Le président de l’Assemblée nationale s’illustre ces derniers temps par des frasques qui déteignent sur la gouvernance de la Chambre basse du Parlement. Ces derniers temps, il ne rate aucune réunion restreinte pour rappeler à ses plus proches collaborateurs qu’il a 80 ans. Et qu’à cet âge, on n’attend plus rien de la vie. Qu’on devrait se préparer à quitter à tout moment. De là à basculer dans une déchéance comportementale ? Il n’y a manifestement qu’une passerelle que le président de l’Assemblée nationale (PAN) a allègrement traversée. Lui qui, jusqu’ici, a toujours clamé et déclamé à tout vent sa loyauté et sa fidélité à celui qu’il appelle obséquieusement patron ne se lasse plus d’affubler Paul Biya de qualificatifs peu glorieux. Le président de la République est même devenu son exutoire. Le PAN, regrettant le magistère d’Ahmadou Ahidjo, rend le président de son parti responsable de tous les maux du Cameroun. Devant un visiteur du soir, il se lâche : « Paul Biya nous prend pour des moutons. Nous avons toujours été fidèle à ce monsieur, nous avons fait du Grand-Nord son fief qui lui permettait de gagner librement les élections. Je me suis battu pour la modification de la Constitution afin qu’il se représente. Aujourd’hui il nous met de côté. C’est la trahison totale ». Une source au sein de son cabinet rapporte également ces propos du PAN : « Je vois que du temps d’Ahidjo la vie politique était plus ouverte que maintenant, une tribu a pris le pays en otage confisquant toutes les institutions. Du pur totalitarisme ». Cavaye Yéguié Djibril réalise subitement que la longévité au pouvoir de Paul Biya est le seul problème de ce pays, qu’il est vieux et fatigué et a confié les rênes du pays à ses plus proches collaborateurs, en l’occurrence le ministre d’Etat secrétaire général et le ministre directeur du cabinet civil, ses poils à gratter qu’il gratifie à volonté de tous les noms d’oiseaux. Passe encore que le PAN étrille Paul Biya et ses collaborateurs. Car, rappelle un bon connaisseur du sérail, il est difficile qu’un tel long compagnonnage se passe sans heurts. Sans frustrations. « Pour rester 28 ans à la tête de l’Assemblée nationale, Cavaye Yéguié Djibril a sans aucun doute payé un tribut, qui peut notamment se décliner en termes d’acceptation des humiliations », croit savoir une source. Et une autre au sein du cabinet du PAN de corroborer : «Sur le plan personnel, il ne pardonne pas à Paul Biya de l’avoir humilié en 2013, en refusant sa candidature aux premières sénatoriales. Il vit également très mal le fait qu’il n’a plus été reçu en audience par le président de la République depuis plus de deux ans ». Mais ce qui semble grave aujourd’hui, c’est le comportement de Cavaye Yéguié Djibril à la limite indigne d’un président de l’Assemblée nationale. Le PAN a choisi de mener désormais sa vie comme un épicurien. Il savoure l’instant présent, comme si demain ne viendra pas. Et ne se prive pas des plaisirs de la vie, qui ne lui laissent pas toujours la pleine possession de ses aptitudes. Du coup, l’Assem-blée nationale est gérée comme une épicerie familiale. Le PAN est devenu quasiment otage de ses plus proches collaborateurs qui lui font signer tout et n’importe quoi. Par exemple, le 19 décembre, profitant de ce qu’il avait pris un verre de trop, ils lui ont fait signer des textes préparés à son insu par son directeur de cabinet, son conseiller spécial et directeur du protocole et son conseiller technique nommant Alhadji Liman beau-frère du PAN comme attaché cumulativement avec ses fonctions de comptable et caissier ; Boukar Dairou, neveu du PAN et Ake comme chargé d’études. Le même jour, une proposition de nomination de Joseph Sanji jusque-là chargé de mission au poste de conseiller technique, d’Ali Baba, chef du secrétariat particulier du directeur de cabinet et de Banki, chef du secrétariat particulier du PAN comme chargés de missions est bloquée au dernier moment. Les nominations sont signées presque chaque jour. Le 20 décembre, Mahama Abba manœuvre et réussit à se faire nommer contrôleur général des finances et de l’administration avec rang et prérogatives de secrétaire général de l’AN. Une manière peut-être de contourner le blocage de sa proposition de nomination depuis la suspension du SG titulaire. Dans ces batailles pour la sauvegarde des intérêts personnels et la gestion des avantages, deux camps sont particulièrement actifs. Ainsi, dimanche 22 décembre dernier une guerre rangée a opposé d’un côté le directeur de cabinet, Boukar Abdourahim, qui voit d’un mauvais œil que le chef de l’autre faction, Amadou Ndot-tiwa, cumule les fonctions de conseiller spécial et de directeur du protocole, poste jugé le plus juteux. Le Dircab planifie la nomination de son protégéT!*^ana Zake Hamidou comme directeur du protocole. Le projet de nomination est saisi dans un secrétariat bureautique en ville et porté au PAN au quartier Efoulàn qui le signe. Alerté, le camp d’Ama-dou Ndottiwa se met sur le qui-vive. Si bien que dès le retour du PAN à son cabinet, tous les protagonistes se retrouvent autour de lui. Devant la troisième personnalité, l’arrêté déjà signé est arraché et déchiré au moment même où il était en train d’être remis au Dircab pour affichage. Ses collaborateurs vont s’étriper devant lui avant qu’il ne confirme l’annulation de la décision. Même s’il se montrera incapable de réconcilier les deux camps.
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