Écoles sacrifiés :la périlleuse duperie de la sécession

En quatre ans, les séparatistes ambazoniens ont sacrifié toute une génération de jeunes qui ne pourra jamais rattraper son retard. Pendant ce temps, leurs propres enfants sont à l’abri et inscrits dans les meilleures institutions. Quatre jours plus loin, les jeunes élèves des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NO/SO) continuent à traîner les pieds pour prendre le train de l’année scolaire 2020-2021. Si aucun incident majeur n’a été signalé, dans le primaire et là maternelle ce côté du pays depuis lundi, c’est davantage la psychose des attentats sécessionnistes des trois dernières années qui hante les esprits, aussi bien chez les parents, les apprenants que leurs enseignants. La faute a un climat de violence extrême, consécutif à des mots d’ordre d’«école morte», et donc de pays mort, dans ce que les activistes séparatistes considèrent comme «leur» république. Lequel mot d’ordre a conduit à des prises d’otages de petits innocents et de leurs encadreurs, à des brutalités contre ceux ayant enfreint l’interdiction, mais aussi au saccage et à l’incendie des sites, des actions majoritairement attribuées aux Ambazoniens. Les hôpitaux et autres infrastructures de base ont subi la même furie destructrice, de la part de gens ambitionnant de conduire aux destinées d’un pays et d’une population dont ils rêvent d’être les maîtres. Et ça dure depuis octobre 2016, au moins, lorsque les revendications communautaires se sont muées en champ de bataille armée. Et le fait que des sons discordants, entre miliciens séparatistes, se fassent entendre quant à l’opportunité de donner une chance à l’éducation des jeunes du NO/SO, ne constitue en rien une garantie de retour à la normale. Et, même si – rêvons un peu -les choses venaient désormais à se stabiliser, tout au moins au niveau de l’enseignement, du primaire au supérieur en passant par le secondaire, c’est l’avenir de milliers d’innocents qui est désormais sacrifié. Cela fait en effet quatre années d’apprentissage de perdues, qui ne se rattrapent jamais, par rapport à leurs congénères du reste du pays. Y compris pour ceux qui ont été condamnés à l’errance, dans les zones moins troublées du Cameroun. L’école ciblée Selon le Bureau de coordination des Nations Unies (Ocha), six années de lutte armée contre l’extrémisme violent ont laissé un million d’enfants non scolarisés dans le NO/SO mais aussi l’Extrême-Nord. De même, rien qu’au cours des trois dernières années, au moins 70 écoles ont été détruites, des élèves et leurs enseignants enlevés dans les deux premières régions citées. Rien que pour l’année 2019-2020, plus de 4100 écoles primaires et 744 institutions scolaires sont restées non fonctionnelles dans la zone alors que plus de 850.000 enfants, dont près de 150.000 déplacés, n’allaient plus à l’école. «La particularité de ce conflit, résume un rapport de l’institut français des relations internationales (Ifri) paru en juin 2020, est de placer l’école au cœur même de l’affrontement. Alors que la majorité des attaques contre les civils et les incendies de villages est attribuée par tous les observateurs aux forces gouvernementales, les attaques contre les écoles en particulier sont le fait des groupes armés ambazoniens, qui ont décrété un boycott du système éducatif dans le cadre de leur lutte contre le gouvernement et ses institutions.» Rien que dans le primaire, ledit document, a notifié 1427 (75%) écoles fermées dans le Sud-Ouest et 3137 (98%) dans la région voisine. Ici, apprend-on encore, le taux de présence en école primaire publique était de 4%, soit 12.200 élèves parmi les 321.900 attendus en 2019-2020. Dans le secondaire (collèges et lycées), , le réseau d’ONG Southwest/Northwest Women’s Task Force (Snwot) estime que 20% des établissements étaient ouvertes dans le Sud-Ouest et 10% dans le Nord-Ouest. Les écoles, les écoliers et les enseignants sont en première ligne dans ce conflit si bien qu’il n’existe plus d’école publique qui fonctionne dans le NO/SO hors des centres urbains contrôlés par les autorités, indique le rapport de l’Ifri. Crime contre la jeunesse Les analyses de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l’Ocha, s’accordent sur le caractère massif de la déscolarisation consécutive au conflit et sur ses causes. Selon la première institution citée, les principales raisons pour lesquelles quelque 850.000 élèves ne se rendent pas à l’école sont les craintes pour la sécurité des enfants, l’absence d’établissement en état de fonctionnement dans le voisinage, l’incapacité des familles à assurer les frais de scolarité dans des internats éloignés, mais aussi l’occupation des écoles par les combattants des deux parties (forces régulières et milices). Si toute guerre a des règles, les méthodes employées par les sécessionnistes, contre l’école, peuvent être considérées comme un crime contre l’avenir de toute une génération, qu’ils ont décidé de sacrifier sur l’autel d’intérêts égoïstes. En tout cas, pas en cohérence avec l’ambition proclamée d’émancipation de la communauté anglophone. Pendant ce temps, ils sont nombreux, parmi les meneurs du mouvement sécessionniste, ayant réussi à exfiltrer leur propre progéniture, à l’abri hors du Cameroun ou tapie en lieu sûr, à l’intérieur du pays. Loin du chaudron, ils peuvent inscrire lesdits enfants dans les meilleures institutions de formation pendant que ceux des autres sont interdits d’école, traumatisés par le cycle de violences, physiquement ou encore en errance à durée indéterminée. Ils espèrent sans doute, par cette pratique, élever une «élite anglophone» qui viendra, demain, régenter la vie de la génération de cancres que leurs actions violentes, punitives et insensées d’aujourd’hui auront sécrétée.


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