[NOSO]les tueries contre les Mbororos se poursuivent

Ils sont les plus vulnérables parce que leurs campements sont situés dans les zones reculées, où les séparatistes ont installé leurs camps… Selon des activistes Mbororos, 300 personnes ont été tuées. On compte aussi plus de 15 000 déplacés, dont 3755 enfants, et plus de 200 millions de francs Cfa collectés en rançon, plus de 3000 bovins saisis et environ 500 maisons incendiées par les séparatistes. Il est 11 heures 35 minutes, ce mercredi 13 avril 2022. Arme au poing, deux soldats de l’armée Camerounaise, vêtues de tee-shirts noirs et pantalons de sport, traversent le marché de Menfoung, localité frontalière à Bafanji, un village du département du Ngo-Ketunjia, la région Nord-ouest secouée par des affrontements armés entre les forces gouvernementales camerounaises et les groupes séparatistes appelés « Ambaboy ». « Un camp militaire a été installé ici à Menfoung pour empêcher les groupes séparatistes armés de venir perpétrer leurs exactions dans la région de l’Ouest. Nous sommes complices avec tous les éléments en faction dans ce camp. Ils ont mis, à plusieurs reprises, les groupes séparatistes armés en déroute. Ils sécurisent notre village », explique B.S, le conducteur de moto qui nous sert de guide. Il n’est pas le seul à témoigner en faveur de l’armée camerounaise. « J’ai fui avec mes 3 femmes et mes 24 enfants » De nombreux déplacés, notamment des chefs de famille Mbororos et leurs membres, se félicitent des efforts déployés par les soldats gouvernementaux en vue d’assurer la sécurité des personnes et des biens. «Mon campement à Ndop a été incendié. Plus de 30 bœufs de mon cheptel ont été tués. Mes jeunes garçons étaient menacés d’enrôlement forcé au sein des groupes séparatistes. Mes trois épouses et mes filles étaient des proies faciles pour les violeurs. J’ai vécu des atrocités. J’ai été persécuté. J’ai dû quitter Ndop avec toutes mes femmes, mes 24 enfants et tous mes biens. Je me sens en sécurité ici à Menfoung dans l’arrondissement de Galim. J’ai des difficultés à joindre les deux bouts. La seule assistance reçue des autorités Camerounaise depuis quatre ans que je séjourne ici à Galim en qualité de déplacé interne de la crise anglophone a été un matelas et un sac de 25 kilogrammes de riz, pour ma grande famille », déclare Aladji M. Ce dignitaire Mbororo et tous les autres membres de sa famille souffrent, au quotidien, pour se nourrir, se vêtir, se scolariser, se soigner ou avoir accès à l’eau potable. Seulement, ils préfèrent cette situation précaire aux crépitements des balles et diverses exactions… Loin de l’horreur, ils essayent de reconstruire leur vie, doucement. Ce qui n’est pas le cas pour les nombreuses familles Mbororos, restées en zone de conflit dans la région du Nord-Ouest. « Impossible de passer la nuit au campement » Selon Saibou, Mbororo originaire de Kambé dans le département de Ndonga-Mantung, région du Nord-Ouest, et transporteur routier sur la route de Douala-Loum, trois jeunes Mbororos ont été abattus le mardi 29 mars à Ndu dans la région du Nord par des présumés séparatistes armés. « Ils sont arrivés dans le village dans l’intention de voler les bêtes. Le comité d’autodéfense a riposté. Trois jeunes Mbororos ont été tués par coups de feu », explique notre source. « Nous les jeunes Mbororos, nous sommes en insécurité depuis que cette crise a commencé. Nous ne partageons pas, en majorité, l’option sécessionniste. Nous sommes étiquetés par les membres des groupes séparatistes armés comme des miliciens au service du régime de Yaoundé. Lorsque je me rends au village, il est impossible de passer la nuit au campement où sont nés mes grands-parents et mes parents. Nous sommes en insécurité », soutient-il. Des organisations de défense des droits humains, à l’exemple du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale(Redhac), accusent les séparatistes de tuer les populations Mbororos au Nord-Ouest. Le choix ciblé de s’en prendre à cette ethnie a plusieurs raisons : les Mbororos sont soupçonnés de soutenir le gouvernement, ils sont riches en bétail, les différends fonciers sont nombreux avec eux, ils sont les plus vulnérables parce que situés dans les zones reculées où les séparatistes ont installé leurs camps. Contacté par Journalistes en Afrique pour le développement (Jade), Mama Fogam, juriste basé à Galim, estime simplement que le droit doit prévaloir. Car depuis le déclenchement de ce conflit, tous les protagonistes semblent ignorer l’article du pacte international sur les droits civiques et politiques. Ce texte dispose : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. » Prenant l’exemple de l’arrondissement de Nwa, situé le long de la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, et particulièrement touché par les récentes violences, le juriste affirme que : « l’Etat du Cameroun n’a rien fait pour assurer, en zone de conflit armé, la protection et la sécurité des Mbororos, considérés comme un peuple nomade, parce qu’il semble avoir été pris pour cible par les séparatistes. Les autorités camerounaises doivent assumer leur responsabilité et protéger toute la population sans discrimination. Elles doivent donner le feu vert à la mission d’établissement des faits que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples appelle de ses vœux. » L’horreur s’amplifie au fil des jours Conseiller municipal à la commune de Galim, Issa G., souligne a contrario que l’Etat a renforcé les mesures sécuritaires au bénéfice de toutes les populations. « Nous avons accueilli les familles des déplacés dans nos campements. Elles ont été logées, nourries et soignées. Au niveau de la commune, il y a un service des affaires sociales qui prend cette question au sérieux. Elle préoccupe le maire », dit-il. Cependant l’horreur persiste et s’amplifie au fil des jours. Selon Amnesty International qui a publié le mercredi 28 juillet 2021 un rapport qui reste d’actualité, « entre le 22 et le 26 février 2021, au moins 4 200 personnes ont été déplacées de sept villages de Nwa, à la suite d’attaques menées par des comités de vigilance fulanis, qui ont coûté la vie à au moins huit personnes ». Selon le Centre pour les droits humains et la démocratie en Afrique (CHRDA), une organisation pilotée par Me Agbor Bala Nkongho, les bergers fulanis (peuls) « ont mené plus d’une dizaine de raids contre les habitants des villages de Nwa en moins d’un mois». Les images satellite analysées par Amnesty International montrent qu’au moins quatre villages ont été détruits ou incendiés à Nwa en février 2021. On ignore si les comités de vigilance fulanis ont attaqué les villages ou si ces destructions sont dues aux affrontements avec les groupes armés séparatistes, mais les images laissent supposer que les destructions sont plutôt récentes. Selon des chiffres non officiels que des groupes Mbororos ont envoyés à Amnesty International, faute de données officielles émanant des autorités, depuis 2017, dans les sept départements de la région du Nord-Ouest: * 162 Mbororos ont été tués * Environ 300 habitations ont été incendiées * 2 500 têtes de bétail ont été tuées ou capturées * 102 personnes ont été enlevées, donnant lieu au versement de presque 200 millions de francs Cfa de rançon. Un chef traditionnel Mbororo dans l’arrondissement de Nwa a déclaré à Amnesty International: « Les séparatistes armés sont venus m’attaquer à six reprises. Ils ont détruit mon campement, incendié les maisons de mon frère. Sept personnes ont été tuées dans mon campement. Ils les ont regroupées dans une maison, ont tout fermé et ont mis le feu.» Selon Amnesty International, le 19 février 2020, une chaîne de télévision sur Internet appartenant à un groupe séparatiste anglophone a relayé l’appel d’un intervenant, qui a déclaré :«Ces gens [les Mbororos] sont des immigrants et il semble que leur temps soit révolu […] Plus tôt ils partiront, mieux ce sera […] Ou ils paieront le prix comme tout autre citoyen de La République qui habite le Cameroun méridionnal […] Tous autant qu’ils sont, s’ils ne veulent pas partir, ils mourront.» Une menace à prendre au sérieux ? Ce qui imposerait une réaction collective plus musclée.


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