donc affronter sa plus grande crise, depuis qu’il a fait de la « lumière médiatique » sa scène politique.


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