Ayuk tabe promettait des primes à ceux qui tuaient des policiers et militaires (témoignage)
Le Procès des leaders anglophones au Tribunal militaire de Yaoundé a donné lieu lundi à l’audition des témoins du ministère public qui indexent Ayuk Tabe dans l’escalade de la violence en zone anglophone. Il n’y a aucun doute pour l’adjudant-chef Dieudonné Mboutou, l’un des témoins de l’accusation. Julius Ayuk Tabe a joué un rôle primordial dans la flambée des violences dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest à la mi-2017. Il aurait initié un projet de proclamation de l’indépendance de l’ambazonie qui aurait été précédé d’une vague de violence. « L’escalade de la violence a commencé à se ressentir à partir de la désignation de Monsieur Ayuk Tabe comme président de la République virtuelle d’ambazonie. L’apogée de la violence a été instaurée par lui après l’échec de la proclamation de l’indépendance. C’est à ce moment que, d’après les renseignements, les combattants ont commencé à bénéficier d’un financement venant d’Ayuk Tabe », raconte Dieudonné Mboutou. Il se souvient qu’avant cet évènement, les tensions s’étaient exacerbées dans les deux régions concernées autour de la rentrée scolaire de septembre 2017. Les combattants sécessionnistes étaient passés à l’acte, sévissant parmi les forces de sécurité et de défense ainsi que parmi la population civile pour empêcher la reprise des cours. A l’approche du 1er octobre 2017 pourtant, souligne ce témoin, les combattants avaient redoublé d’ardeur. « Nous avons eu le renseignement que les manifestations observées étaient en prélude à la proclamation de l’indépendance de la République virtuelle d’ambazonie. Monsieur Ayuk Tabe devait personnellement se rendre au Cameroun par avion pour installer son pouvoir à Buea. A cet effet, des stocks importants de drapeaux ont été saisis ainsi que des effigies à son nom et des photos. Plusieurs membres des forces de l’ordre ont été blessés, du matériel détruit, la majorité des axes routiers ont été barricadés. Leur objectif final n’ayant pas été atteint, c’est-à-dire la prise de tous les centres de commandements et leur contrôle, la tactique de ces personnes a changé. Les ordres d’Ayuk Tabe sont allés jusqu’à promettre des primes à ceux qui tuaient des éléments des forces de sécurité. Les montants variaient suivant les corps d’appartenance et étaient connus de toutes les populations. La capture d’un membre des forces de sécurité devait être suivie d’une torture jusqu’à la mort. Ces actions visaient à banaliser les forces de sécurité dans toute la zone », raconte le militaire. De nombreux hommes en uniformes ont perdu la vie dans ce contexte raconte l’adjudant-chef Dieudonné Mboutou. Il est lui-même une victime des combattants séparatistes. « J’ai perdu plus de 70% de l’usage de mon bras » Dieudonné Mboutou a été blessé dans une attaque à Kumba le 9 octobre 2017 alors qu’il menait une patrouille commandée par sa hiérarchie. Des hommes en motos s’en sont pris à eux aux environs de 21h. « Nous avons pu nous nous rendre compte qu’il s’agissait de tireurs équipes d’armes de guerre de type Kalachnikov. Après leurs tirs, notre véhicule a été perforé sur toute sa longueur. Nous n’avons enregistré aucun mort mais deux blessés graves dont un maréchal de logis fracturé des deux jambes et moi-même. J’ai écopé d’une fracture au bras droit, toute la chair a été soufflée ainsi que le nerf et la grosse artère. Nous avons été transférés à l’hôpital de de district de Kumba avant d’être interné à l’Hôpital militaire de Douala où nous continuons à recevoir des soins jusqu’à ce jour. Malgré tous les soins reçus, le diagnostic montre que j’ai perdu plus de 70% de l’usage de mon bras droit. Suite à mon attaque, la nouvelle qui est parvenue à mon père dont j’étais le fils unique, l’a conduit dans un comas dont il ne s’est plus jamais ressorti », raconte l’adjudant-chef Dieudonné Mboutou, debout, à quelques mètres de Julius Ayuk Tabe qu’il a formellement identifié.