Un journaliste en détention après des révélations sur le trafic des ossements humains.

Le journaliste Bertrand Ayissi a été placé en « détention administrative » à la compagnie de gendarmerie de Ngaoundéré, le 12 septembre. Au centre de son audition : une enquête consacrée à différents trafics dans la région.

C’est lundi 11 septembre que Bertrand Ayissi, chef d’agence de L’Oeil du Sahel dans l’Adamaoua, a reçu une convocation signée de la main du gouverneur de la région, Kildadi Taguiéké Boukar. Dans ce courrier que Jeune Afrique a pu consulter, il était précisé que si le journaliste refusait d’y répondre, des poursuites judiciaires pourraient être engagées contre lui. Le 12 septembre, à 9h50, Bertrand Ayissi se rend donc dans les bureaux du gouvernorat et s’installe dans la salle d’attente.

Il est 10h28 quand le puissant patron de la région fait son entrée dans les locaux, accompagné de son garde du corps. « Il s’est mis à tempêter. Il était vraiment vert de rage », se souvient Bertrand Ayissi. Le gouverneur demande immédiatement à ses hommes d’appeler le commandant de compagnie ainsi que deux gendarmes pour « embarquer » le journaliste. « Il m’a dit que je créais des troubles dans l’Adamaoua », affirme le journaliste.

« Vous croyiez me faire tomber ? »

Bertrand Ayissi raconte avoir d’abord été sermonné pendant une bonne dizaine de minutes. « On vous a [utilisé] en 2018 pour dire qu’il y a des enlèvements, l’invective le gouverneur. Vous croyiez me faire tomber ? Trouvez-vous normal de dire qu’il y a des trafics d’ossements humains et des agressions dans l’Adamaoua ? N’allez pas troubler l’ordre public dans la région avec vos déclarations mensongères ! »

En cause, une enquête réalisée par Bertrand Ayissi et publiée le 18 août par L’Oeil du Sahel, qui fait mention de pillages dans des cimetières dans cette partie du nord du Cameroun et évoque, sans que cela soit lié, un trafic d’organes prélevés sur des personnes assassinées. Dans ces deux affaires, le journaliste dénonçait l’insuffisance de la réponse des autorités camerounaises.

« À la compagnie de gendarmerie, on m’a installé sur une chaise dans un bureau. J’ai attendu jusqu’à 16h30 avant que l’on se décide à m’auditionner. » C’est finalement pour des faits de « propagation de fausses nouvelles » qu’il sera interrogé, avant d’être relâché en fin de journée. « Il y a eu une très grosse mobilisation à la fois au Cameroun ainsi qu’à l’international, je dis ma gratitude à tous ceux qui se sont mobilisés », tient à saluer Bertrand Ayissi. Lui dit avoir le sentiment que les journalistes sont trop souvent vus « comme des ennemis » et regrette une « volonté de rétention de l’information ». Contacté, Guibaï Gatama, directeur de publication de L’Oeil du Sahel, a « condamné ces méthodes » employées contre son journaliste.

Joint par téléphone, le gouverneur de l’Adamaoua affirme que « Bertrand Ayissi a été convoqué pour des besoins de recoupement d’informations, afin qu’il nous donne des statistiques d’agressions, des données objectives au niveau régional, pour nous aider à mieux combattre le phénomène ». Kildadi Taguiéké Boukar a aussi répété son attachement à la liberté de la presse, tout en invitant les journalistes à ne pas toujours faire une « mauvaise publicité » à la région pour ne pas « décourager » les tourists.

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Source Jeune Afrique


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