Alternance : la conquête du pouvoir prend une coloration ethnique

Le multipartisme politique fondé sur des bases ethno-tribales ou claniques, édulcore dangereusement les conditions de la passation de pouvoir au sommet de l’État. Le dépositaire du pouvoir exécutif est unique dans chaque pays du monde quel que soit le processus qui accompagne son accession à la magistrature suprême. Suffrages directs ou indirects, le chef de l’État cesse d’être le rempart d’une région ou le défenseur d’une tribu quand il reçoit la majorité des suffrages valablement exprimés pour défendre l’intérêt général. Si ce principe sacro-saint est respecté dans certains continents, il est déplorable de constater qu’en Afrique en général et au Cameroun en particulier, s’identifier à la tribu ou à la région du chef de l’État, confère des avantages dans la distribution des cartes ou du fameux «gâteau national». Même si dans le cas du Cameroun, cette tendance au repli identitaire n’est théoriquement pas encouragée par le régime qui prône l’intégration nationale et la planification économique, certains Camerounais continuent de croire, en s’arc-boutant sur le passé, qu’on ne peut être servi que lorsqu’un originaire de la région ou de la tribu élue avec pour exemple la cité de Garoua dont le gros d’investissement date du premier régime. Les séquelles des premières années d’après l’indépendance, ont de la peine à disparaître. Ce qui empoisonne l’arène politique quand il faut évoquer la succeSsion’au chef de l’État actuel. La politisation violente de l’ethnicité s’exprime avec horreur depuis l’interminable contestation postélectorale portée par le Mrc du Pr. Maurice Kamto, candidat malheureux à la présidentielle d’Octobre 2018. Sur les réseaux sociaux, on cultive la délation, l’insulte, l’invective, la haine tribale, les quolibets et autres formules stéréotypées aux-relents génocidaires et pyromanes à l’effet de prêter le flanc à l’incivisme, et à l’antipatriotisme où le pestilentiel débat ethnique bat pavillon haut. Les spéculations autour des hommes qui pourraient, en renforçant l’unité et la stabilité du pays répondre aux agressions de la majorité des citoyens, tournent généralement aux chaudes empoignades verbales sur fond de stigmatisation tribale. La croisade actuelle menée par la Commission Musonge contre les discours haineux n’est que l’arbre qui cache la forêt. Le ver est véritablement dans le fruit. Si des attaques multiformes contre les proches collaborateurs de Paul Biya se font virulences à travers des médias manipulés par les lobbies tribaux et des camerounais de la diaspora, c’est parce que chaque région, chaque tribu aimerait que le prochain locataire d’Etoudi sorte de son giron. Dans ce jeu trouble que des élites des différentes régions et tribus se livrent, on a l’impression que l’unité du pays dont tout le monde claironne à tout va ne pourrait avoir une signification que lorsque le fauteuil présidentiel reviendrait au fils du coin. Pourtant l’exemple venant bien d’en haut, les collaborateurs proches du chef de l’Etat ne sont pas de Mvomeka’a, du Dja et Lobo ou de la région du Sud. Les derniers textes de nomination à la Présidence de la République en disent long. Alors que les originaires du grand Nord veulent par tous les moyens un retour d’ascenseur pour « récupérer leur pouvoir », les Bamiléké que l’on disait plus préoccupés par leurs intérêts économiques s’activent avec le phénomène Maurice Kamto à la bataille de la conquête du pouvoir suprême. D’autres régions à l’instar de celle de l’Est dont une élite a prédit, il y a pas mal de temps que le soleil se lèvera à l’Est si tel n’était pas le cas actuellement, les fils de ladite région ne veulent pas assister en spectateurs dans cette lutte de conquête pour le palais de l’Unité qui fait rage entre les sudistes, les nordistes, les bamilékés et leurs cousins anglophones. Tous les coups semblent donc permis et ce, sous la ceinture dans cette guerre de positionnement. Et dire que Paul Biya n’a pas dit son dernier mot… La question lancinante et renversante qu’une large opinion se pose est de savoir : si certains veulent le pouvoir pour eux et leur tribu ou pour garantir les intérêts de tous les Camerounais en améliorant les conditions de vie des populations. Voilà ce que le peuple attend. Du dépositaire de la fonction présidentielle.


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