L'union européenne n'achètera plus le bois camerounais

Le premier client de bois du pays dénonce la mise en place d’un système informatique vicié de gouvernance forestière. L’Union européenne (UE) et l’Allemagne ont annoncé, jeudi, qu’elles ne reconnaissaient pas la version actuelle du Système informatique de gestion des informations forestières de 2ème génération (Sigif 2), lancée le même jour à Yaoundé par le ministère des Forêts et de la Faune (Minfof). Cette nouvelle infrastructure digitale, «pourtant développée sur des financements européens, qu’il conviendra donc de justifier devant les parlements européens» a, selon eux, «été retenue de manière unilatérale» par les services dudit département. Selon les protestataires, la version présentée du Sigif 2 n’est pas l’instrument attendu dans le cadre de l’Accord de partenariat volontaire relatif à l’application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (APV-Flegt). «Par conséquent, les certificats émis par le Sigif 2 ne pourront pas être reconnus ou validés, dans le cadre du Règlement bois de l’Union européenne (RBUE), et encore moins dans le cadre de futures autorisations Flegt, qui permettraient de faire des économies et un accès direct et prioritaire au marché européen. Ces dernières ne pourront donc pas être émises avant qu’un autre instrument ne soit mis en place, ou bien qu’une refonte intégrale de l’outil soit effectuée, sur la base d’une l’étude benchmark conduite avec le Minepat (ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire).» A travers cette précision, les Partenaires européens notifient clairement au Cameroun que son bois, dont c’est le premier débouché dans le monde, ne sera plus le bienvenu jusqu’à nouvel avis. Leur colère découle en effet d’un sentiment de frustration. S’ils rappellent que ledit système, développé au Cameroun depuis 2015, aurait dû être une étape cruciale de la mise en œuvre de l’APV-Flegt, accord international signé il y a 11 ans entre l’UE et le Cameroun, c’est pour mieux constater que «son développement a fait l’objet de divergences importantes entre, d’une part, le Minfof et, d’autre part, l’Union européenne et l’Allemagne». Déloyauté Surtout que l’UE et la coopération allemande (KfW) affirment avoir, ouvertement, exprimé leurs différends tout au long du pro-, cessus de développement et d’évaluation du Sigif 2, tout en offrant leur appui matériel, financier et technique pour faire disparaître ces discordances. C’est, insistent-ils, sur un financement de KfW que le Minfof a contractualisé un prestataire pour un contrat de 14 mois. Un adjudicataire ayant jouit de 34 mois de prolongation en raison des validations compliquées de livrables intermédiaires par la commission de réception. Depuis lors, apprend-on encore, le partenaire financier n’a plus jamais été tenu informé de l’évolution de ce marché. Par conséquent, donc, «la coopération allemande souligne qu’elle n’est plus engagée vis-à-vis de cette activité». Si l’UE et KfW, diplomatiquement, .réaffirment leur commune et ferme détermination à faire aboutir leur engagement envers l’APV-Flegt, dont le but est de mettre fin à l’exploitation forestière illégale et au commerce associé du bois camerounais, c’est bien pour mieux mettre le pays dos au mur. Et démontrer, par là même, la mauvaise foi du gouvernement camerounais, qui sur la question semble avoir usé de déloyauté en tentant de contourner les conditionnalités liées à la conception du nouvel outil digital de gouvernance dans le secteur de l’exploitation forestière. Le même 1er avril pourtant le patron du Minfof, Jules Doret Ndongo, se réjouissait de l’avènement de ce dispositif, présenté comme «la pierre angulaire du système de vérification de la légalité (SLV)». Soulignant que le lancement du Sigif 2 se situe marche dans le cadre des négociations relatives à l’APV conclu avec l’UE, il a bruyamment vanté la vision politique et stratégique du Cameroun pour le sous-secteur forestier, plus que jamais tournée vers la gestion durable des 22,5 millions d’hectares d’actifs écologiques que constitue le patrimoine local. Brouillé avec son principal client, le Cameroun, par ces temps où il a besoin de mobiliser les ressources financières issues de son sol et sous-sol, n’aura d’autre alternative que de faire machine arrière, sous peine – et par un- effet domino – de voir plusieurs de ses programmes avec l’UE compromis. Le pays, rappelle-t-on, a été ces dernières années le premier fournisseur africain des sciages tropicaux à l’UE.


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