Après 7 revers judiciaires de suite, au Cameroun et à l’international, le tout dernier a eu lieu le 3 juin, au tribunal administratif de Douala, dans l’affaire opposant cette structure au consortium Bolloré-Maerks. Le directeur général, Cyrus Ngo’o, dans un communiqué, puant l’arrogance et la folie des grandeurs, divulgué lundi, annonce à qui veut l’entendre qu’il «représente l’État». Et donc, qu’il est au-dessus de la loi. Ne dit-on pas que Dieu rend fou ceux qu’il veut perdre? Le Port autonome de Douala (Pad) semble résolument engagé dans une campagne d’outrages tous azimuts ciblant la justice camerounaise. Alors qu’on croyait l’entreprise assagie, à la suite des nombreux revers subis devant les tribunaux aussi bien nationaux, régionaux qu’internationaux, sa direction générale vient de confirmer qu’elle est au-dessus de la loi. Le 3 juin, le tribunal administratif du Littoral a annulé la réquisition des équipements de Douala International Terminal (Dit), concessionnaire du terminal à conteneurs de juin 2004 à fin 2019, opérée au forceps par le gestionnaire de ladite place. «Cette décision du Tribunal administratif du Littoral, tout en confirmant l’illégalité des décisions prises par les autorités portuaires de Douala, rassure encore une fois les investisseurs privés du Cameroun sur la securité juridique de leurs investissements. Cette décision met en évidence le rôle indispensable de la justice pour le développement économique et social du pays», s’est modestement réjoui la directrice générale dudit opérateur, Ségolène Droggy. Mais c’était sans compter avec l’entêtement du Pad à passer outre les sentences qui lui sont défavorables et qui se multiplient. Lundi, son service de la communication s’est fendu d’un communiqué alambiqué. On y apprend que le Pad «entend exercer les recours de droit contre cette décision et tient à rassurer l’opinion publique que celle-ci reste sans conséquence sur l’exploitation sereine du terminal à conteneurs et la poursuite des activités de la Régie qui est désormais une fierté nationale». En d’autres termes, le Port, qui n’a aucun matériel personnel, n’en ayant jamais acquis et qui a arraché la logistique et le personnel de Dit pour faire fonctionner sa Régie (Rtc), entend poursuivre (‘exploitation des engins et des ressources humaines que le tribunal administratif du Littoral lui demande d’abandonner. La Rtc, «fierté nationale» ? Voilà une hérésie à laquelle s’accroche désespérément le Dg Cyrus Ngo’o et sa bande, alors que tout démontre une situation catastrophique. Laquelle est marquée par l’obsolescence du matériel réquisitionné, dont une bonne partie du parc est désormais hors service, faute de pièces détachées, un climat de terreur exercé contre les travailleurs dont beaucoup ont préféré démissionner. Inquiétante dérive. Mais, pour M. Ngo’o, tout va bien dans le meilleur des mondes, même s’il a réfréné sa tendance à publier des chiffres artificiels d’exploitation. On ne voit pas, en effet, la Régie du Pad battre les records financiers brandis, alors que le matériel de travail est réduit à la portion congrue, que les techniciens aguerris de la manutention portuaire quittent le navire et que les majors des armateurs, lassés des retards et autres tracasseries, déroutent progressivement leurs bateaux vers le Port autonome de Kribi (Pak). Mais là où le Pad achève de convaincre de son inquiétante dérive de son top management, c’est lorsque son service de communication annonce, noir sur blanc, «avoir procédé à la levée des réquisitions des biens vétustes, propres à Douala . International Terminal depuis plusieurs mois», l’ancien concessionnaire étant par ailleurs «invité à les retirer de la plateforme du terminal à conteneurs». Au Pad, à Dit aussi bien qu’au ministère des Transports, aucune preuve de restitution de matériels n’a pu être apportée à votre journal. Bien plus encore, l’on ne comprend pas qu’on oblige un propriétaire à reprendre un bien non seulement arraché, mais surtout devenu «vétuste» ainsi que le reconnaît le Pad lui-même. Toujours est-il que le communiqué du Port menace Dit de paiements (sic) de pénalités de stationnement de la ferraille, qui «vont lui être exigés». Dommages-intérêts. A travers cette sortie, l’actuel top management du Pad confirme sa volonté de passer outre la décision du tribunal administratif, qui ne change donc rien à sa détermination à continuer d’exercer en toute illégalité à travers sa Régie au terminal à conteneurs. Une Rtc mise sur pied pour un an, mais qui continue inexorablement sa marche vers la noyade sur les berges du Wouri. On rappelle que c’est la 7è – et non la 6è, comme précédemment annoncé dans nos colonnes – que le Pad mord la poussière au tribunal face à Dit, filiale camerounaise du consortium franco-danois Bolloré-Maersk (Apmt). En dehors du tribunal administratif du Littoral, qui le 16 août 2019 avait suspendu le processus d’appel d’offres du renouvellement de lac du terminal à conteneurs, Cyrus Ngo’o, qui s’est pourvu’ en cassation auprès de la chambre administrative de la Cour suprême, a vu sa saisine rejetée avec fracas par la Haute juridiction. A la veille de Noël 2019, le tribunal administratif du Littoral a annulé l’ensemble de la procédure d’appel d’offres portant sur le recrutement d’un nouvel opérateur au terminal à conteneurs, qui excluait illégalement l’opérateur en fin de bail. La même Cour a, en fin décembre suivant, suspendu la Régie créée par le Pad. En novembre 2020, la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris a ordonné au Pad de relancer un nouvel appel d’offres, le condamne en outre à payer des dommages-intérêts à Dit à hauteur de 3,9 millions d’euros annuels, un montant pouvant aller jusqu’à 58 millions d’euros sur les quinze années à venir si le processus n’était pas repris. En fin janvier dernier, c’est la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada qui a rejeté, pour incompétence, le pourvoi en cassation introduit par le Pad contre l’ordonnance rendue en fin 2019 par le tribunal administratif du Littoral ordonnant la suspension de la délibération du conseil d’administration, créant une Régie du terminal à conteneurs. Renforcer l’.Etat de droit. Face à cette avalanche de sentences, toutes défavorables à l’entreprise qu’il dirige, Cyrus Ngo’o est resté droit dans ses bottes. À des proches, il déclare qu’il ne risque rien parce que représentant «l’Etat». Et donc qu’il est non seulement au-dessus, mais qu’en plus il jouit de soutiens jusque dans l’entourage immédiat du président de la République. A propos du chef de l’Etat, Cyrus Ngo’o est allé jusqu’à Paul Biya en passant outre, fin septembre 2019, sa prescription de suspension des travaux de finalisation des termes du contrat de concession, ensemble ses annexes, avec l’opérateur suisse Terminal Investment Ltd (Til), adjudicataire provisoire de la concession des activités de rénovation, de modernisation, d’exploitation et de maintenance du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri. Le chef de l’Etat demandait alors d’attendre «les conclusions définitives de l’affaire société Apm Terminais BV et Bolloré SA contre Port autonome de Douala, pendante au tribunal administratif du Littoral à Douala, et portant sur la requête aux fins de sursis à l’exécution de la décision n,’0006219/DG/PAD du 8 janvier 2019». Tous ces actes de défiance à l’endroit, aussi bien de la justice nationale qu’internationale et – plus grave encore -du sommet de l’Etat camerounais commencent à donner la très fâcheuse impression que le Pad, son Dg et ceux qui le protègent vivent dans et exercent dans un no man’s land. C’est sans doute à ce type d’engeance que faisait allusion le premier président de la Cour suprême. S’exprimant le 25 février 2021 à Yaoundé, à l’occasion de la rentrée judiciaire solennelle, Daniel Mekobe Sone a invité les magistrats à plus de diligence en application du décret du 5 novembre 1979 relatif à l’exécution immédiate d’une décision de justice devenue définitive. Il a dénoncé la multiplication des requêtes visant à bloquer l’exécution des décisions, ainsi que d’autres tripatouillages teintés de corruption. «Que tous les acteurs de la chaîne d’exécution instaurent un nouveau climat d’exécution de la justice au Cameroun. C’est un indicateur de droit. Il faut renforcer l’Etat de droit», martelé Daniel Mekobe Sone. La posture du Pad version Cyrus Ngo’o, dans cette mise en garde, devrait constituer un cas d’école.
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