La variété Cayenne lisse cultivée au pays est menacée de disparition par la préférence du marché pour le Md2 d’Amérique. Les exportateurs de fruits et légumes du Cameroun, rassemblés autour du Réseau des exportateurs de produits horticoles du Cameroun (Rhorticam) ont perdu le sommeil. Depuis le 1er janvier 2020, ils ont reçu l’information selon laquelle ils doivent changer de variété d’ananas s’ils veulent rester compétitifs sur le marché mondial, surtout dans l’espace de l’Europe où se trouvent leurs plus gros clients. « En Europe, nous sommes fortement concurrencés par les ananas de variétés Md2 qui sont cultivés en très grande quantité en Amérique et exportés par bateau vers l’Europe. Ces produits sont plus résistants que les nôtres et se vendent beaucoup plus moins chers. Les ananas Md2 se vendent tellement bien que désormais, les Américains ont commencé à en exporter par avions. Pour chaque chargement d’avion ils peuvent mettre même 100 tonnes d’un coup, avec des dizaines de vols par semaines. Cette concurrence fait que nous en Afrique, avec les petites quantités que nous exportons, nous ne sommes plus pris au sérieux par des clients en Europe parce que la variété Cayenne lisse que nous produisons ici se vend un peu plus chère sur le marché européen », explique sous anonymat un exportateur camerounais. Seulement, les semences de la variété Md2 ne se trouvent pas au Cameroun. Elles peuvent être achetées dans des pays comme le Ghana ou encore la Côte-d’Ivoire. Sauf que les exportateurs camerounais disent ne pas avoir de ressources pour s’en procurer. « Nous envisageons rencontrer notre ministère de tutelle pour soumettre un projet de demande de financements pour relancer notre secteur d’activité. Nous cultivons des centaines d’hectares d’ananas. S’il faut remplacer les semences dans tous ces hectares, cela demande beaucoup d’argent », explique un agriculteur. Les exportateurs américains plus équipés et soutenus contrôlent depuis 2016 l’exportation de l’ananas sur la zone de l’Europe. Avec ce leadership, ils sont allés jusqu’à commencer à imposer leur rythme au niveau des ventes. A contrario, en Afrique, surtout au Cameroun, les exportateurs d’ananas sont abandonnés à eux même, sans réel soutien de l’Etat. « Nous ici on n’arrive même pas à avoir de l’engrais. Le sac d’engrais coûte 13 OOOFcfa. Depuis des années nous demandons sans succès à notre gouvernement de nous aider à subventionner l’achat d’engrais pour relancer la filière. En Côte-d’Ivoire et au Ghana l’Etat le fait. Nous achetons le matériel agricole à nos frais. Si, avec toutes ces difficultés on nous demande de changer les variétés d’ananas dans les champs, je crois que beaucoup parmi nous vont fermer. Plusieurs de nos plantations ont été incendiées par les Ambazoniens et nous n’avons pas été dédommagés. On fait face à la concurrence déloyale imposée par le marché local qui produit du mauvais ananas. Beaucoup d’exportateurs vont fermer boutique », craint un agriculteur mécontent. Depuis 2016, la filière ananas au Cameroun a vu ses taux d’exportations diminuer, avec des exportations qui n’atteignent plus 10 tonnes par semaine. Un secteur en peine.
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