Timothy Fonyuy Kiven, chargé d’information publique au Bureau de la coordination des affaires humanitaires au Cameroun pour les Nations Unies fait le point sur la situation humanitaire des crises qui secouent le pays. Vous avez organisé pendant quatre jours (du 15 au 18 octobre 2019), un séminaire de formation afin d’outiller les journalistes camerounais sur le reportage humanitaire, face aux multiples crises et conflits que traverse le pays. Qu’est ce qui a suscité cette formation ? Nous savons tous que le Cameroui fait face à plusieurs crises : la crise humanitaire dans l’Extrême Nord, le flux des réfugiés dans la région de l’Est et la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qui affecte également les régions du Littoral et de l’Ouest, à cause notamment des mouvements des personnes. Nous avons constaté que la crise humanitaire au Cameroun est tellement mal financée. C’est la crise humanitaire qui a le moins de financements et de ressources en Afrique. Cela est due au fait que cette crise n’est pas bien connue, autant en Afrique que dans le monde entier. Il y a beaucoup d’autres crises qui ont une ampleur bien moindre que celles du Cameroun, mais, qui sont beaucoup plus connues et ont par conséquent, beaucoup plus de ressources. C’est pourquoi nous avons penser qu’il fallait faire davantage de reportages sur la crise humanitaire au Cameroun afin de permettre à nos partenaires, autant les bailleurs de fonds que les partenaires internationaux, de comprendre qu’il y a un réel besoin sur le terrain de ces crises au Cameroun et qu’il y a nécessité de faire quelque chose pour venir en aide aux personnes victimes de cette crise et qui ont besoin d’accompagnement. Vous affirmez que la crise humanitaire au Cameroun n’est pas bien financée. Quels sont les éléments qui entrent dans la prise en compte des conditions pour le financement d’une crise ? Il y a un certain nombre de facteurs qui sont pris en compte. Tenez par exemple : lorsqu’un nombre élevé de personnes ont besoin d’assistance humanitaire, cela montre qu’ils ont besoin d’une attention particulière. Il y a également l’accessibilité à ces populations qui va entrer dans la mobilisation des fonds pour l’aide à ces populations. Dans le cadre d’un conflit ou d’une catastrophe naturelle, l’accessibilité aux personnes touchées est importante pour venir en aide à ces victimes au cas où il y a des ressources. Mais, même s’il y a un certain nombre d’acteurs qui n’ont pas accès à ces populations, des acteurs humanitaires locaux eux, ont accès à ces populations et peuvent venir à leur secours. Donc, pour parvenir à apporter de l’aide à ces populations victimes, il faut qu’on puisse avoir accès à elles, et c’est très important. Quelles sont les raisons qui ont emmené les Nations unies à envoyer une mission humanitaire au Cameroun ? Chaque fois qu’il y a des personnes dans le besoin, que ce soit une situation de catastrophe naturelle ou de crise ou de conflit armée, on ne peut pas rester insensible aux souffrances des populations. C’est pourquoi les Nations Unies et tous les acteurs humanitaires sont au Cameroun. C’est pour aider les personnes dans le besoin. Les acteurs humanitaires sont obligés de répondre à toutes ces souffrances des populations, parfois aux côtés du gouvernement pour s’assurer que les personnes dans le besoin sont prises en compte. Quel bilan pouvez-vous dresser de votre présence sur le théâtre des crises? C’est difficile de dresser un bilan lorsqu’il y a des gens dans le besoin. Nous avons pu avoir accès à un certain nombre de personnes, mais, beaucoup sont encore dans le besoin et n’ont pas encore été touchées par cette assistance humanitaire. Combien avez-vous déjà dépensé dans le cadre de cette assistance humanitaire ? A travers le pays, plus de 4,3 millions de personnes ont besoin d’assistance. En termes de besoins humanitaires, le plan de riposte humanitaire a besoin de 299 millions de Dollars (environ 149, 5 milliards Fcfa) pour venir en aide aux plus vulnérables. Mais, le Cameroun a reçu jusqu’au mois d’août, à peu près 66 milliards Fcfa. Ce qui est largement insuffisant pour les besoins humanitaires en l’état actuel. Et lorsqu’on dit que la crise humanitaire au Cameroun est financée à hauteur de 22%, cela revient à dire que c’est la crise la moins financée en Afrique. Donc, on n’a même pas le quart des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins des personnes en situation de détresse ou des personnes affectées par ces différentes crises que traverse le Cameroun. La situation humanitaire du Cameroun est également gravement sous-estimée, tant au niveau local qu’international et certaines organisations l’ont décrites comme une crise « oubliée » ou « négligée ». L’une des choses dont ont besoin les victimes c’est la reconstruction. Qu’est ce qui est fait par les Nations Unies dans ce sens là ? Nous parlons de l’humanitaire. Et il est difficile de dire que l’humanitaire va apporter des solutions à la crise. Non. L’humanitaire apporte une assistance temporaire afin de permettre aux personnes touchées par une crise, un conflit ou une catastrophe naturelle, d’avoir un moyen de subsistance en attendant que la situation qu’elles traversent ne soient décantées. On ne peut pas commencer à parler de mesures de reconstruction à ce stade puisqu’il y a encore des centaines de milliers de personnes qui sont dans les besoins. Tant qu’on ne peut pas encore subvenir aux besoins de ces personnes, on ne peut parler de reconstruction. Il y a des mesures de subsistance qui visent des communautés qui apportent des soutiens aux personnes déplacées. Mais, on ne peut pas encore parler de la reconstruction. Quels rôles doivent jouer les médias classiques et les réseaux sociaux pour aider à la résolution de cette crise au Cameroun ? Ces médias doivent informer l’opinion publique nationale et internationale sur les activités des acteurs humanitaires, dans un premier temps. Il faut savoir que l’acteur humanitaire est neutre, impartial et qui agit pour l’humanité, sans aucune distinction. L’acteur humanitaire ne prend pas part au conflit. Il est là pour apporter aide et assistance aux victimes d’un conflit, comme c’est le cas au Cameroun. Il faut également savoir que l’acteur humanitaire ne vient pas résoudre une crise. Il y a des instances étatiques qui ont pour rôle de résoudre la crise de manière pacifique. Ce n’est pas le rôle de l’acteur humanitaire qui est plutôt là pour subvenir aux besoins les plus pressants des populations victimes de cette crise. Et c’est une action temporaire. Cela ne peut jamais être une action permanente. Nous devons le comprendre. Et les journalistes doivent aider l’opinion publique à comprendre cet objectif de l’action humanitaire, de la réponse humanitaire. En le faisant, l’aide humanitaire permet d’éviter une situation humanitaire sur une autre.
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