La poche de sang coûte plus de 50 000 fcfa

Le déficit au sein des banques de sang, couvertes à seulement 10% par les donneurs bénévoles, occasionne le recours aux  donneurs rémunérés et des coûts supplémentaires pour les familles. Enquête dans les hôpitaux et auprès des officiels.

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Au Cameroun,  il existe un grand déficit en poches de sang dans les hôpitaux. Le taux de couverture des besoins est inférieur à 40% selon les données officielles. Le pays a un besoin annuel d’environ 400 000 poches. Mais la capacité de collecte du système de santé frôle à peine les 150 000 poches de sang. En 2021, 140 207 ont été collectées par les 473 formations sanitaires suivies par le Centre national de Transfusion sanguine (CNTS) et en  2022,  c’est 147 034 poches de sang obtenues. Soit un gap d’environ 250 000. Un décalage jugé « très important » par le ministre de la Santé publique, Dr Manaouda Malachie.  En réalité, peu de personnes font le don de leur sang, à cause des barrières socio culturelles, religieuses et de la mauvaise perception du don de sang. Conséquence, les banques sont peu approvisionnées.

 A l’hôpital Laquintinie de Douala, considéré comme l’une des plus grandes formations sanitaires du pays, le besoin est estimé à plus de 1 000 poches de sang par mois. « Mais, nous ne pouvons répondre qu’à environ 60 à 70 % de ces demandes », fait savoir Agbor Tarkang Bessem Tabe, Major de la Banque de sang de cette formation sanitaire. Elle ajoute qu’un autre défi est d’avoir le bon groupe sanguin ou le bon produit sanguin pour le patient. « Certains groupes sont rares, notamment le sang Rhésus Négatif et nous n’en avons pas toujours en stock », regrette-t-elle. 

 D’après le responsable du marketing, de la mobilisation sociale, de la planification et de l’organisation des collectes au CNTS, il y a un «   nombre élevé de donneurs familles ou des donneurs de remplacement qui constituent 90% des dons effectués dans les formations sanitaires contre 10% issus des dons bénévoles ». Ce constat fait par Tiock Epollé permet de comprendre que la grande partie du sang que reçoivent les hôpitaux  intervient seulement dans les cas d’urgence. Car, les donneurs de remplacement sont ceux amenés par les familles des patients qui nécessitent un recours à la transfusion sanguine. 

 Cette situation de rareté rend le coût du sang très élevé.  En effet,  le montant  recommandé pour une poche de sang  selon le CNTS, varie entre 15 000 et 22 000 FCFA en fonction des formations sanitaires et des réactifs utilisés pour qualifier les poches de sang.  «  Le montant qui est habituellement demandé à la famille du malade est une contrepartie que le patient donne pour supporter une partie du coût de la poche de sang. Le sang prélevé gratuitement chez le donneur volontaire fait l’objet d’une Qualification Biologique du Don (QBD) de sang pour assurer la sécurité de la poche de sang ainsi que du malade qui la recevra. À ces examens s’ajoutent le coût des intrants et bien d’autres. Tout cela s’élève à plus de 60 000  FCFA par poche.  Même la poche de sang vide coûte entre 7 000 et 9 000 FCFA ; et d’autres consommables aussi sont utilisés », explique Tiock Epolle.

Vente illicite du sang

Mais la réalité est toute autre. Les malades ainsi que leurs familles affirment débourser parfois au-delà de 50 mille francs (deux fois le prix normal) pour avoir une poche de sang.  Si à Laquintinie par exemple, on exige deux donneurs et une redevance de 21500 FCFA,  on observe des coûts parallèles pour avoir les donneurs. En effet, autour de la rareté du sang, s’est installé un commerce illicite de ce liquide censé être donné gratuitement.  L’article 3 de la loi  n°2003/2006 du 22 décembre 2003 régissant la transfusion sanguine stipule que: “Le don de sang est un acte volontaire et gratuit”.

Michael T. (Nom d’emprunt), 36 ans dit avoir payé 25 mille FCFA individuellement à trois donneurs pour avoir un sang  de Type B+  pour son fils souffrant de l’ictère ou jaunisse. Ces donneurs rémunérés avaient été contactés en urgence par une infirmière de l’hôpital Gynéco obstétrique et pédiatrique de Douala. L’autre expérience est celle de Jeanine, commerçante âgée de 40 ans. Internée à l’hôpital Laquintinie de Douala, l’année dernière, le médecin lui avait recommandé 6 poches de sang.  Aucun membre de sa famille n’était disposé à aider. « Grâce à une aide-malade qui était dans la même chambre que moi, nous avons trouvé trois personnes. J’ai payé chacune de ces personnes 15 000 FCFA. J’ai même beaucoup supplié pour qu’ils acceptent ce montant parce que j’avais déjà dépensé énormément à l’hôpital», relate-t-elle.


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