Le 12 novembre, des sécessionnistes ont attaqué le convoi du Bir escortant le préfet du Ngoketunjia et quatre sous-préfets. Quetong Anderson Kongueh, le préfet du département de Ngoketunjia, dans la région du Nord-Ouest peut remercier grandement le lieutenant Roula – nom d’emprunt par souci d’anonymat -, commandant d’un détachement du Bataillon d’intervention rapide (Bir). Grâce à sa bravoure et à la réaction professionnelle de ses hommes, il a réussi à les sortir d’un piège tendu par les séparatistes sur la route qui mène à Balikumbat, un arrondissement situé à 39 km de Ndop. Partis pour l’installation, du nouveau sous-préfet, ils ont failli ne jamais revenir. Tout commence pourtant sans problème le mercredi 12 novembre 2019. Le préfet de Ndop rassemble ses hommes pour un voyage à Balikumbat. Objectif : installer le nouveau sous-préfet, Forbi Enoh Fritz. Dans la délégation, on retrouve aussi le sous-préfet sortant de Balikumbat, Abale Simon, le nouveau sous-préfet de Ndop, Nkenemo Michael et l’ancien sous-préfet de Ndop, madame Akimen. Au total, un préfet et quatre sous-préfets. Le lieutenant du Bir, Roula, parti de Bamenda pour venir prêter main forte, coordonne un cortège composé de trois véhicules blindés de ce corps d’élite, ainsi que trois pick-up transportant une trentaine d’hommes. C’est à 11h que le cortège quitte la résidence du préfet de Ndop pour regagner Balikumbat. Les autorités sont installées dans l’un des véhicules blindés. Nous avons au total 29 kilomètres de route non bitumée à parcourir. Premier constat, les routes sont désertes, aucun habitant en vue, aucun véhicule ne circule. Les sécessionnistes ont décrété « journée morte » et prévenu le peu d’habitants qui restent dans le village qu’il y aura des coups de feu. Donc ils doivent quitter le village. Après 15 minutes de route, au niveau du village Bamali, le lieutenant Roula, installé dans le blindé en tête du peloton, fait arrêter tous les véhicules et leur demande de reculer. Il semble avoir détecté des mines enterrées sous la voie. Il instruit à ses hommes d’entrer en brousse à 200 m de chaque côté de la route, d’avancer en recherchant les fils rouges qui mènent aux mines posées sur la route. «Avancez et sondez à chaque fois si possible », instruit-il à ses hommes. Ils communiquent à travers leurs postes radios de commandement. Après avoir tiré plusieurs coups de feu dans la broussaille pour « sonder » en avançant, les éléments du Bir sont loin d’imaginer ce qui leur attend. Des combattants séparatistes postés dans leurs cachettes observent tout. Face à la virulence des coups de feu du Bir, ils décident eux aussi d’ouvrir le feu sur le cortège. Les hommes du Bir, alertés, se couchent et tirent en rampant. Les tirs gagnent en intensité et plusieurs balles échouent sur les blindés. Les sécessionnistes battent finalement en retrait, non sans faire sauter les mines qu’ils avaient posées. Au total, deux d’entre elles explosent en laissant d’énormes cratères sur la route. Après cette interruption, le cortège poursuit son trajet. Jusqu’à Balikumbat, il n’y aura pas d’autres accrochages. Mais on fera face à d’autres problèmes. Les combattants anglophones ont placé des obstacles sur la route. Au village Joguru, ils ont utilisé un camion de sable pour bloquer la voie. A d’autres endroits, ils ont creusé d’énormes trous sur la chaussée afin d’empêcher les véhicules de circuler. L’on note aussi des ponts détruits et bien d’autres stratagèmes pour freiner la progression. Grâce à la robustesse de ses véhicules, le cortège réussit à chaque fois à franchir ces obstacles, même si c’est avec beaucoup de peine. Après plus de trois heures de route, nous arrivons à Balikumbat, localité cimetière. Le silence domine. Même pas un cri d’oiseau dans l’air. Le nouveau sous-préfet est installé sans aucun habitant, juste les éléments du Bir et quelques journalistes. Après les formules protocolaires, nous reprenons le chemin inverse pour regagner le village Ndop. Les hommes du Bir nous préviennent que les sécessionnistes vont bien se préparer pour nous attendre. Retour Après 20 minutes de route sur le chemin de retour, précisément au village Bafanji, l’on constate de nouvelles barricades. Des barrières qui n’existaient pas lors de notre passage à l’aller. Le lieutenant Roula, une fois de plus, fait arrêter tous les véhicules. En plus de la barrière, il découvre des mines placées sur la route, ainsi que des barres de fer aiguisées dissimulées au sol pour détruire les roues des voitures. En réponse, la même stratégie est appliquée. Les éléments du Bir s’infiltrent dans la forêt à 200 mètres de chaque côté de la route, effectuent des tirs groupés pour sonder le terrain et avancent en recherchant les fils rouges qui mènent aux mines. Une nouvelle fois, les séparatistes vont ouvrir le feu et les échangent de tirs vont durer plus d’une heure. Débordés par la puissance de feu du Bir, «l’ennemi» va prendre la fuite en abandonnant derrière lui les engins explosifs qui seront saisis et brûlés. Plusieurs véhicules sont perforés par les balles. C’est aux environs de 20h que nous arrivons à Ndop. A la base du Bir, le lieutenant fait le contrôle de ses hommes. Aucun n’est blessé. Il affirme au préfet qu’il est probable qu’ils aient neutralisés de nombreux combattants anglophones. Les hommes se reposent et attendent le lendemain, jeudi, pour l’installation du nouveau sous-préfet de Ndop. Cette installation sera aussi émaillée de nombreux coups de feu mais sans grand incident. Balikumbat Balikumbat est le plus vaste arrondissement du département de NgoRetunjia. Tous les établissements scolaires sont fermés, tous les bâtiments administratifs abandonnés dans la broussaille. Une ville fantôme. Quasiment toutes les populations ont quitté le village. Les chefs traditionnels ont fui pour échapper aux exactions. A Balikumbat comme à Ndop, ce sont les séparatistes anglophones qui dirigent. Ils imposent des impôts aux populations. « Dans chaque maison, chaque personne paye 5 000 Fcfa chaque semaine. Si vous avez un décès au village, vous devez leur verser 1 million Fcfa pour avoir l’autorisation de venir procéder à l’enterrement », explique un allogène. Sur les axes routiers, les groupes séparatistes placent leurs propres contrôles et demandent à tout le monde de payer. Si dans la voiture vous êtes des étrangers, ils vous enlèvent et vous amènent dans la forêt. Les gendarmes et policiers sont eux aussi des cibles. Pour preuve, beaucoup ont déjà été enlevés et tués par les sécessionnistes. « Nous avons de nouvelles consignes de sécurité. Les Fmo marchent en groupe. Seul, un agent est exposé », précise le commandant de la brigade de gendarmerie de Ndop. Pour le préfet Quetong Anderson Rongueh, ces actes ne relèvent plus simplement de la sécession. « C’est du gangstérisme, le crime organisé, l’exploitation. Toutes les populations ont été chassées. Le jour de mon installation, il n’y avait personne. Même le chef de village n’était pas venu. Les séparatistes ont tiré pendant toute la cérémonie. Le Bir a riposté et abattu deux d’entre eux. Je demande à la population d’adopter la devise, « tous pour un, un pour tous ». Vous tuez un, vous nous tuez tous, sinon on se révolte », explique Quetong Anderson Rongueh. Des sources expliquent que le même climat de terreur règne dans tous les autres arrondissements de Bamenda. Selon certains de nos interlocuteurs, la plupart des maires, députés et chefs traditionnels ont déserté la région du Nord-Ouest. Le règne de la terreur.
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