Agoa : polémique sur la suspension du cameroun

Selon les analystes, le projet du président américain cache des velléités hégémoniques. Le 31 octobre 2019, Donald Trump saisit le congrès américain : « […] Je vous notifie mon intention de mettre fin à la désignation de la République du Cameroun en tant que pays bénéficiaire de l’Afrique subsaharienne au sens de la loi sur la croissance et les perspectives économiques en Afrique (AGOA). » Le président américain justifie son projet par le fait que «[…] le gouvernement camerounais s’est rendu coupable de violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus, en violation des conditions d’éligibilité énoncées à l’article 104 [de l’AGOA] ». Et Donald Trump d’évoquer « [… ] les préoccupations concernant les violations persistantes des droits de l’homme commises par les forces de sécurité camerounaises : exécutions extrajudiciaires, détentions arbitraires et illégales, et actes de torture ». Au final, le communiqué de Donald Trump indique « [mon] intention de mettre fin à la désignation du Cameroun en tant que pays d’Afrique subsaharienne bénéficiaire au titre de l’AGOA à compter du 1er janvier 2020 ». Le président américain laisse pourtant entrevoir un changement d’option d’ici là : « Je continuerai d’évaluer si le gouvernement camerounais commet des violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus ». Cette sortie du président américain soulève un débat au Cameroun. Des thèses s’entrechoquent. Qui vont de l’économie a la géostratégie en passant par la politique. Au plan économique, un communiqué de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun rendu public, ce même 31 octobre 2019, présente des statistiques qui révèlent l’incidence de l’exclusion du Cameroun de l’AGOA sur les échanges commerciaux avec ce pays : « Au cours de l’année 2018, le Cameroun a exporté approximativement 220 millions de dollars en biens et services vers les États-Unis. 63 millions de dollars de ces exportations l’ont été au titre de l’AGOA, dont plus de 90% sous forme de pétrole brut ». Une analyse de ces données révèle, selon le site spécialisé www.investiraucameroun.com , que « le Cameroun utilise peu le mécanisme de l’AGOA pour ses exportations vers les Etats-Unis ». En effet, les chiffres de l’ambassade indiquent qu’« environ 28,3% seulement des exportations camerounaises vers les États-Unis le sont sous le régime de l’AGOA. Et qui plus est, les exportations bénéficiant de cette facilité américaine sont largement dominées par le pétrole brut ». En matière d’exportations, pour l’année 2018, et selon l’institut national de la statistique (INS), « les Etats-Unis tiennent le dernier rang, logés à la même enseigne que le Tchad (2,8%), là où la Chine, avec une acquisition de 23,9% des exportations du Cameroun, est le principal client de notre pays. L’Empire du Milieu est suivi par l’Italie (14,7%), les Pays-Bas (9,1%) et la France (6,4%) ». CRISE ANGLOPHONE Devant de telles statistiques, l’opinion se pose toujours la question : « Pourquoi tant de tapage autour d’une affaire dans laquelle le Cameroun ne perd rien s’il est exclu ? » C’est le diplomate américain Herman Cohen, fraîchement nommé porte-parole des sécessionnistes qui apporte la première réponse : « En supprimant l’accès en franchise de droits du Cameroun aux marchés américains en vertu de l’AGOA, le président Trump a fait savoir au régime de Biya que des pressions accrues s’exerceraient si un règlement négocié de l’insurrection dans les régions anglophones n’était pas conclu ». On se souvient que ce dernier avait déjà déclare la veille de la tenue du grand dialogue national (tenu du 30 septembre au 4 octobre 2019 à Yaoundé, ndlr) que « les séparatistes [de la république virtuelle d’Ambazonie, ndlr] posaient comme condition de participation à ce dialogue la reconnaissance du statut juridique de leur pays ». L’on soupçonne alors que c’est des « violations des droits de l’homme » sur les ressortissants de ce « pays » parle dans sa correspondance au Congrès américain. « Seulement, le président américain ne devrait pas oublier que son pays héberge ceux qui financent les activités terroristes qui affectent les Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest depuis plus de trois ans », souffle une source haut placée. Qui subodore « une réponse de Donald Trump à Paul Biya qui demandait aux pays hébergeant ceux qui tirent les ficelles de la crise anglophone de les livrer [à la justice camerounaise] ». « On ne peut non plus accuser le Cameroun de ne rien faire pour combattre le terrorisme, notre pays ayant adopté une loi contre ce fléau en 2014 », conclut notre source. Cette cécité américaine sur les exactions commises contre les forces de défense et de sécurité camerounaises, « qui n’agissent qu’en légitime défense », selon le ministre de la Communication (Mincom), René Emmanuel Sadi, est, selon des analystes « un signal inquiétant pour la situation socio-politique du Cameroun ». L’on observe par ailleurs que, sur le plan géostratégique, le communiqué de Donald Trump tombe au moment où le Cameroun, leader économique sous-régionale, passage obligé des biens en direction d’autres pays de la sous-région, vient de réussir l’organisation d’un grand dialogue national dont le succès a fait baisser la température dans les relations entre la France et le Cameroun. Par ailleurs, notre pays est convoité par la Russie qui a déjà réussi son implantation en RCA. « La sortie de Donald Trump sonne alors comme des représailles à cette ouverture économique », évoque un économiste de la place.


ARTICLE PRÉCÉDENT ARTICLE SUIVANT

Ajouter un commentaire

Vous devez vous connecter pour ajouter un commentaire.

Commentaires