Corruption : le dg de l'art dans le viseur du tcs

Une dénonciation adressée au Tribunal criminel spécial met en lumière l’ampleur des malversations imputées à Philémon Zo’o Zame, directeur général de l’Agence de régulations des télécommucations. Depuis novembre 2019, le Tribunal criminel spécial (TCS) a reçu une dénonciation des actes de détournements des deniers publics impliquant le directeur général (DG) de l’Agence de régulation des télécommunications (ART). Le document de quatre pages en circulation recense une série de faits allant à l’encontre de l’orthodoxie financière mis à la charge de Philémon Zo’o Zame. Graves accusations Par exemple, la dénonciation lui impute la perception illégale dans son salaire de la somme globale de 82 179 000 FCFA entre juin 2017 et août 2019. Dans le détail, ce montant intègre une indemnité mensuelle compensatrice de 1 800 000 FCFA, 577 000 correspondant à une prime d’ancienneté de 18 ans similaire à celle de son prédécesseur alors qu’il est arrivé à la tête de l’entreprise le 8 juin 2017, une indemnité mensuelle de non-logement de 900 000 FCFA alors qu’il est déjà logé dans une maison louée à deux millions par mois par l’ART. C’est le contrôleur financier spécialisé auprès de l’ART qui, dans son rapport, a posé sur la table du conseil d’administration au cours de la session du 9 septembre 2019 consacrée à l’analyse des comptes les problèmes liés au traitement salarial du DG. Avant la saisine du conseil d’administration, souffle une source interne, le contrôleur financier a attiré l’attention de Philémon Zo’o Zame sur ces irrégularités à travers plusieurs correspondances restées sans suite. Les dénonciations les plus graves sont liées à l’exigence ou à la perception des rétro-commissions. C’est le cas sur le marché avec Huawei relatif aux télécommunications d’urgence. Le ministère des Postes et Télécommunications a signé avec l’entreprise chinoise ZTE un marché pour la mise en place d’un réseau de télécommunications satellitaires afin de permettre le maintien des échanges téléphoniques en cas de catastrophe naturelle. « Malgré le marché sus évoqué et aucune inscription dans le budget 2019 de l’ART d’une ligne relatif à ce marché, le DG de l’ART a entrepris une procédure pour un marché de déploiement d’un réseau de télécommunications d’urgence à hauteur d’un milliard avec l’entreprise chinoise Huawei ayant pratiquement les mêmes objectifs que celui signé par la tutelle et en cours d’exécution », révèle la dénonciation adressée au TCS. Le document précise que le « DG a sollicité et obtenu l’autorisation de passation par gré à gré auprès du Minmap en fournissant des informations erronées à l’instar de la disponibilité financière. Ce marché très avancé est inscrit dans le projet de budget 2020 de l’ART avec un autre intitulé différent de celui ayant eu l’accord du gré à gré du Minmap ». Pour cette prestation, enfonce le document, « le DG a déjà perçu près de 200 millions de rétro-commissions ». Les accusations sur le versement des rétros commissions concernent aussi la location des immeubles, et principalement l’immeuble abritant l’ART. L ’on apprend qu’au lendemain de sa nomination, « le DG a décidé de quitter précipitamment, sans respect des clauses contractuelles, l’immeuble-siège de la nouvelle route Bastos qui a d’ailleurs une procédure pendante devant les tribunaux et dont le loyer annuel est de 300 000 000 FCFA vers son nouvel immeuble-siège à Bastos pour un loyer de 540 000 000 où le DG perçoit 90 000 000 FCFA par an auprès du propriétaire des lieux ». Interpellation du TCS Bien que se gardant de fournir plus de détails, le document invite le TCS à ouvrir une enquête sur la procédure ayant conduit à la signature du marché additif de l’immeuble-siège de l’ART en construction face hôtel Hilton de Yaoundé. Tout comme il est suggéré à cette juridiction de fouiner dans la procédure des marchés gérés par la commission interne de passation. Les dénonciateurs retiennent trois cas de figure : un délai très court entre l’attribution et la notification du DG signifie que les entreprises ont versé des rétro-commissions, ce délai est très long pour les entreprises ayant d’abord résisté avant de consentir à négocier et celles qui refusent de verser les rétro-commissions ne sont jamais notifiées. Le refus de verser les rétro-commissions serait aussi à l’origine de la clôture du compte ouvert dans les livres de la Standard Chartered Bank, présentée comme l’une des banques les plus crédibles du Cameroun au profit des établissements bancaires tels UBA, Ecobank ou Banque Atlantique. A cause de ces choix imposés par une motivation autre que la fiabilité de la banque, NFC Bank détient illégalement depuis plus de cinq ans plus de six milliards de FCFA appartenant à l’ART. Encore que l’ART n’a pas le droit de détenir un compte dans une banque commerciale, au regard de la loi du 12 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques. C’est ce qui motive la correspondance adressée le 3 octobre 2019 par le ministre des Finances (Minfi) au DG de l’ART. Louis Paul Motaze écrit : « Toutes les entités publiques éligibles au Compte unique du Trésor sont appelées à clôturer dans les meilleurs délais leurs comptes dans les banques commerciales pour reverser les soldes dans ledit compte, ouvert dans les livres de la Banque centrale ». En tenant compte des spécificités de l’ART, le Minfi a même ouvert un sous-compte du Compte unique du Trésor dédié exclusivement à ses opérations. Mais le 5 novembre 2019, le délégué régional de l’ART pour le Littoral, l’Ouest, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest écrivait encore au directeur général de MTN Cameroon : « En application des hautes instructions verbales reçues ce jour (…) du directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications, j’ai l’honneur de vous informer que les paiements de vos factures devront dorénavant être effectués à notre compte bancaire Ecobank… ».


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