Aboubakar Siddiki, président du Mouvement patriotique du salut camerounais (Mpsc) qui vient de recouvrer sa liberté, avait été condamné il y a cinq ans à 25 ans de prison. En allant déposer son client qu’il vient d’arracher aux griffes de la prison, Me Simh est un avocat heureux. Ce n’est pas tous les jours que son métier lui donne satisfaction dans cette nébuleuse judiciaire made in Cameroon. Le dispositif de l’arrêt de la Cour d’Appel du Centre qui vient de l’élargir a requalifié les faits en ceux de ‘non dénonciation’, les faits qualifiés en premier ressort de tentative d’assassinat et d’insurrection. Il a donc été condamné à quatre ans d’emprisonnement ferme, la durée de son séjour à Nkondegui et le tribunal a donné mainlevée du mandat de détention provisoire en son encontre. Abdoulaye Siddiki était détenu depuis 4 ans 10 mois. En accord avec son client, Me Simh a d’ores et déjà formé pourvoi en indiquant à la Cour que dès lors qu’elle avait requalifié les faits en non dénonciation, elle devait se déclarer incompétente à statuer sur un délit de droit commun qui plus est reproché à des civils. Libéré il y a une semaine, l’opposant a regagné son quartier et sa famille au lieu-dit Syncatex à Bassa-Douala. Une grosse émotion sur les cinq cent mètres parcourus à pieds, ovationné par ses voisins, et des larmes de joie à son domicile. Il revient de loin. En 2017, llaria Allegrozzi, spécialiste de la région du lac Tchad à Amnesty International, disait qu’Aboubakar Siddiki, « a subi des actes de torture et se trouve maintenant face â la perspective de demeurer derrière les barreaux à l’issue d’un procès sous-tendu par des considérations politiques et entaché de graves irrégularités. » Dans l’indifférence générale, il ajoutait que Siddiki « n’aurait jamais dû être inculpé et aucun civil ne devrait être jugé par un tribunal militaire. » Possession illicite d’armes à feu Aboubakar Siddiki et Abdoulaye Harissou ont été arrêtés en août 2014. Ils ont été accusés sans preuve d’avoir participé à un complot visant à déstabiliser le pays. Ils ont été détenus au secret pendant plus de 40 jours. Ils ont été inculpés initialement de complicité de meurtre, de possession illicite d’armes à feu, d’hostilité envers la patrie, d’activités révolutionnaires, de non-dénonciation et d’outrage au président de la République, et leur procès s’est ouvert le 22 janvier 2016. Le 9 octobre 2017, toutes les charges retenues contre Abdoulaye Harissou, à l’exception de la non-dénonciation, ont été abandonnées mais celles pesant sur Aboubakary Siddiki ont été maintenues. En février 2017, le président du tribunal militaire a statué que tous les éléments de preuve produits par l’accusation contre ces deux hommes, sauf le rapport de l’enquête préliminaire, devaient être rejetés étant donné qu’ils n’étayaient pas les charges. Cette décision a été réitérée par un juge nouvellement désigné en avril 2017. Malgré cela, Abdoulaye Harissou et Aboubakary Siddiki, toujours détenus, n’ont jamais été libérés. Aboubakary Siddiki, Abdoulaye Harissou et les trois journalistes qui avaient été accusés ont comparu 26 fois devant le tribunal militaire de Yaoundé. Les trois journalistes ont été inculpés initialement en octobre 2014 de non-dénonciation d’informations et de sources et placés sous contrôle judiciaire, mesure levée en janvier et février 2015 pour chacun d’eux. En septembre 2017, les charges ont été requalifiées en outrage au président de la République, souligne Amnesty International. « L’iniquité de ce procès souligne le manque d’indépendance et d’impartialité inhérent aux tribunaux militaires, au Cameroun comme ailleurs. La présomption d’innocence, le droit à une défense adéquate et l’indépendance des procédures ont été profondément bafoués », a déclaré llaria Allegrozzi. « Nous appelons les autorités camerounaises à libérer Aboubakary Siddiki et Abdoulaye Harissou, à abandonner toutes les charges pesant sur eux et à s’abstenir en toutes circonstances de faire juger des civils par des tribunaux militaires. » Abdoulaye Siddiki est aussi désormais libre. Tout est bien qui finit bien…
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