Le défi de la scolarisation des jeunes déplacés

Dès la rentrée scolaire en septembre, Kelsy Shinyuy, 10 ans, va fréquenter le groupe scolaire bilingue Saint-Joseph dans la ville camerounaise de Foumban (ouest), loin de sa ville natale. Depuis trois ans, la jeune fille n’a pas mis le pied dans une salle de classe. A Kumbo, où Shinyuy est née, les séparatistes armés ont fait fermer les écoles pour protester contre le pouvoir central. Ils cherchent à créer un Etat indépendant regroupant les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. « J’entendais des coups de feu tout le temps. Il fallait courir se cacher et parfois, on voyait des corps joncher les rues », a-t-elle raconté à Xinhua. « J’étais très triste de ne pas pouvoir aller à l’école ». Fin août, Shinyuy et sa famille ont dû quitter Kumbo pour trouver refuge chez une proche à Foumban, chef-lieu du département du Noun dans la partie francophone du Cameroun. Fuyant les combats, sa mère n’a pu rassembler que quelque moyens à peine suffisants pour envoyer l’aînée de ses enfants à l’école, après trois ans de rupture d’études. « Je suis très triste pour mon amie Therese qui n’a pas pu quitter Kumbo avec ses parents. Elle ne partira pas à l’école pour la quatrième année consécutive », a dit Shinyuy. « Tous les enfants (là-bas) veulent aller à l’école ». L’histoire de Shinyuy est loin d’être un cas isolé. D’après un rapport de l’Unicef publié en août, la crise sécuritaire a entraîné la fermeture de plus de 4.400 écoles en zone anglophone du Cameroun, plus de 600.000 enfants étant été ainsi privés de scolarité. Quelque 530.000 habitants ont fui leur foyer, selon les Nations Unies. Beaucoup d’entre eux sont des enfants qui cherchent à s’inscrire dans les écoles de villes d’accueil. Afin de répondre à cette demande qui se fait de plus en plus pressante, le ministère de l’Enseignement secondaire vient d’ordonner l’accès sans aucune condition des déplacés dans les lycées et collèges. Du côté des autorités locales, le sous-préfet de Foumban, Michael Nkenemo Atteh, a assuré que des ressources ont été mobilisées pour trouver des places dans les établissements à tous les enfants déplacés arrivés en ville. A la date du 31 août, le nombre des déplacés dans le Noun est de 38.940, un chiffre qui a connu une augmentation majeure par rapport à l’année dernière, a indiqué Ibrahim Pouamoun, secrétaire départemental de la Croix-Rouge du Noun. L’an dernier, la Croix-Rouge avait facilité l’inscription scolaire de quelque 7.000 enfants déplacés dans le Noun. Les élites locales agissent aussi. Dans l’accompagnement des déplacés, les personnalités du royaume Bamoun, une importante chefferie traditionnelle du Noun, ont offert des fournitures scolaires. Pour assurer aux déplacés un revenu durable, le sultan roi Ibrahim Mbombo Njoya a mis à leur disposition 600 hectares de terrain, a fait savoir Inoussa Ngoupayou, son premier adjoint. Au groupe scolaire bilingue Saint-Joseph de Foumban, un mécanisme de suivi psychosocial a été mis en place en faveur de l’insertion des élèves déplacés. « Nous bâtissons l’homme, mais aussi le cœur, donc par ricochet les sentiments des enfants que nous accompagnons », explique sa directrice, Carolina Yaah. A l’issue de trois années blanches, Shinyuy devrait passer un test de niveau avant de reprendre les cours. Malgré le retard, elle reste optimiste et promet de poursuivre son rêve de devenir médecin pour sauver les vies.


ARTICLE PRÉCÉDENT ARTICLE SUIVANT

Ajouter un commentaire

Vous devez vous connecter pour ajouter un commentaire.

Commentaires