Lettre aux nouveaux élus : jacques fame ndongo répond à marafa hamidou yaya
C’est autour de cinq agrégats que le ministre Fame Ndongo a décidé de construire sa réponse à Marafat Hamidou Yaya, détenu à Kondengui dans le cadre de l’Opération Epervier. Prenant le tout premier de ces agrégats qui est politique, paix et sécurité, le ministre d’Etat commence par relever que l’ancien ministre de l’Administration territoriale qui demande aux nouveaux élus de dire la vérité, les a dénié toute légitimité dans son message du 21 février 2020. Découvrez ci-dessous la réponse de Fame Ndongo publié par notre confrère Cameron tribune. J’ai lu, non sans intérêt, le message, publié dans « L’œil du Sahel » du vendredi 21 février 2020, par le Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya « aux représentants de la Nation nouvellement élus ». Ce texte est intitulé « Pour une République sincère ». Je voudrais le décrypter, à l’aune d’une grille de lecture immanente (analyse rigoureuse et méticuleuse du contenu pour en dégager la vision du monde). Mon décodage regroupera le message en cinq agrégats: (1) politique, paix et sécurité ; (2) administration, (3) économie et infrastructures, (4) justice sociale et solidarité nationale, (5) diplomatie. 1-Politique, paix et sécurité Le Ministre d’Etat Marafa demande aux « aux représentants de la Nation nouvellement élus » de dire la vérité sur le Cameroun qui serait en déliquescence. Or, dans son message du 21 février 2020, il leur dénie toute légitimité. Question : ces élus sont-ils légitimes ou illégitimes ? S’ils sont légitimes, ils ont le droit de se prononcer, au nom du peuple camerounais sur la situation qui prévaudrait au Cameroun. S’ils sont illégitimes, ils n’ont pas le droit de parler au nom du peuple camerounais; ils pourront, tout au plus, parler en leur propre nom, droit reconnu à tout citoyen de notre pays. Le Ministre d’Etat Marafa magnifie « les boycotts et tentatives de perturbations » des élections législatives et municipales. Il valorise donc, et c’est son droit, la remise en cause de l’ordre républicain (puisqu’il récuse «la passivité » et postule que « l’élan de protestation est un déni actif de la légitimité des élections ». Il dénie donc aux élus du 9 mars 2009 la légitimité républicaine. Question: que doivent faire les élus qui, à l’issue du double scrutin du 9 février 2020, bénéficient de la légalité républicaine? Doivent-ils démissionner? Et quelle serait la conséquence, au plan institutionnel? Il n’y aurait ni Maire, ni Député. Le Ministre d’Etat Marafa préconise « une République sincère ». L’épithète « sincère » a une charge sémantique, psychologique, sociale et politique faible. En effet, le concept de « République sincère » est inférieur à celui de « République exemplaire » que promeut le Chef de l’Etat, Son Excellence Paul BIYA: on peut être sincère dans la bêtise, l’immoralité, l’incompétence, l’irresponsabilité et l’inefficacité. En revanche, une « République exemplaire » est, nécessairement, et par essence, excellente. Le Président Paul BIYA nous demande de tendre donc vers cette excellence pour bâtir un « Cameroun nouveau ». Tandis que la « République sincère » n’implique pas ontologiquement la montée vers les cimes de l’excellence. Certes, il est vrai qu’en matière de finances publiques et de comptabilité, l’on parle de « sincérité des comptes » (exactitudes, arithmétique des chiffres) et dans le domaine de la sociologie électorale, il est habituel d’évoquer la « sincérité du vote ». Mais, s’agissant de la stratégie politique, il est hasardeux de postuler la sincérité de l’Etat ou de la République. Même la cité de Platon n’était pas sincère mais idéale (les deux épithètes ont une dénotation et une connotation différentes). Et Socrate affirme que nul n’est méchant volontairement, car l’on ne peut s’écarter de la vertu qu’involontairement, c’est-à-dire en croyant sincèrement, poser un acte vertueux, alors même que l’on est sous l’empire des passions, des instincts, des tendances, du « ça », comme dirait Sigmund Freud. Mais, une personne exemplaire est nécessairement vertueuse (au sens socratique du terme). C’est un modèle à suivre. Le Ministre d’Etat Marafa évoque 4 priorités pour son projet de société: « unité nationale, efficacité de l’action publique, transformation de l’économie, reconquête de notre leadership international. » Ces priorités sont incomplètes: pour l’efficience d’un programme politique, il importe d’articuler les priorités autour des axes structurants suivants: paix et unité nationale, rayonnement diplomatique, compétitivité économique, solidarité et justice sociales. Tel est le choix du Président Paul Biya. En effet, il ne saurait y avoir d’unité sans la paix. Je souligne que, pour une nation, la paix est sacrée et sous-tend toute action publique ou privée. Elle conditionne même l’ « efficacité de l’action publique » dont parle le Ministre d’Etat Marafa. Elle est en relation étroite avec l’unité nationale. La reconquête du « leadership international » suppose la perte ou la diminution de ce leadership. Or, au Cameroun, le Président Paul BIYA a toujours incarné le leadership international de notre cher et beau pays (ses interventions à la CEMAC, à la CEEAC, à la BEAC dont le siège est à Yaoundé, à la BDEAC, à la CLBLT, au CRUFOR, à l’Union des Universités Africaines dont le siège est à Yaoundé, à la BAD, à la FAO, à l’UNESCO, à l’ONU, à la Francophonie, au Commonwealth, etc.) et lors de ses visites officielles dans les Etats amis, la défense de la camerounité de Bakassi, pour ne citer que ces exemples, ont eu un écho retentissant à travers le monde). S’agissant de la « transformation de l’économie », elle n’est que l’un des volets de la stratégie économique mise en œuvre par le Président Paul BIYA. Je rappelle qu’en économie, on produit, on transforme, on commercialise et on répartit équitablement les fruits de la croissance. Le Président Paul BIYA a tenu compte de ces quatre paradigmes et non d’un seul. Le Ministre d’Etat Marafa estime dubitativement (« sans doute ») à 30% le taux de participation concernant le double scrutin du 9 février 2020. Je rectifie: ce taux a été de 43,79% (le rapport officiel de la Commission Nationale de Recensement Général des Votes, paraphé par l’ensemble des Partis Politiques en lice faisant foi, sous réserve de la décision finale du Conseil Constitutionnel qui est juge du contentieux électoral) A propos du déni de légitimité, peut-on objectivement subodorer (pour ne prendre que ce cas) que les députés français issus des élections législatives des 11 et 18 juin 2017 soient dénués de toute légitimité parce que le taux de participation à cette consultation populaire fut de 42,64%? Assurément pas. Lors de son dernier « message aux Camerounaises et aux Camerounais », le Ministre d’Etat Marafa demandait aux Camerounais de « choisir, lors des élections présidentielle, législatives et municipales les candidats et Partis les plus capables de nous extraire enfin de l’immobilisme, de faire progresser le pays ». Constat: les Camerounais ont choisi, avec une large majorité des suffrages valablement exprimés, le Président Paul BIYA (élection présidentielle de 2018) et les candidats du RDPC aux législatives (tendances actuellement disponibles) et aux municipales (résultats définitifs dans certaines municipalités et tendances, dans d’autres) de 2020. C’est la réponse cinglante et sans appel du peuple camerounais, libre et souverain, aux injonctions du Ministre d’Etat Marafa. Ceci signifie (par la voie sincère des urnes) que l’immobilisme ne se trouve ni du côté du Président Paul BIYA, ni de celui des candidats du RDPC. L’immobilisme est dans le camp d’une opposition radicale voire nihiliste qui, au lieu d’aller aux urnes pour « vendre » aux électeurs un projet de société pertinent attractif, pour qu’ils « l’achètent » (à l’aune du marché politique de l’offre et de la demande), préfèrent s’enliser dans les mots d’ordre apocalyptiques. Le Ministre d’Etat Marafa estime que le Cameroun est divisé entre Anglophones et Francophones: c’est faux. Bon nombre de Francophones exercent leurs activités professionnelles dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest; plusieurs y sont inscrits dans des écoles primaires, des lycées et collèges, des universités du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il en est de même des Anglophones. Plusieurs vivent en paix dans les huit régions d’expression française, sans être, pour le moins inquiétés. Au Cameroun, le vivre-ensemble est effectif (toutes les composantes religieuses, linguistiques, éthiques, politiques vivent en osmose dans toutes les régions du Cameroun). Les mariages interethniques, inter-religieux, inter-linguistiques et inter-régionaux sont légion. Nul ne peut affirmer le contraire, sans verser dans le manichéisme et la fantasmagorie. Le Ministre d’Etat Marafa affirme que les résolutions du Grand Dialogue National n’ont été suivies d’aucun effet. C’est faux. Le Grand Dialogue National a abouti à 4 principales résolutions : Le statut spécial accordé aux régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, L’approfondissement de la décentralisation, la promotion du bilinguisme et la reconstruction desdites régions. La loi 2019/24 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées consacre le statut spécial des deux régions, autant que l’approfondissement de la décentralisation. La loi 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles adresse la question de la promotion du bilinguisme. Le Premier Ministre, le Dr Chief Joseph Dion Ngute, a présidé, le 5 décembre 2019, une importante réunion avec les Ambassadeurs accrédités au Cameroun, pour leur présenter le programme spécial de reconstruction des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Des pays amis ont, à cette occasion, annoncé leur contribution au financement de ce programme. Preuve de la crédibilité internationale dont jouit le Cameroun. Le Ministre d’Etat Marafa affirme que l’insécurité s’aggrave dans la zone anglophone. C’est faux. Les forces de défense et de sécurité, sous la très haute impulsion de Monsieur le Président de République, Chef des Armées, sont en train de résoudre cette crise sécuritaire et, peu à peu, les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord retrouvent un climat de paix et de sécurité. Et plusieurs combattants sécessionnistes ou d’anciens activistes de Boko Haram sont en train de déposer les armes, à la demande de Monsieur le Président de la République, Chef des Armées. Ils sont accueillis dans les Centres de Désarmement, Démobilisation et de Réintégration (Bamenda, Buéa, Mora). Le Ministre d’Etat Marafa daigne soutenir que les prétendus « massacres de NGARBUH » (départe- ment de Donga-Mantung, région du Nord-Ouest) ont atteint un niveau « insupportable ». C’est faux. Le Ministre de la Communication, porte- parole du Gouvernement, et le Ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense, ont communiqué à suffisance sur cette situation. Leurs explications ont été claires, précises et convaincantes. Point n’est besoin de revenir sur ce cas. Tous les citoyens de bonne volonté doivent veiller, de quelque manière que ce soit, à la mise en œuvre de la paix dans les régions où celle-ci est mise à rude épreuve. C’est cela la sincérité du patriotisme et l’exemplarité de l’amour de la République.