Cameroun - guinée équatoriale : la fraternité emmurée

En séjour à Yaoundé, le ministre équato-guinéen de la Défense magnifie la profondeur des liens historiques et culturels entre les deux pays. Faisant fi de la construction d’un mur à la frontière commune ou des multiples exactions que subissent au quotidien les Camerounais dans ce pays. La réunion de concertation entre les ministres de la Défense du Cameroun et de la Guinée équatoriale s’est achevée le 30 juin, après trois jours de travaux. Initialement, d’après le communiqué publié le 28 juin 2020 par le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense (Mindef), Joseph Beti Assomo, cette rencontre instruite par les deux chefs d’Etat devait porter « essentiellement sur les modalités de collaboration et d’actions sécuritaires communes à la frontière entre les deux pays ». L’importance de la question, ou plutôt des frictions nourries par la Guinée équatoriale, a dû plaider pour un aménagement de l’agenda. Initialement, celui annonçait une réunion à huis clos des experts, une réunion à huis clos des chefs d’Etat-major des armées des deux pays avant la concertation entre les deux ministres de la Défense. Lundi 29 juin, le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, entouré pour la circonstance notamment du Mindef et du Minât, a reçu en audience le chef de la délégation équato-guinéenne Leandro Bekale Nkogo, ministre de la Défense. « Je puis vous dire que je me sens comme chez moi », a déclaré le chef de la délégation équato-guinéenne à l’issue de cette audience. Le même, au sortir de la concertation avec son homologue camerounais, a magnifié les liens supposé-ment ténus entre les deux pays : « Les Camerounais et les Equato-guinéens forment une même famille, avec un même combat ». Leandro Bekale Nkogo, tout en soutenant que la Guinée équatoriale milite ardemment pour la préservation « des excellentes relations historiques et culturelles » avec le Cameroun, veut faire croire que ce sont des ennemis communs qui manœuvrent pour que les deux pays se déchirent. Agissements équato-guinéens Pour qui connait les agissements du pouvoir équato-guinéen depuis le premier jour de l’exploitation pétrolière, il s’agit-là d’un discours diplomatique, c’est-à-dire qui se nourrit de la langue de bois teintée d’hypocrisie. Tant dès ce jour-là les Camerounais, parmi lesquels se recrutent évidemment des brebis galeuses, sont victimes de toutes les exactions au pays de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Des exemples sont légion, des compatriotes honnêtes qui, pour un rien, ont un matin été dépossédés de tous leurs biens acquis après des années de dur labeur. Les uns ont, sans raison, été reconduits à la frontière dans des conditions inhumaines. D’autres ont subi des mutilations quand ils ont eu la chance de rester en vie. Et tout cela au vu et au su parfois avec le concours des autorités. La Guinée équatoriale ne se contente plus de maltraiter les Camerounais présents sur son territoire. Elle n’hésite plus désormais à défier les autorités de Yaoundé. On se rappelle que Joseph Beti Assomo, et son collègue de l’Administration territoriale (Minât), Paul Atanga Nji, ont effectué, du 2 au 3 avril 2020, une visite de travail à Kyé-Ossi, ville située à la frontière avec le Gabon et la Guinée équatoriale. D’après le service de communication du Mindef, cette descente sur le terrain avait été prescrite par le président de la République en vue de tirer au clair les velléités expansionnistes du pays de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo marquées par des incidents à la frontière avec le Cameroun. Par exemple, en 2019, de manière unilatérale la Guinée équatoriale a lancé la construction d’un mur à la frontière commune qui, soutient-on au Minât, « a violé l’intégrité territoriale du Cameroun ». Au mépris de la promesse faite à Yaoundé d’arrêter ce chantier, Malabo a ensuite initié l’érection de trois miradors le long de la frontière. « La construction de ces miradors ne tient pas compte du tracé de la frontière. Comme si les autorités équato-guinéennes voulaient absolument provoquer un incident avec notre pays », susurre une source sécuritaire. Erection d’un mur entre peuples En plus d’ériger les constructions à la frontière entre les deux pays, l’armée équato-guinéenne fait régulièrement des incursions dans notre territoire. Tous ces incidents ont poussé les autorités camerounaises à renforcer notre dispositif militaire sur le tracé de cette infrastructure. Pourtant, la Guinée équatoriale a toujours bénéficié de la bienveillance du Cameroun. En décembre 2017 par exemple, nos forces de défense et de sécurité ont mené une opération couronnée par la saisie d’un stock important d’armes devant servir dans le cadre d’une attaque contre ce voisin. Leandro Bekale Nkogo veut faire croire que les incidents sont survenus à la frontière « parce qu’il n’y avait pas un cadre de coopération, bien que nous soyons frères ». Pour convaincre, il précise : « Notre mission au Cameroun consiste à œuvrer à la mise en place d’un cadre visant à renforcer la coopération et la collaboration entre l’armée de Guinée équatoriale et celle du Cameroun ». Il s’agit aujourd’hui, plus qu’hier, soutient le ministre équato-guinéen de la Défense, de « permettre à nos populations d’être plus solidaires ». Mais le chef de la délégation équato-guinéenne à la concertation de Yaoundé semble perdre de vue que son discours ne peut plus amadouer les Camerounais. On ne peut pas prôner une plus grande solidarité ou un renforcement de la fraternité en érigeant un mur entre deux peuples pourtant liés par le sang, l’histoire et la culture.


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