Après l’annonce samedi soir de la disparition du Franc Cfa remplacé par l’Eco dans la zone Uemoa par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron en visite officielle à Abidjan, ils ont confirmé ce qui devenait inéluctable, un coup, fut-il symbolique, au lien économique et monétaire scellé depuis 75 ans-entre huit pays de L’Uemoa, six pays de la Cemac et la France. Beaucoup d’encre coule depuis dont celui d’expert qui trouve que c’est un pas dans la bonne direction. Il faut noter que ce qui devrait changer dès 2020, c’est le changement des réserves de change qui ne seront plus centralisées par la France et l’obligation de verser 50 % de ces réserves sur le compte d’opération du Trésor français disparait. En plus de cela, la France ne sera plus admise dans les instances de gestion du CFA. En effet, Paris avait un représentant à la Bceao, la Banque centrale des états d’Afrique de l’Ouest l’équivalent de la Beac, un autre à la commission bancaire l’équivalent de la Cobac, et un dernier au comité de politique monétaire. Ce qui ne change en revanche pas c’est la parité entre la nouvelle monnaie et l’euro ainsi que la garantie assurée par la France. Une garantie qui reste peu claire aux yeux de l’opinion. L’intégralité de l’analyse de Patrice Talon suit : « Les signes de rupture se sont accumulés ces derniers temps. Le président béninois Patrice Talon avait d’ailleurs devancé cette annonce de la disparition du FCFA, indiquant, début novembre, que très rapidement, le franc CFA ne serait plus garanti par le Trésor français. Sans doute avait-il brisé un tabou. C’est la première fois qu’un chef d’État des pays concernés en parlait si ouvertement et en ces termes-là. Qu’en est-il de la sous-région Cemac ? Le ministre français de l’Economie, Bruno Lemaire a affirmé que la France est ouverte à toutes négociations. Et puis, lors du dernier sommet extraordinaire des chefs d’États à Yaoundé, une décision a porté sur une étude sur la question mçnétaire. En effet, les chefs d’États ont dit engager une réflexion sur les conditions d’une nouvelle coopération monétaire avec la France. L’option est sans équivoques. Dans un dossier de presse transmis au Jour pour la circonstance, la présidence de la République a souligné que l’avenir du franc CFA faisait aussi partie des thèmes inscrits à l’ordre du jour des travaux des chefs d’État qui se déroulaient à huis clos. « La monnaie héritée de la colonisation divise les économistes et les chefs d’État de la zone Franc », a écrit la présidence. Cette monnaie « est présentée par de nombreux experts en finances comme un frein au développement”, a-t-elle ajouté. « Ceux qui sont pour le maintien du franc CFA avancent l’argument de la stabilité qu’offre cette monnaie face aux spéculations”, a poursuivi la communication de la présidence. DÉVALUATION DU FCFA CEMAC ? Les réactions suscitées par l’annonce de la disparition du FCFA dans la zone Uemoa ne dérogent pas à la règle. Celle de positions inconciliables sur un sujet au caractère clivant. “Nous ne regardons pas au bon endroit. Ce qui vient de se passer n’est pas une bonne nouvelle pour la Cemac. Les deux zones (Uemoa et Cemac) avaient jusqu’ici le même combat. On vient de les isoler l’une de l’autre. Il sera plus facile maintenant de dévaluer le FCFA de la Cemac. Emmanuel Macron et Alassane Ouattara disent que l’Eco va garder une parité fixe avec l’Euro, mais il ne disent pas laquelle. Tout simplement qu’elle peut être différente de l’actuelle parité, qui est de 655,957. S’il était autrefois difficile d’expliquer comment un FCFA peut avoir une parité différente d’un autre FCFA, maintenant ce sera plus simple et sans tracas”, s’inquiète un analyse dans un forum d’observateurs avertis. BONNES INTENTIONS AFFICHÉES Anxiété partagée par nombre de commentateurs plutôt réservés quant aux bonnes intentions affichées par cette réforme : “Une monnaie qui ne fluctue pas n’en est pas une. Ça c’est juste un changement de nom. Les États qui maîtrisent leur monnaie ont par exemple la possibilité de les dévaluer lorsqu’ils veulent rendre les produits exportés compétitifs”, relativise un observateur. “L’Eco garde la même structure que le franc Cfa, le même procédé de convertibilité et de parité. La France a trouvé un mécanisme pour qu’il ne soit plus trop visible que le FCFA est une monnaie de domination”, ajoute Me Désiré Sikati, cadre du Mrc invité hier de Droit de réponse sur Équinoxe TV. Accueil mitigé aussi chez ses co-panélistes du jour. “L’inde-pendançe monétaire qu’on annonce là n’aura pas lieu parce que la France reste au centre du jeu. Pour que l’Eco soit une monnaie compétitive, il faut qu’elle s’ouvre au-delà des huit pays de l’Uemoa pour intégrer les sept autres pays de la Cedeao dont le Nigeria et le Ghana”, lâche Me Simon Kack Kack. “Qui va battre la monnaie ? Ce débat que nous menons aujourd’hui montre qu’en réalité, nous ne sommes pas indépendants. La Sous-région Afrique centrale doit demander plus que la zone Uemoa”, exhorte Me Ngouanang du Sdf. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, Martial Ze Belinga, économiste, trace, lui, la voie d’une vraie indépendance économique porteuse de prospérité : “Mais je crois que pour aller plus loin, puisqu’on est dans un processus de décolonisation économique, il s’agit aussi pour les sociétés coloniales, et là on parle de la France en particulier, de comprendre son intérêt, l’intérêt que les sociétés coloniales vont avoir à générer un nouveau rapport avec le monde. Et ce rapport doit être un rapport qu’en théorie des jgux, on appelle des jeux à somme positive, gagnant-gagnant. Il faut construire des jeux gagnant-gagnant désormais.-Ét les anciens modèles ne fonctionneront pas. Ils ne fonctionneront plus entre les Africains et l’Europe, entre les Africains et le reste du monde, mais ils ne fonctionneront plus non plus entre une partie des élites africaines et les peuples africains. Et le franc CFA en fait n’est qu’une partie de ces questions-là. »
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