Dieudonné essomba : ‹‹ l'état unitaire est un instrument parfait du néocolonialisme ››

L’analyste jette un regard critique sur la forme de l’Etat au Cameroun. Certains n’ont jamais voulu comprendre les qui relient l’Eta unitaire au néocolonialisme, alors que ces liens sont d’une évidence criarde. En effet, l’Etat- dit unitaire est l’instrument par excellence d’une exploitation néocoloniale et à moindres coûts, car il suffit de contrôler un seul individu pour contrôler tout le pays. Ainsi, pour imposer une décision, pas besoin de s’ennuyer ! Il suffit d’exercer des pressions ciblées sur le Chef de l’Etat et le tour est joué. On l’a vu récemment 2 cas : Au Cameroun, alors que tout le Gouvernement, tous les Economistes nationaux, tous les citoyens et même nos partenaires de la CEMAC étaient hostiles aux APE, les Européens ont forcé la main à Biya pour les signer, en contrepartie de leur silence sur ses interminables mandats ! Ce qui inimaginable dans un Etat fédéral ! Au Gabon, alors que la population est violation hostile à l’homosexualité, Bongo en a pourtant imposé la légalisation, simplement parce que les lobbies homosexuels le lui dictaient. Ce qui est inimaginable dans un Etat Fédéral, où vous devez respecter la tradition de chaque segment communautaire, que cela vous plaise ou non. Bien plus, l’Etat unitaire est un instrument d’asservissement de nos pays aux caprices des bailleurs de fonds. Tenez ! depuis l’ajustement structurel qui a commencé au Cameroun en1987, le FMI et la Banque Mondiale ont interdit à notre Etat d’investir dans le domaine productif, parce que dans leurs « théories », seul le privé développe un pays. C’est techniquement faux pour un pays en développement, car chasser l’Etat, c’est en même temps empêcher le développement des entreprises productives structurantes de l’Economie nationale qui pourvoit l’emploi décent et multiplient les opportunités pour d’autres activités. L’exemple d‘une activité structurante est l’usine de Mbandjock. Sa construction suscite la création d’une ville, d’un nombre gigantesque d’activités dérivées de sous-traitance, d’entretien, d’approvisionnement et de commerce qui densifie le réseau productif. Très souvent, ces impacts sont largement supérieurs à l’investissement de base. Et c’est condamner à jamais le pays dans le sous-développement que de les interdire à l’Etat. Les raisons sont multiples : dans une Economie africaine, le secteur privé ne s’intéresse qu’aux activités rentables à court terme, celles qui, par vocation, leur permettent de rentrer très rapidement dans leurs fonds, généralement en moins de 10 ans. Les raisons sont multiples. Pour les capitaux étrangers qui peuvent représenter d’importantes ressources, les étrangers redoutent l’instabilité politique de nos pays. Un coup d’Etat, une révolution, une rébellion ou une insurrection et tout peut voler en éclats. Outre l’instabilité sur le plan sécuritaire dont sont souvent victimes ces pays, il y a l’instabilité des politiques publiques qui peuvent en découler, et certaines multinationale se sont vues confisquer leurs capitaux à la suite d’un changement de régime. Ils ne peuvent donc pas prendre un risque de long terme. Au Cameroun par exemple, on ne verra jamais des étrangers venir construire un port ou un barrage puisque ce sont des investissements qui ne sont rentables qu’à très long terme (au moins 50 ans). Mais quand le Cameroun s’est battu pour en construire, on les voit alors se précipiter avec les yeux rouges pour en arracher la gestion, car justement la gestion d’un patrimoine est un capitalisme court, alors que la construction d’un patrimoine est un capitalisme très long. Quant aux capitaux nationaux, c’est un petit argent très dispersé, sans attache technologique et qui ne peut s’exprimer que dans des opérations d’intérêt strictement humain, ou alors, comme des activités de sous-traitance, de finissage ou de commerce. En second lieu, la construction des grandes entreprises à impact très long demande la mobilisation d’importantes ressources, sans perspective de gain à court ou même à moyen terme. Ces sont des investissements particulièrement inadaptés pour les marchés financiers, d’où la nécessité de les financer au moins en partie par les impôts qui ne sont pas des ressources remboursables. Enfin, la construction de ces entreprises réclame souvent la levée de lourdes contraintes sociologiques que le privé ne peut pas faire. Ainsi, pour créer une entreprise comme la CDC ou la SOCAPALM, il faut délocaliser les populations, en associant la séduction à la force, ce qui n’est possible qu’avec l’Etat. Ce modèle a d’ailleurs émaillé le début du capitalisme dans les Etats européens, lorsque le Gouvernement et son armée se transformaient en un outil des capitalistes, pour soumettre la population ouvrière, casser les grèves, les contraindre à libérer des espaces, tuer les Indiens, etc. Dans ces conditions, l’exclusion de l’Etat du secteur productif est un coup mortel qui rend impossible tout développement. Notons d’ailleurs que de 1960 à 1987, le Cameroun a construit au moins 180 entreprises d’Etat qui continuent à représenter les piliers de la production nationale, à côté des multinationales. La majorité de ces entreprises ont été soit liquidées, soit vendues aux étrangers. Pendant ce temps, de 1987 à 2021, il n’y a pratiquement eu aucune autre nouvelle entreprise stratégique, si on exclut le PMUC qui développe l‘oisiveté et les entreprises téléphoniques qui ne sont que des segments locaux des réseaux mondiaux. Rien ! Aucune banque, aucune industrie, aucune agroindustrie, aucune société sérieuse de transport, à peine quelques établissements de Microfinance qualifiés pompeusement de banque, quelques auberges appelés hôtels, etc. En conclusion j’ai dit ceci : l’Etat unitaire prolonge clairement la soumission coloniale vis-à-vis de l’Europe. En concentrant toute la décision entre les mains d’un seul individu soi-disant « Père de la Nation et Fabricant attitré de l’unité nationale », il donne la possibilité d’un contrôle très facile de nos Etats par les étrangers. A travers l’Etat unitaire, la Nation est émasculée et ligotée. En contrôlant le Chef d’Etat, n’importe quelle force coloniale peut la tirer par la corde comme une chèvre. Dieudonné Essomba


ARTICLE PRÉCÉDENT ARTICLE SUIVANT

Ajouter un commentaire

Vous devez vous connecter pour ajouter un commentaire.

Commentaires