De l’avis de certains experts, la décision américaine aura un impact marginal au plan économique, mais des conséquences lourdes pour l’image du Cameroun. Invoquant des violations massives des droits de l’homme par le Cameroun, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a notifié le 31 octobre dernier au Cameroun qu’il ne fera plus partie, dès janvier 2020, des pays africains qui bénéficient de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), la loi américaine qui permet aux pays de l’Afrique subsaharienne d’exporter sur le marché américain sans droit de douanes. Si le gouvernement camerounais n’a toujours pas réagi officiellement à cette sanction qui a principalement trait à la guerre que mène l’armée contre les groupes armés sécessionnistes actifs dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, la plupart des analystes qui se sont prononcés sur la question le week-end dernier, ont soutenu que l’impact de cette exclusion sur les exportations du Cameroun vers le marché américain sera marginal. Ils s’appuient notamment sur le volume des biens et services – plutôt faible à leurs yeux – exportés par le pays vers les Etats-Unis. En 2018, ils culminent à 220 millions de dollars, soit environ 130 milliards Fcfa. Dans un communiqué, l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun révèle que seuls 63 millions de dollars (environ 37 milliards Fcfa) de ces exportations l’ont été au titre de l’AGOA, dont plus de 90% sous forme de pétrole brut. L’économiste Ariel Ngnitedem ne partage pas cette lecture plutôt simpliste. Pour lui, la décision du président américain, si elle est mise en application en janvier, aura des conséquences directes et indirectes sur l’économie et l’image du Cameroun. « De façon directe, il y a le rétablissement des frais de douanes pour les produits camerounais exportés vers les Etats-Unis. On perd des économies sur ces frais qu ‘on ne payait plus. Ça ne veut nullement dire qu’on ne va plus faire les affaires avec les Etats-Unis. Le marché américain est le plus grand au monde de par, non seulement la taille, mais aussi par le pouvoir d’achat. On parle là d’un marché de plus de 350 millions de consommateurs avec un pouvoir d’achat conséquent. Beaucoup de pays dans le monde comptent sur ce marché américain pour pouvoir se développer, parce que c’est le commerce international qui contribue au développement des pays, à leur industrialisation », explique-t-il. L’Agoa, rappelle-t-il, a été mise sur pied pour aider les pays africains à se développer. A l’époque, l’administration Clinton avait changé le paradigme de coopération avec le continent. « Au lieu de faire comme l’Europe qui parle d’aide avec un certain nombre de conditionnalités, elle avait pensé qu’il était préférable de baser la coopération sur le commerce : « commerce et non aide ». Le modèle de coopération de l’Europe avec l’Afrique est un modèle infantilisant ou paternaliste. Il fallait donc une relation commerciale gagnant-gagnant. Les conditionnalités ici concernent le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance, mais surtout la mise en œuvre de l’économie dé marché, c’est-à-dire, où l’Etat intervient moins. Donald Trump considère donc aujourd’hui que ces conditionnalités ont été violées par le Cameroun depuis un certain temps ». Terrain glissant De façon indirect, c’est l’image du Cameroun qui en pâtit. « C’est un signal fort que les Américains donnent aux autres partenaires bilatéraux et multilatéraux du Cameroun, à savoir que le Cameroun est un pays où il n’est pas bon de faire les affaires : on n’y respecte pas les droits de l’homme, il y a des tortures, des condamnations extrajudiciaires, etc. Ce qui signifie pour eux qu’au Cameroun, l’Etat de droit n’existe pas. Or, les investisseurs directs étrangers ont besoin de l’Etat de droit qui rassure par rapport à un environnement où ils investissent beaucoup d’argent. C’est à ce niveau que l’image de marque du pays va être affectée », analyse l’économiste. Le Fmi, la Banque mondiale et l’Onu, poursuit-il, « sont des institutions contrôlées par les Etats-Unis. Donc, quand ce pays te montre du doigt, ces institutions regardent ». Economiste lui aussi et homme politique, Bernard Ouandji pense qu’une sanction des Etats-Unis, qu’elle soit « de faible magnitude financière, « vous entraîne sur un terrain glissant, car une suspension peut en cacher une autre ». Pour cet ancien fonctionnaire du système des Nations unies, le message des Américains est clair : « le libéralisme économique va de pair avec les droits de l’homme et la démocratie. Donc, la balle est dans notre camp. Décemment s’est tenu avec succès un dialogue politique au terme duquel les participants se sont accordés sur les termes d’un consensus minimum mais un mois plus tard ces résolutions tardent à se faire implémenter».
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