La psychose s’est installée au sein de la population. Le phénomène de prise d’otages reprend de l’ampleur dans l’arrondissement de Touboro, dans la région du Nord Cameroun. Des hommes lourdement armés sillonnent au quotidien les localités de l’arrondissement et prennent des otages. Par la suite, ils les conduisent vers te Tchad sans être inquiétés. Deux à trois personnes sont enlevées par jour et des fortes sommes d’argent sont exigées aux familles des otages pour la libération des leurs. 17 personnes ont été kidnappées entre le 28 octobre et’ le 1er novembre dernier. Et la population vit désormais dans la psychose. «Nous vivons dans une insécurité totale. La recrudescence de ce phénomène ces derniers jours nous laisse croire que ces gens rodent en permanence autour de nous. Ils opèrent à leur guise. Ils ne redoutent pas une résistance ou une offensive de nos forces de défense. Vous imaginez qu’ils opèrent de nuit comme de jour, en ville comme en campagne ? Ils arborent des armes à feu et circulent librement sans qu’ils ne soient traqués», regrette un exotage, qui raconte son calvaire avec ces malfrats. «C’est aux environs de 17 heures qu’ils nous ont kidnappés ce 1er novembre. Nous étions une vingtaine à tomber dans l’embuscade qu’ils nous ont tendue sur le tronçon Touboro-Bougoué. Nous revenions de Touboro ce jour-là et à trois kilomètres du village, c’est-à-dire de Bougoué. Ces gens ont surgi devant nous et nous ont fait coucher à même le sol, tête contre terre pendant près d’une heure d’horloge. Ils nous ont fouillés et dépouillés de tous les biens précieux que nous portions. Ils ont emporté tout l’argent et les téléphones portables que nous avions avec nous. Nous étions une vingtaine à être arrêtés au départ, mais après les fouilles, nous étions trois à être retenus comme otages. Ils nous ont fait passer une chaîne en fer aux poignets et nous ont contraints à les suivre. Ils nous ont conduits au Tchad où j’ai passé sept jours avant d’être libéré. J’ai été enlevé le 1er et libéré le 9 novembre aux premières heures de la journée. J’ai passé exactement huit jours entre leurs mains dont un de route», raconte Daïrou Ayouba, ex-otage. Les localités de Bougoï, Mayo Mbi, Gazawa, Loumou Dolé par Touboro-centre, Bakari sont .entièrement sous les bottes de ces malfrats depuis quelques semaines. Ils y opèrent à volonté et font des victimes. «Treize personnes ont été enlevées avant nous. Nous en avons retrouvé six au camp dont quatre hommes bororos et une femme portant un nouveau-né. Elle a été enlevée à Loumou Dolé dans Touboro-centre. Ils ont été progressive relâchés. Je pense tout de même que leur libération a été faite contre versement de la rançon. Une fois admit dans leur camp, ils nous ont soumis à un interrogatoire portant essentiellement sur les capacités financières de nos différentes familles. L’objectif visé est celui de savoir si nos familles sont à mesure de verser les montants qu’ils leur exigent. En cas de réponse défavorable, ils soumettent la personne à la torture. Ils nous attachaient une corde au cou et la font passer par une branche d’arbre puis ils s’associent et tirent la corde pour te pendre. Tu étouffes et perds parfois connaissance. Pour échapper à tout cela, nous supplions nos proches à céder à leur demande et c’est comme ça qu’ils se mobilisent et leur versent ce qu’ils réussissent à réunir. Aucun otage n’a été libéré sans que ses parents n’aient versé une rançon. Nous y avons laissé ceux dont la famille ne s’était ‘manifestée», poursuit Daïrou Ayouba. Huit personnes ont été enlevées le 28 octobre dont quatre à Touboro, deux à Gazawa et deux dans le village V3. Cinq autres ont été kidnappées le 29 octobre dernier dans les villages Bororos. «Nos localités sont en insécurité totale. Il ne se passe pas un jour sans qu’un enlèvement ne soit signalé. En cinq jours plus de seize personnes ont été kidnappées. Nos familles versent de colossales sommes d’argent pour leur libération. Ce qui engendré la paupérisation de la population. Quels revenus ont nos familles pour débourser un à deux millions de francs CFA pour une cause qui ne nous rapporte rien au pouvoir d’achat de la famille ? Il y a deux jours, ils. ont nuitamment investi la concession de Saki Gové de Mayo Mbi et l’ont kidnappé. C’est le plus grand boucher de la localité. Ils exigent une forte somme pour sa libération. Toute la grande famille est en train de se mobiliser à l’heure à laquelle je vous parle pour réunion le montant qui leur est exigé. Elle va se dépouiller de tout ce qu’elle possède et même s’endetter pour le leur donner. Elle passera peut-être plusieurs années pour la dette contractée. Vous comprenez donc que si rien n’est fait dans les jours à venir pour nous protéger, nous n’aurons rien pour survivre. Voilà pourquoi j’interpelle le gouvernement à prendre ses responsabilités en main. Il lui incombe de veiller sur nous et sur nos biens», ajoute Kadirtché, un autre ex-otage. Comme les familles de Dairou Ayouba de Mayo Mbi et Kadirtché Gazawa, tous exotages, celles de Sadjo de Gazawa, de Maya et Fidèle de Bougoï bradent leurs récoltes pour, rembourser les dettes contractées pour payer la rançon.
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