L’historien Achille Mbembe affirme que le Cameroun est tombé sous la coupe des tyrans locaux depuis 1958. Ce mardi 6 octobre 2018, l’historien, philosophe et écrivain Achille Mbembe a publié sur sa page Facebook un texte intitulé «la communauté des captifs». Dans ce texte, il révèle être quotidiennement approché par des personnes incarcérées et qui y sont sans jugement. Il avoue son incapacité à pouvoir porter toutes les causes, qui de son point de vue, sont politiques. Retrouvez ci-dessous le texte d’Achille Mbembe Alors que partout ailleurs il semble évoluer à une vitesse accélérée, le temps s’est littéralement arrêté au Cameroun. Inventé il n’y a pas longtemps par les Allemands, puis administré pendant près d’une quarantaine d’année par les Français et les Anglais, cette contrée d’une richesse insondable est tombée sous la coupe de tyrans locaux depuis 1958. Depuis à peu près 40 ans, elle est systématiquement mise à sac par un vieux satrape, grabataire qu’entoure une armée de sicaires et de brigands. Pendant ce temps, le peuple, frappé d’ankylose, se vautre dans la boue et se gave de sa propre bêtise et de sa lâcheté. Tournant le dos à la dignité, il a opté pour le tribalisme. Fausse conscience ? Calcul intéressé ? Bienheureux celui ou celle qui pourra déchiffrer l’énigme et démonter les ressorts de cette monstrueuse abdication. Comme plusieurs autres, j’en ai marre et souhaiterais être loin de tout cela. De cette spirale démoniaque. Très loin de la puanteur. Ecrire mes livres. Apporter ma petite contribution à l’éveil de l’Afrique là où celle-ci est sollicitée. Vivre ma petite vie avant de m’éclipser à mon tour, comme tous ceux et toutes celles qui sont parties avant nous. Mais non, depuis deux ans le Cameroun a refusé de renouveler mon passeport camerounais, mais le Cameroun ne me lâche pas. Il me suit partout et me colle sur la peau comme une part damnée. Ce matin encore, comme cela arrive de plus en plus régulièrement, je reçois un autre appel d’un autre prisonnier détenu sans procès dans les geôles d’un régime sous lequel la prison est devenue une condition. Et chaque citoyen africain un captif potentiel. Je ne suis ni un militant, ni un activiste. J’ai consacré tout un chapitre de BRUTALISME (La communauté des captifs) a tous les prisonniers camerounais qui, depuis quelques années, frappent régulièrement à ma porte, je ne sais pourquoi. Et ils sont très nombreux. De plus en plus nombreux. Un seul individu ne peut pas s’occuper de toutes ces causes. Elles ne sont pas individuelles. Elles sont politiques. Dans tous les mouvements de résistance, le passage par la prison a toujours été un moment-clé du « cycle initiatique qui mène à la libération. Encore faut-il qu’une communauté se forme et prenne en charge le fait de la captivité comme un élément décisif de la dynamique de libération. Aux Camerounais et aux Camerounaises de bonne volonté, je voudrais donc poser une seule question. Est-il possible de faire corps et d’initier, ensemble, un vaste mouvement international, dont l’objectif serait de braquer toute la lumière du monde sur le sort des captifs de notre peuple?
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