Dans son rapport annuel 2022, qui vient d’être rendu public, Eneo, le concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun, esquisse un bilan des dommages subis en 5 ans dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, en proie à une crise socio-politique depuis fin 2016. Selon cette entreprise contrôlée par le fonds d’investissement britannique Actis, en raison des revendications séparatistes nées dans ces deux régions anglophones du pays, instaurant un climat d’insécurité et de violence contre les populations et les entreprises, Eneo a cumulé des pertes de 75 milliards de FCFA sur une période de 5 ans.
«?Eneo a maintenu ses opérations dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, en dépit des conditions de sécurité particulièrement dégradées, qui ont mis en péril ses agents, ses équipements, son déploiement et ses finances. Un engagement à poursuivre le service électrique, tout en enregistrant des pertes de l’ordre de 15 milliards de FCFA par an, soit plus de 75 milliards de FCFA d’énergies distribuées non facturées et d’énergies facturées non payés ces 5 dernières années?», révèle l’entreprise dans son rapport 2022.
Cette continuité du service malgré l’insécurité, apprend-on, a été rendue possible grâce au bon état des lignes de distribution et de transformateurs en service, qui, à fin 2022, affichaient un taux de disponibilité de 84% dans la région du Sud-Ouest, contre 80% pour le Nord-Ouest. Cependant, indique l’entreprise, l’état sus-mentionné du réseau de distribution et des transformateurs, au cours de la période sous revue, tranche avec la dégradation d’autres équipements électriques installés dans cette partie du Cameroun.
Équipements vandalisés
«?Les ouvrages hors service (sont) principalement dans les zones rouges. Dans le Sud-Ouest, 50% des infrastructures sont en zones rouges. Dans le Nord-Ouest, ce taux est de 80%. Les ouvrages hors service, pour beaucoup, ont été victimes d’actes de vandalisme ou alors se sont naturellement dégradés. La réhabilitation des ouvrages concernés se fait progressivement, en tenant compte essentiellement des conditions de sécurité. Dans ce cadre, Eneo compose à la fois avec les riverains volontaires et les autorités. Le risque sur les équipes de terrain est permanent. C’est dans ce contexte que des travaux d’extension de réseau (une vingtaine de kilomètres en plus dans le Fako)ou de reconstruction de réseaux détruits ont été menés?», informe le producteur et distributeur de l’électricité.
Née fin 2016 des revendications corporatistes des enseignants et des avocats, qui ont ensuite dégénéré en revendications séparatistes prônant la partition du Cameroun, la crise dite anglophone est un boulet pour les entreprises actives dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Plusieurs d’entre elles ont vu leurs équipements vandalisés, leurs employés enlevés, brutalisés, voire assassinés. Face à ce climat d’insécurité, nombre d’opérateurs économiques ont dû délocaliser leurs activités. Tandis que d’autres, à l’instar de la CDC, unité agro-industrielle publique, 2e employeur du pays après l’administration centrale, ont dû à un moment donné suspendre leurs activités. Avant de les reprendre progressivement, suite à l’accalmie observée sur le terrain.
Selon les estimations du gouvernement, la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun a induit une perte au niveau national de 0,8 point de croissance du Produit intérieur brut (PIB) en 2019 et 0,3 point en 2020. «?Ces pertes de point de croissance correspondent à une perte réelle cumulée sur le PIB, au niveau national, de 421,3 milliards FCFA entre 2017 et 2020?», précise le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie. Paul Tasong s’exprimait ainsi le 23 novembre 2021 devant les députés, lors de la présentation du Plan de reconstruction des régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord. De même, en raison de cette crise, souligne la même source, la valeur des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Nigeria entre 2015 et 2019 est passée de 15,6 milliards de FCFA à 2,9 milliards FCFA, correspondant à une chute de 81%. «?Ces baisses s’observent aussi bien pour les exportations (-68,9%) que pour les importations (-85%)?», précise Paul Tasong.
Source : Investir au cameroun