Ce vendredi 20 mai marquera le 50e anniversaire de la fin du système à deux États : le Cameroun occidental et le Cameroun oriental. L’année 1972 est donc celle de la naissance de la République Unie du Cameroun. Une date à résonance particulière dans la partie anglophone du pays, ravagée par des affrontements entre le pouvoir central et des groupes séparatistes. A Bamenda, la capitale du nord-ouest, l’ambiance est pesante. Dans la rue l’armée s’est préparée ce jour avec des défilés† Pourtant, après des années de guerre, l’ambiance n’est pas à la fête.Pour John, un retraité de 74 ans, l’unité camerounaise n’existe plus : » Le président Biya a déclaré la guerre aux anglophones. Il tue nos enfants, brûle nos maisons. Il n’y a pas de retour en arrière. La crise ne sera résolue qu’avec l’indépendance des régions anglophones† † Lundi, un groupe séparatiste a imposé cinq jours morts dans la ville dans les régions anglophones† Les rues de Bamenda sont donc désertes. Les séparatistes menaçaient de mort ceux qui s’aventuraient. Hanson, commerçant de 33 ans, appelle au dialogue : Nous sommes en guerre. Bamenda est une ville fantôme. On ne voit pas ça à Douala ou Yaoundé. Nous avons tellement de documents officiels rédigés uniquement en français, des fonctionnaires, des militaires, des policiers qui ne connaissent pas l’anglais. Vous n’avez pas nécessairement besoin d’un divorce. Il faut engager un dialogue et trouver un système accepté par tous† Beaucoup ont fui la région, comme le Dr. Nick Ngwanyam, qui vit désormais à Douala. Modéré, il ne veut pas divorcer : La nation doit rester unie en tant que famille, mais chez vous, vous ne pouvez pas avoir d’unité sans amour, sans confiance, sans respect. Vous ne pouvez pas rassembler les gens en les battant. Le pouvoir tente d’instrumentaliser la situation et de dresser les deux groupes l’un contre l’autre. C’est la cupidité qui a tout gâché. Les forces armées sont déployées à grande échelle depuis plusieurs jours et promettent une journée sous haute surveillance à Bamenda. • Cameroun : l’Union camerounaise est-elle un échec ? † 20 mai 1972 – 20 mai 2022, cela fera cinquante ans que le Cameroun a célébré son unité. La journée est célébrée chaque année comme une fête nationale, pour accroître la réunification entre le Cameroun anglophone et le Cameroun francophone. Mais depuis cinq ans, cette journée, qui devait unir la nation autour de cet idéal d’unité, est devenue un point de tension et de cristallisation des différences entre anglophones et francophones. Avec notre correspondant à Yaoundé† Polycarpe Essomba Unité : l’obsession camerounaise. Ainsi pourrait-on résumer la recherche de cet idéal dans ce pays niché au cœur de l’Afrique centrale. Le sujet était d’actualité bien avant l’indépendance, soutenu par les nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) avec Ruben Um Nyobe en figure de proue. Pour ces derniers, d’ailleurs, cette question prenait le pas sur une autre tout aussi essentielle, celle de l’indépendance. Il faut dire qu’après la Première Guerre mondiale, le Cameroun, jusque-là sous colonisation allemande, est passé sous double contrôle français et anglais, divisé en deux grands blocs linguistiques et d’influences culturelles : l’Est Cameroun sous domination française d’une part, et le Sud Cameroun sous domination britannique. contrôle. . Le désir de retrouvailles entre fratries de ces deux blocs va finalement se concrétiser en octobre 1961, soit un peu moins d’un an après l’indépendance. Cette possibilité sera renforcée le 20 mai 1972 après un référendum qui fait passer le pays d’un État fédéral à la République Unie du Cameroun. Et pour rendre ce résultat encore plus grand, cette date a été fixée comme fête nationale. Une célébration du cinquantenaire qui a, paradoxalement, vécu avec un irrédentisme alimenté par des sentiments de marginalisation portés par une partie de l’opinion anglophone. En effet, l’élite anglophone n’a jamais manqué de grincer des dents. Réduite à des rôles subalternes dans la répartition des postes de pouvoir et dans la gouvernance de l’État naissant, dit-elle. Les anglophones, les minorités et les représentants d’environ 20% de la population du pays n’ont depuis cessé de critiquer ce qu’ils considèrent comme un processus d’assimilation voire de francophonisation intégrale du Cameroun. Le résultat aujourd’hui est l’éruption brutale de la crise dite anglophone en 2016, avec bien plus qu’une volonté d’indépendance et un conflit armé hautement suspect autour de l’idéal unitaire.
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