Le mendiant de la paix et les fauconneries Par Georges Alain Boyomo Une malheureuse parenthèse dans l’histoire féconde de la conquête des libertés au Cameroun vient d’être refermée ou presque, avec la mise en liberté samedi de Mimi Mefo Takambou (29 ans), incarcérée le 7 novembre 2018 à la prison centrale de Douala pour« propagation de fausses nouvelles et outrage aux corps constitués et aux fonctionnaires ». Le rédacteur en chef de langue anglaise d’Equinoxe Télévision payait ainsi le prix, sans doute disproportionné, d’un post controversé sur l’armée camerounaise. L’empressement du commissaire du gouvernement du Tribunal militaire de Douala à mettre la journaliste d’Equinoxe sous mandat de détention provisoire a hérissé le poil à la corporation, mais également à des leaders politiques et de la société civile. A bon droit, car bien que celle-ci a publié une information sans preuve irréfutable, de manière hâtive et incontrôlée, elle s’est ruée quelques heures plus tard pour la rectifier, après le communiqué officiel du ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense. Dans le pire des cas, Mimi Mefo aurait dû donc comparaitre libre. L’histoire récente en relation avec l’armée nous parle. Alors même que le chef de l’Etat prescrivait une enquête après visionnage d’une vidéo montrant des soldats en plein exercice d’exactions sur des civils, le discours officiel a fait croire de la façon la plus solennelle qu’il s’agissait d’officiers maliens. Patatras, des jours plus tard, l’enquête révèle qu’il s’agit de quelques soldats camerounais égarés, en service sur la ligne de front dans l’Extrême-Nord. Le droit de rectification sera alors mobilisé et aucune poursuite ne sera intentée à l’encontre de quiconque. La même mansuétude aurait dû indubitablement s’appliquer à Mimi Mefo, s’il est établi qu’elle a posté une information erronée. Mais des artificiers de la justice sélective et expéditive en ont décidé autrement. Dans leur démarche, ceux-ci ont surtout eu contre eux la conjoncture politique. Ont-ils un seul instant songé que l’ordre de mise en détention préventive de Mimi Mefo (journaliste d’expression anglaise) intervenait au lendemain de la cérémonie de prestation de serment du chef de l’Etat, Paul Biya, réélu pour un mandat de 7 ans ? « C’est le chef de l’Etat, qui, personnellement, a décidé de l’arrêt des poursuites, dans un geste de magnanimité », explique le chef de division de la communication au ministère de la Défense, le Colonel Didier Badjeck. Comme pouvait-il en être autrement ? Plus que jamais mendiant de la paix, ainsi qu’il en a administré la preuve dans son discours d’investiture le 6 novembre dernier, Paul Biya ne pouvait guère s’encombrer d’une boule qui aurait été particulièrement puante pour l’entame de son mandat de« grandes opportunités », qui doit s’ouvrir par des actions d’apaisement et de réconciliation nationale et non par des fauconneries. Au surplus, la presse camerounaise ayant toujours su faire front lorsque les circonstances l’exigent, (....…), il nous semble inconvenant que le pouvoir s’aliène cet allié objectif. L’ordre gouvernant et le contre-pouvoir (la presse) ne sont pas tenus de s’entendre sur tout - l’hypothèse contraire questionnerait en démocratie -, mais ils doivent s’accorder sur l’essentiel : l’avènement d’une République exemplaire et prospère.
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