Garoua -boulaï : l'insécurité au quotidien

La ville aux frontières du Cameroun et la Rca est sous la surveillance constante des forces de défense et de sécurité ; les populations sont sur le qui-vive; tandis que l’économie est en péril. Reportage de l’envoyé spécial. Béthanie est bruyante ce jeudi. La circulation de voitures et de motos est continuelle dans ce quartier aux bâtiments modernes abritant notamment l’hôpital de district de Garoua-Boulaï. Devant cette formation sanitaire, des agitations et des voix qui s’élèvent attirent l’attention. Un groupe de jeunes gens se chamaillent en langue «Gbaya» (langue parlée dans certaines parties de l’Est Cameroun et de la Centrafrique). «Ce sont les réfugiés. Ils sont toujours en train de faire les problèmes», laisse tomber avec ironie, un homme d’âge mûr, sous le regard désapprobateur d’une dame qui s’est également arrêtée sur les lieux. «Est-ce que leur vie est facile», questionne-t-elle? Un silence indifférent accueille son intervention. Cette scène passe au second plan, lorsqu’un camion des forces de défense et de sécurité vient à passer. A l’arrière du véhicule, des hommes et des femmes1 sont assis. Serrés les uns contré les autres. Encadrés par des militaires. Un camion rempli de bœufs suit tandis qu’un pick-up du Bataillon d’intervention rapide (Bir), avec à son bord une dizaine d’éléments ferme la marche. Le convoi prend la direction de Gado badzere. La localité est située à 26 km de Garoua-Boulaï et abrite le site de réfugiés le plus peuplé de la région de l’Est (plus de 27 000 personnes). Cette image attire l’attention, mais ne surprend plus les habitants de la ville de Garoua-Boulaï. Depuis la reprise des conflits en République Centrafricaine, les arrivées se multiplient. La présence militaire également. Montrer patte blanche C’est depuis la ville de Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est, qu’est observée la multiplication, des effectifs militaires. C’est au poste de contrôle mixte, Gendarmerie-Police de Mandjou (à 8,9 km de Bertoua), que débute la surveillance. Ici, environ 6 éléments sont chargés de passer au peigne fin, les véhicules qui prennent la direction de Garoua-Boulaï. Il faut décliner son identité et préciser sa destination pour traverser cette étape. Les conducteurs qui n’obtempèrent pas sont appelés à garer leur véhicule sur le bas-côté de la route. Ce jeudi, alors qu’il est 7 heures, le trafic au niveau de ce poste de contrôle est ralenti par un incident. Un automobiliste refuse de répondre aux questions posées par un jeune gendarme. Ce dernier, face à la résistance de son interlocuteur, appelle à la rescousse sa collègue, assise dans un box. «Monsieur la situation actuelle est délicate. Il faut expliquer les raisons de votre déplacement et le lieu où vous vous rendez pour qu’on vous laisse passer» indique cette dernière à l’automobiliste désobéissant. L’échange s’étire sur environ 5 minutes avant que les gendarmes ne soient satisfaits des réponses qui leurs ont été apportées. Couvre-feu A 246,8 km de là, ce sont notamment les éléments du Bataillon d’intervention rapide qui- prennent la relève. Ces derniers sont quasiment omniprésents dans la ville de Garoua-Boulaï. Environ toutes les trente minutes, un pick-up vient à traverser l’axe principal de la ville. Le même manège se poursuit une fois la nuit tombée. Des patrouilles sont faites mais cette fois par des gendarmes et des policiers. Un couvre-feu a été institué et débute à 23 heures. Si toute la ville est soumise à cette décision, une attention particulière est portée sur les quartiers situés aux abords de la frontière avec la République Centrafricaine : Sabongari, Zoukoundé, Sabal ville, Shell, frontière. Des incursions des bandes rebelles centrafricaines ont déjà eu lieu et sont redoutées autant par les FMO que les populations. «Il y a désormais beaucoup d’étrangers et on ne sait pas toujours avec quelles intentions ils viennent. Certains viennent pour chercher refuge, d’autres arrivent avec de mauvaises intentions. C’est assez compliqué. Surtout avec le couvre-feu qui a été à nouveau institué. Et malgré cela, il y a quelques cas d’agression. Ca fait vraiment peur. De sure oit, il y c eu une fouille dans les quartiers pom percher les armes il y a quelques temps. On ne sait plus à qui faire confiance, parce que dans la population il y a des gens qui ravitaillent les rebelles. On est sur le qui-vive» raconte Amandine Lucie Makiang, animatrice sociale du PRODESV (programme économique et social des villes secondaires exposées à des facteurs d’instabilité) à la Mairie de Garoua-Boulaï. Les-étrangers sont également sur le qui-vive. Ibrahim est chauffeur dans une agence de location de véhicules à Bertoua. Ses différents déplacements l’emmènent au minimum deux fois par semaines dans cette partie de la région de l’Est. «Quand j’arrive à Garoua-Boulaï, je ne sors plus la nuit. Alors qu’avant quand je finissais de travailler je restais dehors jusqu’à 22 heures. Maintenant, dès que j’ai tau lé prière, vers 19h30, je vais dans ma chambre. J’avais l’habitude de rester dans un hôte! au quartier Frontière mais avec l’insécurité, On nous a demandé de chercher les chambres au Centre-ville», indique-t-il. Péril sur l’économie Les commerçants également sont frappés de plein fouet par le vent de la crise en Rca. Le Cameroun se positionne comme le principal pays approvisionnant le pays d’Archange Touadera. Les conflits de ces derniers mois entre le gouverrrment . sntrafricain et les groupes de rebelles ont de fait eu un impact sur l’écoulement des marchandises. Avec la fermeture de la frontière, plus d’un millier de camions est stationné dans la ville. Selon les informations recueillies; certains ne sont plus capables de payer les taxes. Mêmes les petits commerçants des marchés de la ville suffoquent. Les Centrafricains se sont positionnés ici, depuis des années comme les meilleurs clients. Comparaison faite avec les Camerounais. L’absence de mouvement des personnes et des biens asphyxie les petits commerces. «Avec l’arrivée des fêtes de fin d’année nous nous sommes ravitaillés. Certains devaient aller vendre de l’autre côté de la frontière. Et d’autres comme moi, restons ici. Mais il y a eu les attaques de décembre. Le marché est très difficile» assure Annie, vendeuse de produits vivriers. La fin du cauchemar ne semblé pas cire proche. La République Centrafricaine n’est pas sortie des ravages causés par huit années de guerre civile.


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